Profitant de la pause hivernale des pilotes et d’une actualité moins fournie, nous vous proposons une galerie des principales personnalités francophones du paddock qui, chacune, représente un des innombrables rouages indispensables au somptueux spectacle que sont les Grands Prix.
On entend souvent parler de l’armada espagnole ou des troupes italiennes, mais vous allez découvrir que la colonie francophone, plutôt nombreuse et très unie, n’a pas à rougir de la comparaison.
Dans la lumière ou plus dans l’ombre, prolixe ou plus discret, chacun de ces hommes nous a partagé avec plaisir son univers et son actualité, avec toujours la même passion comme dénominateur commun.
Peu à peu, vous pourrez donc ainsi un peu mieux savoir qui sont, et ce que vivent aujourd’hui, par exemple Claude Michy, Piero Taramasso, Hervé Poncharal, Éric Mahé, Nicolas Goubert, Bernard Ansiau, Guy Coulon, Christophe Bourguignon, Florian Ferracci, Christophe Léonce, Marc van der Straten, Miodrag Kotur, Alain Bronec, Jacques Hutteau, Michel Turco, David Dumain, Michaël Rivoire, et bien d’autres.
Cette longue série d’interviews sera tout d’abord diffusée sur le site officiel MotoGP.com dans une version peaufinée, avant d’être accessibles ici dans leur version brute.
Ainsi, au moment où reprendront les Grands Prix, vous serez presque incollable sur la partie francophone d’un paddock particulièrement cosmopolite…
Marc van der Straten, propriétaire du team Marc VDS
Quelle est votre année de naissance ?
« 1948 ».
Comment le jeune Marc van der Straten a attrapé la passion des sports mécaniques ?
« J’ai attrapé la passion des sports mécaniques avec l’épopée de mon père qui a créé son propre team pour faire rouler à l’époque des Mini et des Alfa GTA. Comme je le fais aujourd’hui en Moto2, il faisait cela pour promouvoir des pilotes. Puis cela a grandi et il y a eu l’époque des Alfa 33, queue courte et queue longue pour Le Mans, et de la Lola T70. J’ai suivi cette aventure jusqu’à ce qu’il s’expatrie aux USA pour participer à, et gagner, la Can Am avec des Mc Laren. Avec mon frère, nous avons donc été formés sur le tas, lui pour s’occuper des bas-moteurs, et moi des culasses, mais c’est là que j’ai acquis mon expérience en travaillant également sur les boîtes de vitesses, les freins, les suspensions, etc. En résumé, je suis né dedans ! »
Quelles sont les grandes lignes de votre parcours ?
« Quand mon père a disparu, je me suis retrouvé confortable.
Bien plus tard, j’ai décidé de monter ma propre écurie avec le
félin comme emblème. En 2009, on a ainsi fait rouler une Ford GT1
sous mes propres couleurs pour remporter le titre en championnat
FIA GT en 2010 après y avoir aligné deux voitures. On a ensuite
connu des problèmes de fiabilité avec les très onéreux moteurs Ford
Racing qui cassaient comme du cristal et on est passé chez BMW avec
la Z4. »
« C’est à ce moment que l’on m’a fait découvrir le monde de la
moto, moi qui n’ai jamais été motard ! Le Marc VDS racing Team a
ainsi fait ses débuts dans la catégorie intermédiaire Moto2 du
championnat du monde avec Scott Redding et Héctor Faubel sur des
Suter en 2010. On a obtenu le titre en 2014 avec Esteve Rabat puis
on a agrandi le team vers la catégorie MotoGP en 2015 avec Scott
Redding, suite à des discussions avec mon ami Carmelo Ezpeleta. En
2016, bien que team privé, nous avons remporté une victoire avec
Jack Miller à Assen. Suite à des problèmes internes, nous avons
arrêté la catégorie MotoGP fin 2018 pour nous concentrer jusqu’à
aujourd’hui sur le Moto2 où nous avons de nouveau remporté le titre
de champion du monde en 2019. »
Durant tout ce parcours, quels ont été les moments les plus difficiles ?
« Malheureusement, aussi bien en voiture qu’en moto, j’ai
rencontré à plusieurs reprises des gens avec qui j’ai dû me fâcher
après qu’ils m’avaient fait des coups de cochon et qu’ils aient
scié la branche confortable sur laquelle ils étaient assis. C’est
sans doute la nature humaine, mais je n’ai jamais compris ce genre
de comportements. Je ne citerai pas de noms mais tout le monde les
reconnaîtra… »
« Les trahisons sont toujours des choses compliquées à digérer.
Certains personnages ont un art pour détruire une situation d’une
façon incommensurable, au point que plus personne ne peut plus
travailler. Je donnais des consignes au team et des argument
contraires étaient donnés le lendemain. Même les pilotes étaient
complètement déstabilisés et cela se ressentait sur leurs
performances, malgré le fait que tous ceux que j’appelle mes félins
soient extrêmement soudés derrière leurs pilotes et que je m’assure
qu’ils ne manquent d’absolument rien matériellement : chaque pièce
sera plutôt changée deux fois qu’une pour viser la perfection ! En
10 ans, nous avons obtenu plus de 100 podiums, et c’est ce niveau
très élevé et cette osmose qui nous ont finalement toujours permis
de surmonter les actes malveillants à notre encontre. »
A l’inverse, y a-t-il eu des moments particulièrement forts qui vous ont tiré des larmes de joie ?
