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Avant la reprise du championnat du monde Supersport, ce weekend à Donington Park, nous avons pu demander à Jules Cluzel de nous expliquer pourquoi il lui était maintenant assez difficile de se battre pour la victoire.

Certes, la nouvelle règlementation qui autorise des motos de cylindrée supérieure à sa Yamaha R6 contraint également à lester celle-ci de 8 ou 9 kilos, ce qui n’est pas le cas pour Dominique Aegerter en tête du championnat, puisqu’il s’agit d’un pilote plus lourd.

Cependant, le pilote du GMT94 n’explique pas l’entièreté de ses résultats à cet état de fait et, au contraire, le relativise au milieu d’autres facteurs…

 


 

Jules, on ne va pas parler de ton parcours qui est connu et on ne va pas parler de tes résultats actuels (« Merci, c’est cool ! » répond Jules en souriant)  mais on va essayer de faire comprendre au grand public pourquoi tu ne gagnes plus alors que Dominique Aegerter est en tête du championnat du monde Supersport, avec la même moto…
Jules Cluzel : « Je vais parler en tant que pilote. C’est assez incompréhensible, frustrant et énervant, mais il y a des raisons. Je ne les connais pas à 100 % mais je pense que c’est la somme de plein de choses. Le facteur des pilotes lourds et des pilotes légers, cela a un impact, cela a un effet, mais je ne pense pas que cela explique à 100 % nos résultats. Je pense qu’on n’était pas entièrement prêt lorsqu’on a attaqué la première course et on a aussi eu de la malchance : je me suis fait percuter lors de la deuxième course à Assen alors qu’on avait fait des réglages pour évoluer et peut-être se rapprocher du podium. C’est sûr qu’on n’allait pas la gagner mais l’objectif du podium était possible. Estoril, pareil : je pense qu’on pouvait faire deux podiums aux deux courses. C’était l’objectif et c’était faisable. Malheureusement j’ai eu un point mort sur la première et je n’ai pas eu le bon réflexe puisqu’en remettant la première la roue s’est bloquée et je suis tombé. Et à la deuxième course, la moto était en panne. Donc voilà, je pense qu’il y a plein plein plein de choses qui, mises bout à bout, font que ça ne l’a pas fait. Mais de toute façon, c’est clair et net qu’on n’aurait pas fait les résultats d’Aegerter, donc il y a un manque de performance qui est clair et qui se voit. L’objectif est de combler l’écart, même si pour moi il n’est pas pensable d’être champion du monde cette année : j’ai vu dès la première course qu’on n’était pas prêt. Maintenant, l’objectif est de faire comme l’année dernière, c’est-à-dire trouver des solutions pour remonter sur le podium et essayer de regagner des courses. »

Pour illustrer ce que Jules Cluzel explique, Rémi Guyot, présent lors de l’interview, apporte alors quelques précisions : « Cette année, nous avons eu droit à une nouvelle électronique avec un blipper et d’autres ouvertures. Pour que celle-ci fonctionne sur la R6, il fallait qu’elle soit essayée et des équipes ont été sélectionnées pour la développer, et y ont donc eu accès avant, mais cela n’a pas été notre cas. Donc là, même à Misano (la dernière manche), on a compris des petites choses sur le frein moteur. »

Jules Cluzel reprend : « Ce qui est malheureux, c’est que c’était sur une course et pas sur les séances d’essais. Les autres étaient prêts avant et c’est pour ça que je dis qu’on n’était pas prêt de ce côté-là. On a eu un temps pourri à Estoril et on a fait des tests à Nogaro mais il a plu aussi. L’électronique a donc fait pas mal de différence car le règlement s’est décidé au dernier moment et notre moteur n’était pas prêt : en essais, on était en moteur d’origine et on a roulé une heure sur le sec. Après, on est parti au Portugal et on a encore eu une heure sur le sec, sans blipper aussi, et après c’était fini : c’était la première course et on ne savait toujours pas s’il fallait rajouter 6 kg ou 10 kg. Bref, c’était plein de petits détails, mais tout mis bout à bout il y a en gros 3, 4 ou 5/10 qui nous pénalisent, et automatiquement les 3/10 supplémentaires que je mettrais n’y sont pas. C’est un ensemble de choses : quand ça fonctionne, tu vas en chercher un peu plus, mais quand ça ne fonctionne pas c’est toujours plus compliqué. Tu es dans une spirale négative. »

