C’est une très longue et très importante interview que nous a accordée en exclusivité Éric de Seynes, Président & CEO de YAMAHA MOTOR EUROPE N.V !
Nous la diviserons donc en trois parties bien distinctes, la première faisant le point sur la situation commerciale de Yamaha France et la dernière saluant le titre de champion du monde MotoGP de Fabio Quartararo.
Mais le plat de résistance est constitué du programme sportif de la firme aux trois diapasons, non seulement pour saluer bien évidemment une saison 2021 particulièrement faste, mais surtout pour aborder le problème majeur qui se profile à l’aube de cette saison 2022, à savoir le changement de réglementation en cours en Supersport Mondial.
Et là, le patron de Yamaha Motor Europe, et donc le responsable de la compétition d’Iwata dans le championnat World SBK, met en alerte, avec la plus grande vigueur, contre un brouillon de règlement sorti le 25 décembre qui lui paraît aussi aberrant que non équitable. On rappelle que d’après ce dernier les Ducati 955cc, les MV Agusta 800cc et les Triumph 765cc pourront courir contre les 600cc…
Éric, terminons cette interview avec quelque chose de plus satisfaisant que le problème majeur du Supersport, avec Fabio Quartararo qui a obtenu le premier titre d’un pilote français en catégorie reine des Grands Prix…
Éric de Seynes : « Évidemment, c’est
une énorme joie ! C’est assez formidable parce que
on est à la fois à l’aube d’une ère nouvelle avec un renouvellement
de pilotes en MotoGP qui est très enthousiasmant, avec un état
d’esprit de cette nouvelle génération que je trouve vraiment
chouette pour notre sport. En même temps, nous sommes déjà dans une
forme d’aboutissement d’un parcours qui a été pour nous, de
retrouver ce prestigieux titre de champion du monde, de le faire
avec un des plus jeunes pilotes du plateau, et en plus
français ! Il y a donc une profonde reconnaissance qui est
tout à fait formidable : formidable pour le sport moto,
formidable pour Yamaha, et formidable pour Fabio ! En
plus, nous avons développé une sincère complicité ou proximité, et
c’est pour cela que je préfère ne pas commenter les
commentaires de certains « experts du paddock » qui se
permettent de faire circuler des fausses fuites, qui spéculent sur
des montants de contrats qui n’ont aucun sens et qui ne reposent
sur rien d’autre que sur leurs spéculation personnelle. Je
trouve ça dommage car cela fait beaucoup de mal. J’ai donc été
profondément choqué et blessé par cela, et surtout pour
Fabio.
Mais sinon, à part ça, l’aventure avec Fabio est
formidable et je trouve que d’un seul coup cela remet en lumière
les grands champions français que l’on a eu la chance
d’avoir et qui auraient pu avoir ce titre avant lui. Mais
finalement c’est Fabio qui a été le chercher, et c’est
top !
À titre personnel, et pour Yamaha, je trouve aussi que c’est
quand même sympa de voir que dans la lignée des pilotes français
qui ont été tutoyer le très haut niveau, c’est-à-dire d’être
champion du monde, en général Yamaha n’était pas loin. C’est quand
même chouette de se dire, en prenant du recul, qu’il y a
finalement une espèce de continuité d’un engagement auprès des
pilotes français qui ne s’est jamais désuni ou fragilisé depuis le
premier titre de Patrick Pons en 1979. »
Et cela arrive au moment où Valentino Rossi, une figure
iconique pour Yamaha, prend sa retraite…
« Oui, c’est beau ! Il y a une espèce de transmission de flambeau, qui n’était peut-être pas aussi orchestrée et scénarisée que cela pourrait le sembler, mais finalement la nature fait bien les choses et c’est une belle transmission. D’ailleurs, Valentino le vit très bien. Il a été au bout de son parcours en GP, il a été au bout de l’exercice, il n’a aucun regret, et c’est très bien comme ça. »
Y a-t-il un point que nous n’avons pas abordé ou pas assez développé ?