« Beaucoup ! J’ai connu et je connais toujours beaucoup de joies
! À la base, j’ai monté cette équipe pour aider les jeunes pilotes.
C’est pourquoi, rapidement, nous sommes alliés avec l’école
espagnole Monlau pour créer une sorte de pyramide allant du
championnat espagnol jusqu’au MotoGP : je procurais une aide
financière et nous avons récupéré de chez eux non seulement des
pilotes mais aussi des mécaniciens, et des ingénieurs en charge des
données. En championnat du monde Moto3, l’idée était donc d’avoir
des jeunes suivis par Monlau qui avaient brillé dans le championnat
du monde Junior. Ensuite, s’ils étaient champions Moto3 ou avaient
atteint un très haut niveau, ils étaient destinés à rentrer
directement dans l’escarcelle du team Marc VDS. C’est ce qui s’est
passé avec Álex Márquez et cela nous a rempli de joie. »
« Dans les moments forts, il y a bien sûr aussi la victoire de Jack
Miller à Assen, sous une pluie infernale. Cela a eu un éclat et un
retentissement exceptionnel ! Nous sommes également très satisfaits
d’avoir pu faire progresser Franco Morbidelli, en voyant ce qu’il
fait aujourd’hui. Nous avons goûté à la catégorie MotoGP, nous
sommes loin d’avoir été ridicules et j’en suis très fier, mais
comme nous ne sommes pas constructeurs, nous n’avons rien à vendre
et notre place est plutôt en Moto2, où nous nous épanouissons
pleinement. »
« D’une façon générale, on ne compte plus les satisfactions en
Moto2 où j’ai vraiment une équipe extraordinaire. Les techniciens
savent exploiter au mieux le matériel que nous leur mettons à
disposition et les pilotes adorent donner tout ce qu’ils peuvent.
Cette année, Alex Márquez a remporté cinq courses quasiment
consécutivement. Que demander de plus ? Tout le monde est
alors motivé, se lève tôt le matin pour aller travailler au
circuit et personne ne compte ses heures. Le travail est bien fait
et il n’y a jamais à passer derrière. Donc au final, c’est cette
bonne humeur et cette joie au quotidien qui me font extrêmement
plaisir, même si j’apprécie grandement les titres et les victoires
de mes pilotes comme celui d’Álex Márquez en Moto2 ou celles de
Mike Di Meglio en MotoE. Il est rare d’avoir des pilotes de ce
niveau-là. »
Pouvez-vous dresser un bilan de cette saison 2019 ?
« Pour Álex Márquez, nous sommes évidemment très contents pour lui qu’il ait obtenu le titre mondial et qu’il passe en MotoGP, parce que c’est encore une fois la valeur du team et de ses félins qui est ainsi démontrée. Changer de catégorie avec le titre en poche, tout cela est magnifique ! La seule déception, c’est la façon dont il a été officialisé, sans se rendre compte des dégâts collatéraux que cela nous occasionnait : en fait, cela nous a cassé toute notre fête ! On nous a un peu mis la gueule dans le mur, et c’est dommage. Mais ce troisième titre, après celui de 2014 et celui de 2017, est une sorte d’apothéose pour les félins qui ont su se retrouver après la sorte de tsunami que nous avons connu. Je suis un homme comblé et très admiratif de tout ceux qui m’entourent, ce qui nous permet d’obtenir ces résultats très exceptionnels pour un team privé. »
Quelles sont les perspectives pour 2020 ?
« Le choix de Sam Lowes est un choix personnel car je l’ai à l’œil depuis longtemps. Et le frère aussi, car si je n’avais pas signé Augusto Fernández, j’aurais été le chercher ! Car j’ai toujours pensé qu’il manquait quelque chose à Sam, ce qui ne lui a pas permis de pleinement s’épanouir. Son environnement influe beaucoup sur ses performances et, par exemple, dès que nous nous sommes mis d’accord sur son engagement en 2020, avant même que cela ne soit officiel, il a talonné Álex Márquez. Il était libéré ! Dorénavant, quel que soit son souci, nous serons là pour en parler et il aura la tête claire dès le lendemain. C’est un peu la philosophie chez les félins, car Le Roi Lion est ma bible ! Il en ira évidemment de même pour Augusto Fernández et sur lequel nous portons de grands espoirs. Nos deux pilotes 2020 seront en possession de moyens leur permettant de pouvoir briguer le meilleur. Pour répondre à votre question, je dirais donc simplement : « et pourquoi pas un quatrième titre ? » Car je ne veux pas m’arrêter et je veux continuer à fabriquer des pilotes qui iront dans la catégorie MotoGP. »
Dans la même série, retrouvez pour le moment les interviews d’Hervé Poncharal, Claude Michy, Piero Taramasso, Christophe Bourguignon et Éric Mahé.