Hier, au soir de la première journée d’essais en Australie, nous avions quitté un Hervé Poncharal très satisfait des prestations de ses deux pilotes.
Aujourd’hui, avec ses deux machines dans la même seconde que les meilleurs, nous le retrouvons dans le même état d’esprit et lui faisons même remarquer que son objectif annoncé est donc déjà atteint…
Hervé Poncharal: « Oui, vu comme ça… (Rires) mais attendez, car si demain tout le monde améliore de deux secondes et nous pas, on n’y sera pas. Mais plus sérieusement, et sincèrement, aujourd’hui encore, au risque de paraître ennuyeux et répétitif, on a encore fait une super belle journée. Les conditions de pistes étaient meilleures pour tout le monde car les températures étaient toujours aussi agréables, mais il y avait moins de vent. Or, le vent avait bien perturbé la fête hier.
En ce qui concerne Tech3, Jonas a profité des très bonnes
conditions en début de journée pour faire, comme la veille, un très
bon temps, puisqu’il a cassé la barrière des 30. Après, un peu à
l’identique de ce qui s’est passé lors de la première journée, ils
ont décidé de travailler sur des positions et plein de choses que
tu n’as pas le temps de faire pendant la saison. Et c’est bien,
surtout quand tu es un nouveau dans la catégorie, de clairement
tester tout ce que tu peux tester en positions, en selles, en
repose pieds, en guidons, etc., pour ne pas avoir à y revenir. En
pratique, il a fait pas mal de tests pour revenir à ce qu’il avait
au départ, mais c’était pas mal d’évacuer tout le reste par ce
qu’on n’aura pas à le faire pendant la saison. Dans l’après-midi,
le vent s’est levé et les conditions étaient donc moins bonnes, ce
qui fait qu’il s’est concentré sur des essais de pneumatiques.
Nous, à part les positions et les pneumatiques, nous n’avons pas
grand-chose à essayer, on n’a pas de développement à faire pour
Yamaha, ce n’est pas notre mission.
Il se retrouve donc septième temps à 8/10, et surtout à 4/10 du
deuxième temps puisque Vinales a fait un gros trou sur le
deuxième.
De l’autre côté du box, pour Johann, c’est très typique car nos deux pilotes ont toujours été excessivement proches l’un de l’autre mais par contre utilisent tous les deux des méthodes… je ne vais pas dire radicalement différentes, mais symptomatiques de ce que font l’un et l’autre. Jonas, c’est quelqu’un qui est très vite dans le coup, qui fait très rapidement des supers chronos, alors que Johann est un petit peu plus ‘diesel’; c’est sa manière de travailler et ce qui a fait sa force. C’est son ADN. On en a parlé hier, Philippe Island n’était pas son circuit favori et il était donc curieux mais avec un peu d’appréhension quand il est arrivé. Et là, on le sent vraiment de mieux en mieux dans sa tête, il est vraiment content parce que cette appréhension se dissipe et il y va crescendo, ce qui est tout à fait la bonne méthode pour un Rookie pendant les essais hivernaux. Il s’en sort de mieux en mieux sur la moto, et même, il apprécie de plus en plus Philippe Island, ce qui est une très bonne nouvelle. Lui a fait son temps en fin de journée, alors que les conditions de pistes et climatiques étaient loin d’être aussi bonnes que celles du matin. Le vent s’était relevé, ce qui nous fait dire que là, on n’est pas mal du tout pour la fin d’après-midi, et que, à mon avis, s’il avait été dans cet état d’osmose avec sa machine le matin, il aurait été encore plus près et mieux placé sur la feuille des temps. Mais une fois de plus, cela n’a pas une importance majeure. Surtout quand on voit comment c’est serré. Il aurait été mieux placé mais je dirais que c’est secondaire. En tout cas, il est très content de tout ce qu’il a pu tester avec Michelin, il adore rouler et emmagasiner des tours et des sensations. Il a fait 88 tours et il prend du plaisir à faire des longs runs. C’est quelqu’un qui a besoin de ça pour grandir en tant que pilote MotoGP. Et c’est ce qu’il est en train de faire. »
Oui, 88 tours, rappelons le car on a tendance à l’oublier, c’est quand même environ au moins trois courses de suite…
« Oui. Ça prouve que les gars sont en bonne condition physique et qu’ils ont l’envie, car quand au bout de 80 tours, tu fais encore des chronos, cela veut dire que tu as gardé la motivation et la fraîcheur physique pour pouvoir y arriver.
Donc pour Tech3, on est très heureux et tout ce que je peux souhaiter aujourd’hui, c’est que la journée 3 soit aussi bonne et constructive que l’ont été les journées 1 et 2. Moi, ce que j’ai dit à mes gars, c’est qu’on avait quasiment fait le tour de ce que l’on avait à faire. On ne va pas réinventer quoi que ce soit le troisième jour, on n’a pas de développement à faire vis-à-vis de Yamaha, donc roulez quand vous avez envie de rouler et comme vous avez envie de rouler et quand vous vous sentez bien. On ne va pas faire un fait divers le troisième jour, ce serait dommage. »
Hormis Tech3, quelles sont vos impressions sur cette seconde journée en Australie ?
