Notre attention prise par les affrontements de toute beauté du Grand Prix de Thaïlande MotoGP et du dernier duel 2023 entre Alvaro Bautista et Toprak Razgatlioglu en Superbike (mais quel week-end !), nous n’avons accordé que de temps au Supersport où, de toute façon, l’opposition au couple Nicolo Bulega / Ducati n’est qu’épisodique. Et après coup, nous avons préféré revivre cette dernière manche du point de vue du désormais seul Français de la catégorie, Valentin Debise, 5e du championnat.
Merci à lui pour cet éclairage intéressant, dans bien des domaines…
Valentin, on va revivre le week-end dernier de ton point
de vue. Alors si je résume le contexte, tu arrives à Jerez,
dernière manche du championnat, en 6e position au classement
général après avoir manqué un weekend à cause d’un virus, plus une
course ensuite où tu n’étais pas à 100% physiquement. C’est ça
?
Valentin Debise :
« Non, non, il n’y a eu que le weekend où je n’ai pas pu
participer et après il y a eu une course ou deux, je sais plus, où
j’ai eu des problèmes mécaniques. »
D’accord, donc là tu arrives dans quel état d’esprit ?
Comme tu 6e, est-ce que tu regardes le classement où on voit que tu
es 8 points derrière Sofuoglu et 9 points devant Tuuli
?
« Bah oui, bien sûr ! Bon après, je savais que
Tuuli était plutôt en phase de moins bien dernièrement, avec la
grosse gamelle qu’il a prise à Aragon et tout ça. Donc Tuuli, je
n’étais pas vraiment inquiet. Après je savais que je pouvais avoir
la 5e place. Et Sofuoglu, je veux dire, il a fait une saison un peu
comme la mienne, avec des courses où il a bien roulé et des courses
où il tombait. Moi, je ne suis pas tombé mais j’ai eu des courses
moins bien et tout ça, et souvent on s’est bagarré ensemble, donc
c’est pour ça qu’on a fini à peu près ensemble au classement. Donc
forcément je vois Sofuoglu et du coup j’ai roulé un peu avec lui
pendant les essais pour voir comment il roulait, et j’ai vu qu’il
était un peu en difficulté. Donc voilà, je savais que j’avais mes
chances de finir 5e. »
Dès les essais, tu observes ton
adversaire?
« Bien sûr ! Je veux dire, tout le monde se met à
pression: quand on va signer les autographes tous ensemble au
Paddock Show, tout le monde s’envoie un peu des ‘carottes’ pour
faire de l’intox. Bon voilà, c’est la compétition, ça fait partie
du jeu (rires). »
Alors parlons des essais. Première séance, presque
personne ne roule car c’est mouillé, mais tu sors quand même et tu
fais 2e…
« Oui. En fait, ça me gonfle d’être sur un circuit
et de ne pas rouler. Le team ne voulait pas trop mais j’ai fait le
forcing et au final ça n’a rien changé. Le seul truc c’est que
normalement on garde des trains de pneus de secours au cas où il y
ait drapeau rouge, mais deux drapeaux rouges, c’est un cas
quasiment impossible. Du coup le seul avantage de ne pas rouler
c’est que j’aurais eu 2 trains de pneus. Mais ça veut dire que le
train de pneus que j’ai utilisé aux essais sous la pluie le
vendredi matin, c’est un train de pneus que je n’ai pas pu mettre
au warm up parce dans la première course on n’a pas eu drapeau
rouge. Donc au warm up ils sont tous partis en pneus neufs et moi
en vieux pneus, mais en fait ça n’a pas changé grand chose, sauf
que j’ai roulé sous la pluie, donc s’il avait plu, j’aurais eu
sûrement un avantage parce qu’on avait relevé des infos par rapport
aux réglages de la moto. »
Dans la séance du vendredi après-midi, tu finis 5e donc
devant Sofuoglu qui est 9e et Tuuli qui est 16e, donc là ça te
conforte pour le championnat? Quelles sont les impressions sur la
moto, le circuit, tout ça ?
« On sait qu’à Jerez il y a toujours des virages,
notamment le 2e., le droite après la ligne droite du retour, le
long gauche et le dernier virage, où il y a toujours des tâches
d’eau qui ne sèchent à peu près jamais. Et là, c’est ce qui s’est
passé; on est parti et il y avait les taches d’eau qui étaient
assez conséquentes, et au fur et à mesure du roulage, elles se sont
dissipées. Donc le début de la séance était très lent. Moi j’ai la
chance que ça soit un circuit que je connais très bien donc je
savais où étaient les tâches d’eau et ça ne me gênait pas
énormément alors qu’il y a eu pas mal de mecs qui sont tombés sur
les taches d’eau. Après ouais, j’avais un peu de difficulté avec le
pneu dur et quand on a passé le pneu tendre, c’est vrai que j’ai
réussi à à rouler assez vite et à être assez confortable. On était
parti sur les réglages d’Aragon parce que c’est une piste espagnole
et le grip est assez similaire sur les 2 pistes avec les Pirelli.