« Non. Ce que je trouve formidable, car c’est vraiment
comme ça que je le prends, c’est que les résultats obtenus
cette année ne sont finalement que le fruit du travail.
C’est le fruit du travail des pilotes, c’est le fruit du travail
des teams, c’est le fruit de notre travail à nous à garder de la
fidélité et de la loyauté par rapport aux acteurs et à construire
ensemble dans la durée des performances qui soient de plus en plus
abouties, et qui à l’arrivée procurent des résultats vraiment
construits. Nous ne sommes pas les plus exubérants, nous ne sommes
pas super « show off » comme d’autres marques peuvent
l’être parfois, mais on travaille avec passion, et sur le fond il y
a une solidité des résultats qui me satisfait pleinement.
Quand je pense au travail que nous avons construit avec le GMT
94 depuis près de vingt ans, avec le Yart, Viltais et Moto Ain en
endurance, Crescent, GRT, Evan Bros ou Kallio en Superbike et
Supersport, Wilvo et Kemea en motocross mondial, ou encore avec MJC
sur les championnats MX européens depuis des années.. Saison après
saison, nous sommes là et nous continuons à nous challenger pour
essayer d’aller chercher le meilleur. Alors, quand à l’arrivée ça
fait des résultats et bien ce sont de belles histoires et
surtout nous en connaissons tous la valeur…
Quand Maxime (Renaux) a été champion du monde, le jour même,
nous nous sommes appelés à cinq heures et demie, et je lui ai
dit « tu sais Maxime, quand tu as passé la ligne, j’ai
pensé à ça : tu te souviens, en 2016, en 2018, par quoi on est
passé ? Et bien toutes ces épreuves, tu les as surmontées et ton
titre est encore plus beau ». E il m’a dit « Eric, tu
sais, c’est marrant parce que j’ai pensé exactement à la même chose
». En fait, tu t’aperçois que quand on gagne, on gagne
ensemble. Nous repensons aux épreuves par lesquelles nous
sommes passées, parce que tu ne deviens pas champion du monde sans
passer par des moments durs, des moments de vérité. Alors, lorsque
tu as la chance de pouvoir célébrer un titre de champion du monde
avec ton pilote, et que tu sais que tu as passé avec lui tous ces
moments de difficulté pendant les saisons précédentes, je peux te
dire que la valeur du titre, sa valeur humaine, elle est unique,
intense, profonde et c’est bien celle-là qui est la plus
belle!
Avec Toprak (Razgatlıoğlu), car le titre de Toprak est
une énorme satisfaction, nous avons déjà pu nouer avec lui
une très grande complicité depuis deux ans. Nous l’avons soutenu en
le laissant libre de ses choix finaux, parce que finalement ce dont
il souffrait précédemment c’était ce manque de liberté et de
confiance. Et tu t’aperçois que d’un seul coup ça emmène toute
l’équipe, tous les mécanos, et que les cinq années que nous
avons déjà fait avec Crescent prennent d’un seul coup une dimension
formidable ! Simplement, parce que nous sommes
prêts, parce que le team est prêt ! C’est pour cela que cette année
2021 m’a apporté beaucoup de satisfactions. Simplement parce que
tout ce que nous avons construit, tous les doutes, toutes les
remises en cause, toutes les résistances voient tout d’un coup leur
vérité éclater, la justesse de notre abnégation se révèle grâce au
titre mondial obtenu. Et ça, il faut en être conscient et il faut
en profiter pleinement, parce que ça n’arrive pas non plus toutes
les saisons ! Mais là, nous avions cette bonne conjonction entre
les efforts déjà réalisés par nos teams et nos techniciens, la
maturité de notre développement et le talent de nos pilotes.
C’était construit et c’est venu. Et c’est pour
cela que nous avons dû travailler deux fois plus dur cet
hiver (rires), car dès l’instant où tu gagnes, tes concurrents
bossent deux fois plus, et il faut
l’anticiper. »
Un très grand merci à Éric de Seynes pour le temps consacré à cette interview !!!