« On voit que Alex Rins arrive, il est là. Hier, on savait
que Iannone avait fait un temps à l’arraché et n’avait fait qu’un
seul bon tour, le reste étant plutôt un peu plus compliqué. On sait
aussi que cela a été plus ou moins le même scénario pour lui en
Malaisie. Et même si c’est pour des écarts minimes, malgré tout, le
fait de trouver Rins qui est un Rookie devant son leader, c’est
aussi quelque chose qui est intéressant à voir. Le fait de voir
qu’aujourd’hui, même si on ne peut bien évidemment pas tirer de
conclusions, que Folger et Rossi sont dans les mêmes temps, c’est
également intéressant.
On voit également que le jeune pilote Yamaha, car il est encore
très jeune, est là, et cela montre qu’il n’y a pas besoin de
nombreuses années pour pouvoir être dans le coup. Je suis très
heureux de voir cela car cela valide le fait que, quand on donne
aux jeunes les moyens et le matériel, ils sont la. Et puis ça
valide aussi le fait que le Moto2 n’est pas une catégorie où l’on
n’apprend rien et est aussi mauvaise que ce qui a été dit par
certains comme on a pu le lire parfois. »
A l’inverse, il semble que Jorge Lorenzo ait besoin de temps pour s’adapter à sa nouvelle machine…
« Je ne suis pas dans le clan Ducati, mais j’ai un énorme respect pour le pilote Jorge Lorenzo. On l’a côtoyé chez Yamaha de nombreuses années, on a eu accès à ses datas, on a pu voir la qualité de pilotage qu’il a, et la puissance du bonhomme. Là, c’est quelque chose que j’observe comme vous, il est à 1,3 seconde alors que Bautista est à 0,5 seconde. Il est donc à 8/10 de Bautista et à 7/10 de Dovizioso, mais on ne va pas tirer de conclusions trop hâtives car, déjà demain, il serait capable de nous faire passer pour des idiots si on disait des choses négatives. Ce que je trouve positif, pour l’instant, c’est que, malgré le fait qu’il ne soit pas devant, tout ce qui transpire au niveau communication reste très positif. On ne le sent pas en panique. Alors que je me souviens que, chez Yamaha, quand il doutait, cela se voyait tout de suite. C’est donc positif, même si, c’est évident, personne ne s’attendait à ce qu’il soit à 1,3 seconde du meilleur temps et loin d’être la meilleure Ducati après sept jours d’essais. »
Attendons donc la dernière journée demain pour commencer adresser un petit panorama…
« Oui, et vous vous souvenez certainement de ce que je vous avais dit au moment de la Malaisie, que pour moi les deux favoris sur le papier pour la bataille pour le titre, seraient Vinales et Márquez. Et on les retrouve encore en Australie. Valentino a fait un super temps hier, on en a parlé, même si on sait comment, et aujourd’hui encore, il est là.
Il n’a pas l’air très content…
« Oui, mais hier non plus : comme il était deuxième temps,
cela avait un petit peu caché le truc. Ils ont essayé des motos
différentes car c’est évident que quand tu es dans une équipe, tu
te partages le boulot, mais il est hors de question d’imaginer que
Maverick Vinales ait un support supérieur ou a accès à des choses
auxquelles n’aurait pas droit Valentino. Ça reste de toute façon le
Number One, ils sont Number One tous les deux, cela a toujours été
le cas dans l’écurie Factory Yamaha, mais il est évident qu’il est
le Number One. Il n’y a pas le feu à la maison mais simplement on
voit que la roue tourne et que les jeunes arrivent, et que tu n’as
pas nécessairement besoin d’avoir 15 ans en MotoGP pour
fonctionner. Moi en tout cas, ce qui me bluffe, pour en revenir à
mes deux pilotes, mais aussi Alex Rins qui fait un super boulot,
c’est qu’ils sont déjà au milieu de pilotes qui ont une expérience
énorme. C’est donc très très beau ce que font tous ces pilotes, et
franchement, je ne les attendais pas à pareille fête aussi tôt.
Donc l’objectif de quitter l’Australie dans la même seconde que les
meilleurs est pour le moment atteint, et si on le tient demain, on
aura fait notre job, on aura accompli et rempli notre mission, et
il ne restera plus qu’à peaufiner tout cela sur le circuit du
Qatar. »
Donc, par provocation, nous sommes obligés de vous demander si vous espérez qu’il pleuve demain ?
(Rires). Absolument pas ! Car encore une fois, le classement, même si c’est l’objet de notre conversation, n’a que peu d’importance. Il est très important pour Johann et pour Jonas de faire des tours, et nous sommes peut-être plus que n’importe qui d’autre en manque de roulage. Nous avons besoin de roulage et d’informations, donc non, je ne souhaite pas du tout qu’il pleuve demain. Il faut que l’on roule et je peux vous dire que la dernière chose que nos pilotes souhaitent, c’est qu’il pleuve demain ! »
Merci Hervé, et à demain…