Le pilote turc a fait souffler un vent de fraîcheur sur le Superbike cette saison. Non seulement en mettant un terme à la série de titres de Jonathan Rea, mais aussi par sa personnalité décontractée et son pilotage agressif et tout en freinages en piste.
A bien des égards, la saison 2021 de Superbike aura été historique. D’abord en raison du premier titre de la Turquie dans la discipline, obtenu par l’intermédiaire de Toprak Razgatlioğlu, ensuite par la fin de série d’un monstre sacré de la catégorie, qui restait jusqu’ici sur une série de six titres consécutifs, à savoir Jonathan Rea.
Il est vrai qu’il aura fallu des contraintes réglementaires, et notamment la privation de 1500 tr/mn de la Kawasaki, pour parvenir à un tel résultat, mais on ne peut omettre de souligner que le multiple Champion du monde britannique a fait aussi preuve de nervosité cette saison, et en plus d’une occasion.
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— WorldSBK (@WorldSBK) December 3, 2021
L’ex-numéro 1 s’est en effet rendu coupable de plusieurs erreurs à des moments critiques, que ce soit lors de la Course 1 disputée à Most au cœur de l’été, alors que Razgatlıoğlu semblait plus que jamais en mauvaise posture au championnat suite à son accrochage fratricide à Assen avec Garrett Gerloff (alors que Rea signait dans le même temps un triplé aux Pays-Bas) ou, plus significativement encore, en toute fin de saison lorsqu’il sembla craquer sous la pression en chutant lors des deux premières courses courues à Portimão.
Cette anxiété est en grande partie à mettre sur le compte d’une concurrence renforcée cette saison en Superbike. Il y eut ainsi Scott Redding, qui resta mathématiquement dans la course au titre jusque très tard dans le calendrier, et qui ne manqua jamais de réaliser un coup d’éclat et de jouer les trouble-fêtes aux avant-postes.
Razgatlıoğlu : le freinage érigé à l’état d’art
Puis il y eut donc surtout la concurrence toujours plus déterminée de Razgatlıoğlu. Le pilote turc, auteur de « seulement » trois Superpole cette saison, alors que de son côté Rea resta invaincu jusqu’à la neuvième manche dans l’exercice des qualifications, a pour ce faire eu recours à un style de pilotage atypique, rappelant bien sûr celui de son mentor et quintuple Champion du monde Supersport, Kenan Sofuoğlu, fait de gros freinages et de prises de risques néanmoins toujours mesurées, jusqu’à être affublé sur les réseaux sociaux et dans le paddock du sobriquet de « Stoprak » !
« Si vous comparez le parcours de Toprak et le mien, vous remarquerez qu’il a bien mieux poussé ses pions », souligne ainsi Sofuoğlu auprès du site officiel du Superbike. « Quand je l’ai pris sous mon aile, cela n’a pas été facile pour lui car j’étais alors très performant et j’étais un très gros freineur. Mais au final on se rend compte à présent que Toprak est probablement le meilleur freineur au monde. Je pense que même si on prend les pilotes MotoGP, on ne trouvera personne meilleur que lui au freinage. Il a vraiment structuré son pilotage autour de cela, et il a porté l’art du freinage vers de nouvelles limites. En ce sens, il est clair qu’il est meilleur que moi. »
« Je pense que même si on prend les pilotes MotoGP, on ne trouvera pas meilleur freineur au monde que Toprak »
Un style de pilotage et une tactique qui ont fait leurs preuves sur la piste, et qui ont permis au pilote Yamaha, bien aidé souvent aussi par de meilleurs départs que son rival de chez Kawasaki, de ne jamais laisser ce dernier s’échapper lors des courses et de pouvoir ainsi mener ces dernières à sa main.
Razgatlioğlu s’est également illustré dans ses nombreux combats rapprochés avec ses concurrents, contrebalançant là encore un déficit de puissance par de gros freinages en bout de ligne droite, quitte à être l’auteur de manœuvres parfois musclées, comme ce fut le cas dans le dernier tour de la Course 1 à Most face à Scott Redding, où le gain de la victoire était en jeu. Une passe d’armes qui provoqua l’ire du pilote Ducati, qui avait à ce moment-là déjà mis beaucoup d’angle dans son virage et était sur le point de poser le genou.
L’agressivité, maître-mot du pilotage de Razgatlioglu
Mais Razgatlioğlu est fait ainsi : un pilote parfois jusqu’au-boutiste (on insistera toutefois ici sur le fait que le Turc n’a jamais été à l’origine du moindre accident avec un autre pilote cette saison), mais toujours respectueux de ses adversaires. « C’est un combattant hors-pair », confirme Sofuoğlu. « Il n’est pas seulement un pilote rapide, il est un pilote qui ne renonce jamais. Vous savez, il n’a pas obtenu le titre facilement cette saison. Jonathan Rea est en effet une référence, il avait remporté les six derniers titres jusqu’à cette année, et pour battre cet homme il faut être très fort et très talentueux, mais aussi très bien structuré en tant que pilote. »
« Toprak est un combattant hors-pair, un pilote qui ne renonce jamais »
Chose que le Turc semble être, à n’en pas douter. En effet, face à la perfection affichée année après année par Rea, il fallait bien un caractère organisé et doté d’un mental à toute épreuve pour venir à bout du sextuple Champion du monde. Un duel qui s’est dessiné manche après manche jusqu’à atteindre des sommets d’intensité en fin de saison. Un scénario qui ne rend le titre que plus appréciable et savoureux pour le clan du pilote turc : « Toprak a vraiment battu quelqu’un qui peut être considéré comme le meilleur pilote Superbike de tous les temps », insiste Sofuoğlu. « Jonathan Rea est toujours un excellent pilote, et pour battre ce type d’adversaire je peux vous dire qu’il faut se donner, et dans toutes les conditions : quand il fait chaud, quand il fait froid, quand il pleut. »
« Ce n’est vraiment pas quelque chose de facile à accomplir. Le titre a vraiment été difficile à décrocher, mais c’est une bonne chose, car pour conserver la volonté de se battre toute sa carrière, c’est bien mieux de remporter son premier titre après un long combat, et c’est ce qu’a fait Toprak. » Au vu de la prouesse accomplie par ce dernier, nul doute alors que le pilote Yamaha devrait donc avoir encore beaucoup de beaux jours devant lui dans la catégorie.
« Pour conserver la volonté de se battre toute sa carrière, c’est mieux de remporter son premier titre au terme d’un long combat »