Ça glisse pas mal sur l’accélération, et donc assez vite je me suis
senti à l’aise et prêt à attaquer. »
On en arrive à la Superpole du samedi, où tu fais 9e,
1/10 devant Sofuoglu. Pourquoi
9e ?
« Bah de toute façon, de toute l’année ça a été un
peu mon gros défaut, les qualifications. J’ai toujours du mal à
faire immédiatement un tour rapide. J’arrive, si je trouve une
bonne roue, je me mets derrière et j’arrive à suivre, mais le faire
tout seul, j’ai toujours du mal. Donc ça c’est un point sur lequel
je vais devoir travailler cet hiver. Vu que. Je n’ai pas un budget
illimité, je passe beaucoup de temps à rouler sur des vieux pneus
tu vois. J’ai quand même eu pas mal de pneus neufs que le team
m’avait donné en début d’année, mais après je roulais souvent sur
des pneus de récup, donc voilà c’est vrai que c’est pour ça qu’en
course je suis bon, parce que je me suis beaucoup entraîné, et par
contre faire un bon chrono sur 2 tours avec des pneus neufs, j’ai
du mal quoi. J’ai du mal à exploiter le surplus de grip, donc ça
c’est quelque chose où je vais devoir dépenser un peu plus d’argent
sur les pneus cet hiver et m’entraîner à passer des pneus et
essayer de comprendre la manière de piloter. C’est un axe
d’amélioration pour l’année prochaine. »
Ah oui, honnête et intéressant. Raconte-nous la première
course, où tu finis 5e, après avoir été longtemps 4e, à une seconde
du podium…
« Il y avait toujours ces tâches
d’eau, donc on va dire que sur la trajectoire, en étant très
précis, on arrive à rouler de façon normale, mais je sais qu’il y a
plusieurs virages où je mettais les roues à 5 ou 10 cm des tâches
d’eau à chaque fois aux essais, donc en course ce n’était facile à
faire. J’arrivais à à rouler à peu près seul, mais rouler en
paquet, c’était un peu plus compliqué. Dans le premier tour, Manzi
est passé sur une tâche d’eau parce qu’il se fait doubler. En fait,
dès qu’on se fait doubler, on passe sur une tâche d’eau et on perd
énormément de temps, et en fonction des virages, on en perd plus ou
moins. Et du coup, moi j’ai réussi à prendre un bon départ et à me
faufiler. J’avais opté pour le braquet court et pas le braquet
long, donc ça veut dire qu’à tous les départs je suis bien sorti de
la grille. Je me suis retrouvé dans le bon paquet, mais je double
Huertas, il me redouble, je le redouble, donc je perds un peu le
paquet du podium. En 2 ou 3 tours, je remonte assez vite sur le
podium et là Manzi me double, et il me double au pire endroit. Donc
là je perds, je ne sais pas, une seconde et demi. Après, ça va; il
n’y a que lui qui me double et on a mis un gap sur Huertas et j’ai
passé toute la course à chasser. J’ai réussi à remonter pas très
loin du podium, j’étais à 2 ou 3/10 donc j’avais vraiment un bon
rythme. »
A ce moment-là, tu étais 4e et tu revenais dans la roue
de la Ducati de Caricasulo, ce qui faisait hurler les commentateurs
de Dorna Sports…
« Voilà, j’étais 4e à ce moment-là, et là j’ai
fait deux erreurs consécutives dans le même tour. En fait, vu que
j’étais proche, j’ai décidé de remettre un coup de collier alors
que j’étais déjà pendu. Donc ça, c’était mon erreur de vouloir en
faire encore plus, et le fait de faire ça , j’ai perdu 2 fois
l’avant, je passais 2 fois sur les tâches d’eau, donc là j’ai perdu
pas mal de temps, et en ayant perdu l’aspiration j’avais vraiment
du mal à faire des chronos rapides. Et je pense aussi que j’avais
tapé pas mal dans mon pneu arrière, donc je n’arrivais plus à
remettre du rythme, et du coup je me suis fait rattraper et doubler
par Navarro dans le dernier tour.
Donc voilà, je suis un peu déçu parce que je pense que j’avais
un podium possible. Enfin, j’aurais été plus content de finir
proche du podium et de pas le faire, que d’être 5e et un peu plus
loin. »