Donc quelque part, il vaut mieux que ce soit cet ensemble de choses plutôt qu’uniquement le poids à rajouter, sur lequel vous n’avez quasiment aucune marge de manœuvre…
« Oui, c’est un ensemble de choses et je pense qu’on aura des occasions un peu plus importantes : à Estoril, j’étais troisième avant de chuter et on pouvait viser la deuxième place. Il n’y avait qu’Aegerter qui était intouchable, pour ne parler que d’une autre Yamaha. Pour parler des nouvelles motos, durant la dernière course, on est arrivé vendredi, et quand j’ai vu une MV devant moi, je me suis dit « mais c’est quoi ce truc ? ». Depuis 2009, je n’avais jamais vu autant de différences entre deux motos : en fait, tu sors mieux d’un virage et le mec se barre avec 10 bornes de mieux alors que tu es à l’aspi ! Ça, ça n’arrivait plus.
En plus de ça, il y a des bons pilotes sur ces motos ! Casadei (MV Agusta) a fait des erreurs en début d’année mais n’en fait plus et je n’arrive plus à le doubler, Manzi sur une Triumph ça met du gaz, et sur les Ducati il y a quand même des pilotes d’expérience qui ne font pas d’erreur, donc au final même le top cinq ou six est compliqué ! Pour nous, l’objectif aujourd’hui est de revenir derrière les deux Kawasaki qui se bagarrent en gros pour la quatrième ou cinquième place.
Pour moi, ok ils veulent faire évoluer la discipline et ça devrait être fait l’hiver et comme il faut. Mais vu le timing, c’était prévisible et on savait que cela pouvait donner quelque chose comme ça, mais peut-être pas tant que ça. En gros, l’année dernière, sur les 6 dernières courses, on était tout le temps en bagarre pour la victoire. Tout le temps ! Et même aux tests hivernaux officiels à Aragón, je fais le meilleur tour global des deux jours. Et deux jours après, sur le weekend de course, c’était incompréhensible ! Il y a quand même des trucs bizarres… on n’a pas tout compris !
Au global, il y a quand même des choses positives mais il y a aussi beaucoup d’interrogations et une spirale bizarre où les teams finissent par douter des pilotes et les pilotes des teams. »

Au niveau des autres marques, qui te semble aujourd’hui le plus dangereux ?
« Je n’ai pas vu trop de Ducati, mais la MV était assez impressionnante. En fait, les caractéristiques des motos sont différentes : les MV et les Triumph tournent dans les virages rapides. Dans le Curvone, qui est le virage rapide à Misano, elles nous mettaient un dixième juste dans ce virage-là. En accélération, on accélérait mieux et je sortais mieux des virages, mais par contre dès qu’on faisait 3, 4, 5, 6, elles se barraient. C’est hyper frustrant, parce qu’en fait, si tu veux doubler, au bout d’un moment tu peux perdre patience. Moi, je suis un pilote d’expérience, donc je prends mon temps. Mais si tu as un jeune qui ne réfléchit pas, ça fait direct un carton, parce que, sans exagérer, tu te prends trois ou quatre mètres dans la ligne droite, et au final tu dois retarder ton freinage de trois ou quatre mètres de plus : à un moment, ça ne passe pas, parce que tu n’as pas de mauvais pilotes ! »

Avant la manche de Donington Park, après seulement quatre rendez-vous, Jules Cluzel apparaît à la 12e place du classement général, à 156 points de Dominique Aegerter.
L’année dernière, il a terminé la saison à la 4e position du championnat, en bagarre pour la 3e, après avoir remporté 4 victoires et être monté 9 fois sur le podium.

 

Photos: GMT94

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