Avec la première pole position en carrière de Corentin Perolari en Championnat du Monde Supersport et la victoire de Jules Cluzel en Argentine, l’équipe GMT94 Yamaha a connu une faste fin de saison, conclue par la troisième place de Jules dans le tiercé final du Championnat au Qatar. Christophe Guyot évoque ici les deux dernières courses, deux des trois épreuves du Supersport hors Europe, avec Phillip Island en début de saison.
Christophe, l’an dernier, Corentin Perolari s’était qualifié septième à San Juan Villicum, à plus d’une seconde de la pole position. Qu’est-ce qui explique son superbe progrès et sa première pole personnelle cette année ?
« Pour moi, il y a une grosse évolution de Corentin depuis le Portugal. Ça ne s’est pas beaucoup remarqué sur le moment car au Portugal il n’a pas pris un super départ. A Magny-Cours, il a dû éviter Krummenacher et il est reparti loin pour remonter à une bonne septième place. En fin de compte, il avait le rythme et a repris trois secondes sur la tête de la course. Donc il a roulé très vite à Magny-Cours, après que ça se soit déclenché pour lui à Portimão. En Argentine il a fait la pole, et au Qatar il a réalisé une superbe première moitié de course.
« Concernant les raisons, il y en a plusieurs : d’abord le fait que Rémi* s’occupe de lui dans le box pour l’aider à s’organiser. Maintenant, il fallait que tout se mette en place, que Rémi comprenne bien son poste car il venait d’arriver. On a eu aussi l’arrivée de Ludo**, un ingénieur qui a pu s’occuper de Jules, ce qui a permis à Alex***, un ingénieur data, de s’occuper à 100% de Corentin et ça a été un plus indéniable. »
*Rémi Guyot (Marketing & Communication au GMT94 Yamaha)
*** Alexandre Leroy
Jules Cluzel s’est imposé en Argentine, en bouclant tous les tours en tête à partir du deuxième, puisque Corentin Perolari était leader à l’issue de la première boucle. Comment as-tu vécu sa course exemplaire de maîtrise ?
« Ça a été un grand moment. Les deux victoires précédentes avaient été obtenues sur le fil à chaque fois, en Thaïlande comme en Angleterre. Donc celle-là c’était vraiment une démonstration de Jules dès le début des essais. Entre Jules et Corentin, on a fait alterner la première place : FP1, FP2, FP3, warm up, c’était vraiment le weekend parfait. Nous on l’a vécu comme une vraie progression. On pense que le petit plus qui a fait basculer de ce côté-là est l’arrivée de Ludovic Reignier. »
Avec Federico Caricasulo cinquième et Randy Krummenacher septième en Argentine, alors que Jules terminait premier et Corentin quatrième, tout restait possible pour le titre au Qatar, même si difficile. Comment avez-vous vécu cet ultime challenge au sein de l’équipe ?
« Ça a été pour l’équipe très facile à vivre parce qu’on en
était vraiment très loin, on ne pensait pas du tout au titre.
C’était moins le cas pour Jules qui n’arrivait pas à se débarrasser
de cela. Il rêvait tellement de ce titre mondial qu’il n’arrivait
pas à retirer de sa tête le fait que ce n’était pas joué.
»
« C’est un paradoxe, une situation assez étonnante parce qu’en juillet, quand on avait 48 points de retard, Jules était persuadé que le titre était mort, alors que moi je pensais que ce n’était jamais fini ! C’était très sympa d’ailleurs, car il y a eu plusieurs moments, lors d’interviews pour la télévision ou la presse écrite, où il disait » Christophe est un éternel optimiste, mais moi je suis un peu lucide » ». Et il ajoutait de manière très sympathique « Mais il a raison, parce qu’il veut se battre. »
« Et là au Qatar c’était le scénario inverse. Une fois
arrivé à Losail, le titre n’était pas dans nos mains car nous
avions 23 points de retard. Donc on est arrivés en se disant que de
toute façon on ne l’aurait pas. Mais Jules l’avait dans la tête, et
c’est peut-être ce qui explique une course un peu plus tendue qu’en
Argentine, où il n’avait vraiment rien à perdre tant le titre était
loin. »
« Finalement, sur les trois dernières courses, on passe de 48 points de retard à 13. C’est vrai qu’on a repris énormément de terrain. Ça ne peut être qu’encourageant pour l’année prochaine. »
Au Qatar, Jules est parti en tête devant Corentin. Puis alors que Jules menait, Corentin compliquait au maximum la vie de Krummenacher et Caricasulo. C’était la stratégie de votre équipe ou l’inspiration de Perolari ?
« C’était l’inspiration de Perolari. Pour moi, ça a été un moment fort comme on en a vécu en endurance avec la complicité entre David Checa et Sébastien Gimbert, Checa et Matthieu Lagrive, Checa et Niccolò Canepa… Il y a toujours eu des complicités comme ça, très fortes, et on pensait qu’en vitesse on ne revivrait jamais ça. »
« En fait, il y a une entente entre les deux où Jules est un
peu le grand frère pour Corentin. Un autre élément majeur qui a
joué pour Corentin lors de la fin de saison a été le soutien de
Jules. A partir de Portimão, il a été très présent aux côtés de
Corentin. Il l’a senti en difficulté, car jusque-là ce n’était pas
la super saison jusqu’à l’Angleterre, même s’il avait comme
circonstances atténuantes des blessures, des chutes qui l’ont
marqué. Mais quand même ce n’était pas terrible, ce n’était pas ce
qu’on attendait. »
« Jules l’a aidé à partir de Portimao dès le début. Pour ce qui est du chrono de Corentin au Qatar, il était aux alentours de la huitième ou de la neuvième place, et c’est Jules qui l’a aidé à remonter en quatrième position. Quand Jules l’a fait, il n’a pensé à rien. Il lui restait un tour et il a décidé de le faire avec Corentin.
« Pour l’aide de Corentin à Jules en course, c’est lui qui l’a décidée. Il y avait une seule consigne – pour être honnête – et c’était « Si tu vois Jules, essaie de ne pas le gêner. Tu fais ta course, tu fais ce que tu veux, mais qu’il n’y ait pas de méli-mélo avec Jules. »
« Je trouve que depuis Valentino Rossi et Colin Edwards en Grands Prix où il y avait ça, on a réinventé la notion de coéquipiers en vitesse. Jules et Corentin l’ont réinventée. »
Jules Cluzel a remporté cette année trois victoires et il termine troisième du Championnat, à 13 points de Krummenacher et 7 de Caricasulo. Corentin Perolari a réalisé sa première pole et finit huitième du Championnat. Pour la première année du GMT94 Yamaha avec deux pilotes, quel est ton bilan d’ensemble pour cette saison ?
« Pour moi, c’est une saison extraordinaire. Il n’y a pas
d’autre mot. On ne va pas regretter ni la course de Magny-Cours, ni
le rapport manqué à Imola, parce qu’à côté de ça on a 3 victoires,
6 podiums, 2 pole positions et la deuxième place du Championnat par
équipes. On ne construit pas le monde en un jour, mais je ne
pensais pas qu’on construirait si vite cette première saison.
»
« Maintenant on se sent très fort, Jules aussi, il y a une vraie progression pour Corentin et l’amener sur le podium nous semble vraiment possible. Pour obtenir le titre avec Jules l’année prochaine, on attend déjà avec impatience la première course à Phillip Island. »
Jules Cluzel
Corentin Perolari
L’équipe GMT94 Yamaha.
Photo de titre : Christophe Guyot et Ben Spies
Photos © Yamaha Racing et GMT94 Yamaha