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Qu’ont de commun Jonathan Rea, recordman des titres mondiaux en Superbike, Lucas Mahias, vainqueur en Supersport à Magny-Cours, et Manuel González, Champion du Monde SSP300 récemment couronné dans la Nièvre ? Leur coach, Fabien Foret, Champion du Monde Supersport en 2002 et désormais attaché à l’assistance de ces pilotes de pointe, avec de magnifiques résultats.

Fabien, tu connais Johnny Rea depuis longtemps puisque tu assistais à son mariage en Irlande alors que son fils aîné a maintenant six ans. Comment êtes-vous devenus amis, et qu’est-ce qui t’a plu dans sa personnalité ?

« J’ai partagé tout un hiver en Australie avec lui en 2011, à l’époque où nous étions tous les deux chez Ten Kate. Nous nous connaissions superficiellement avant et à cette occasion nous nous sommes découverts plus profondément. Nous avons des caractères assez proches, notamment la détermination et la manière de voir la compétition. »

« A l’époque il n’avait pas beaucoup d’expérience et finalement il s’est un peu servi de la mienne pour gagner du temps, d’une certaine manière. Le feeling est très bien passé entre nous, on s’est bien amusés là-bas, et depuis nous sommes restés assez proches. Les liens se sont encore resserrés quand on a commencé à travailler ensemble à partir de 2016. »

Après Assen, Álvaro Bautista caracolait en tête du Championnat avec 11 victoires remportées lors des 11 premières courses. Croyais-tu alors que Johnny Rea aurait la moindre chance de remporter le titre cette année ?

« Mon rôle est de toujours y croire tant que mathématiquement les choses ne sont pas finies. Dans le sport moto, on peut se blesser ou avoir des passages à vide. Mais il est certain, pour être très honnête, qu’au vu des premières courses j’étais quand même assez inquiet sur les chances qu’on pouvait avoir. »

« Mais avec Johnny nous sommes des gens qui ne lâchons rien, et l’un comme l’autre nous avons les pieds sur terre. C’est vrai qu’à plusieurs reprises, il m’a dit « peut-être que ce ne sera pas pour nous cette année » », mais j’ai fait en sorte de ne pas lui laisser sentir que je pensais que ça allait être très compliqué. »

« Finalement, ma manière de le maintenir dans une optique où les choses peuvent tourner, ça a été de lui rappeler que dans le passé, notamment en MotoGP, Bautista est beaucoup tombé quand il était sous pression. Lors des premières épreuves du Championnat, surtout à Buriram et en Aragón, c’était complètement à l’avantage d’Álvaro, d’autant plus qu’il roulait très bien avec cette moto. J’ai dit à Johnny qu’à partir d’Assen les choses seraient différentes car là-bas il va très vite. Mais manque de chance à Assen les choses se sont déroulées de manière identique, et là j’ai vraiment dû puiser dans les réserves pour le maintenir motivé. »

« A partir de Jerez, Bautista a commencé à faire ses premières fautes. Ça a été une saison vraiment épuisante pour l’un comme pour l’autre, car on a été confrontés à un gros morceau. »

On a vu que Johnny Rea avait du talent et de la ténacité. Quelles sont pour toi ses principales qualités ?

« Il est très fort en termes de pilotage dans toutes les conditions. C’est vraiment un de ses points forts. Il a également beaucoup de détermination. Dans ce domaine, il est hors du commun. »

« Il est également très ouvert et très à l’écoute pour des remises en question. Quand tu es quatre fois Champion du Monde et que tu reçois les conseils d’une personne, tu peux aussi rapidement rester sur tes postions. Il accepte que je sois parfois assez dur dans mes jugements, quand par exemple je lui dis qu’il a très mal roulé, ou quelque chose comme ça. C’est vrai que c’est assez difficile à encaisser quand tu as son palmarès, mais finalement c’est aussi sa force d’accepter ça. C’est mon rôle également. »

Beaucoup de gens se posent la question de savoir si Johnny aurait sa place actuellement en MotoGP. Quel est ton point de vue à ce sujet ?

« J’ai un jugement personnel sans être influencé par le fait que je travaille avec lui. Sincèrement, il a largement sa place en MotoGP. C’est le seul aujourd’hui avec Bautista en Superbike à avoir un niveau de top 10 en MotoGP, voire mieux. Les autres en SBK sont, pour moi, des pilotes rapides et respectables, mais pas des pilotes de pointe en MotoGP. Quand tu prends le classement général final, il parle de lui-même. »

« Pour être plus précis, je pense que Johnny dans un bon team avec une moto performante a la capacité d’être dans les cinq meilleurs en MotoGP. Peut-être pas comme Márquez, certes, mais je prendrais l’exemple de Cal Crutchlow que je connais très bien et qui est un très bon pilote. Johnny a largement le potentiel pour faire ce que fait Cal. Et peut-être même un peu mieux car il ne faut pas oublier que Cal ne l’a jamais battu ! »

L’équipe Provec a gagné 5 titres sous le nom KRT, mais également les 8H de Suzuka pour sa première tentative. Qu’est-ce qui fait sa force ?

« C’est une équipe très professionnelle, dirigée par Guim Roda qui est un très bon manager. Sa force, on la voit à son bilan depuis maintenant cinq ans. C’est un ensemble de choses, car même un pilote du calibre de Johnny ne serait pas forcément en mesure d’avoir remporté cinq titres d’affilée et les 8 Heures de Suzuka sans un bon team. »

« Le pilote a une très grosse part dans le succès du KRT, et les coéquipiers de Johnny (à l’exception de Tom Sykes qui a quand même remporté un titre) ont un peu de mal à sortir du lot. Kawasaki est très investi dans ces programmes et ça permet de faire aussi la différence. »

Photos © Kawasaki et worldsbk.com / Dorna