Le Championnat du Monde de Superbike 2021 débute ce Week End et promet d’être riche en rebondissements. Sur le front de l’électronique, les équipes engagées dans ce Championnat nous étonnent toujours, et cette année, un nouveau type de capteur de couple a été mis en œuvre sur la Honda. Disposé sur l’axe du pignon de sortie de boîte, une pièce très similaire au Torductor qui est actuellement utilisé par les usines en MotoGP est apparu. Mais comment fonctionne-t-il ?
Pour faire simple, c’est un capteur de couple moteur qui mesure le couple généré à la sortie du moteur, avant d’être transféré à la chaîne. Il permet de trouver le compromis parfait entre puissance et contrôle, qui est l’un des plus gros dilemmes de la compétition moto. Mettre au point un moteur qui fait les deux est l’idéal, mais les ingénieurs ne chôment pas dans leur quête de la meilleure configuration. Dans la vie de tous les jours, on parle de chevaux et une machine engagée dans le Championnat WorldSBK en développe environ 250. Cela peut sembler énorme, et ça l’est, mais quelle part de cette puissance est exploitable ? C’est le chiffre qui compte vraiment. La puissance pure peut faire une grande différence sur la plus longue ligne droite, mais qu’en est-il des accélérations en sortie de virage ? Au Motorland Aragón, le bout droit le plus long fait près d’un kilomètre de long, mais il y a aussi 17 phases d’accélération qui permettent à une machine dotée d’une puissance utilisable de bien sortir d’une courbe.
Combien de chevaux un pilote peut-il réellement faire passer au sol à travers ses pneus Pirelli pour aller à la chasse au chrono ? Ducati dispose de la moto la plus puissante sur la grille depuis l’introduction de la Panigale V4 R et pourtant Kawasaki a réussi à remporter le titre. La puissance ne fait pas tout. Ces dernières années, le caractère moteur est devenu plus important que la course à la puissance pure. Pendant l’hiver, Jonathan Rea a passé beaucoup de temps à se concentrer sur les réglages du moteur de sa Kawasaki. Lorsqu’il accélère pour la première fois, il recherchait un feeling particulier : il voulait passer le couple en douceur avec une accélération sur une grande plage de régime.
Par le passé, dans cette catégorie, nous avions des moteurs qui délivraient leur puissance de manière linéaire sur toute la plage de régime ou qui montaient soudainement en régime avec une explosion de puissance à haut régime. Si votre moteur a besoin d’être au régime maximum pour trouver sa puissance, le pilote doit être très agressif pour essayer de le maintenir dans la plage de puissance exploitable. En tournant l’accélérateur avec cette configuration, la moto peut facilement se déstabiliser et le pilote peut facilement perdre confiance dès le premier choc de puissance. Avoir du couple sur toute la plage de régime procure au pilote plus de confiance.
Lors des essais hivernaux à Barcelone, Honda a commencé à utiliser un capteur de couple. Cette technologie est courante en MotoGP, mais n’avait pas été exploitée en WorldSBK ces dernières années. Avec autant d’ingénieurs Honda expérimentés et issus du paddock MotoGP, ils sont bien placés pour en maximiser les avantages.
Ce capteur est utilisé pour mesurer le couple moteur, destiné aux stratégies de contrôle de traction et de frein moteur. Les teams se servent du capteur pour évaluer le couple dans toutes les zones de la piste afin d’optimiser l’électronique et permettre une ouverture des gaz aussi douce et continue que possible sans se préoccuper d’un à-coup de couple qui déstabiliserait la moto. Il en va de même à l’inverse pour le frein moteur où en entrée de virage, les équipes veulent maximiser la puissance de freinage.
Les capteurs de couple ont été utilisés pour la première fois à l’époque des 800cc en MotoGP, mais ils sont courants en F1 depuis des décennies. En MotoGP, une fois que l’électronique d’auto-apprentissage a été interdite, les teams ont dû trouver un moyen de reproduire l’électronique intelligente du passé et elles l’ont fait en mappant le circuit sur une cartographie de couple. En faisant appel aux données GPS acquises sur plusieurs années, les équipes ont mis au point une cartographie de couple pour permettre une puissance optimale à tout moment. C’est une manière préprogrammée d’optimiser les stratégies électroniques.
Mais alors pourquoi utiliser un capteur de couple ? Au cours d’un week-end de course, nous entendons beaucoup parler d’anti-wheeliing et d’antipatinage et, bien que ceux-ci soient désormais essentiels pour que les équipes maximisent les performances de leurs motos, ils constituent un système réactif alors qu’une stratégie de cartographie est un système proactif. L’antipatinage compare la vitesse des roues avant et arrière et la compare ensuite à une valeur définie pour essayer de se rapprocher de cette valeur idéale. C’est très efficace, mais un système plus précis est possible si vous pouvez mesurer le couple du moteur en sortie de boîte. Cette mesure permet aux équipes de connaître la motricité disponible à un moment donné et de régler le couple approprié en fonction des circonstances.
L’antipatinage consiste à maximiser les sorties de virage pour permettre de passer la puissance au sol à tout moment. Bien que cela semble contraire à l’intuition, la façon d’obtenir la motricité en sortie de virage implique de faire glisser la moto. Les équipes doivent déterminer la proportion optimale de ce phénomène et ensuite développer leur stratégie électronique en fonction de cette valeur. En recueillant le plus d’informations grâce à un capteur de couple, les équipes peuvent mesurer quelle puissance elles délivrent et ajuster le couple pour compenser. Il ne s’agit pas d’un système d’auto-apprentissage mais plutôt d’un système programmable permettant de savoir où il se trouve sur la piste à tout moment.
Le fait de disposer de ces données pourrait être un avantage considérable pour Honda. En l’état actuel des choses, ils peuvent assimiler plus de variables que leurs rivaux. Même s’ils ne peuvent pas utiliser le système pendant une course, ils peuvent développer leurs stratégies pour maximiser leur potentiel. Le fait de disposer d’un système plus prédictif leur donne une longueur d’avance sur les systèmes réactifs comme le modèle traditionnel d’antipatinage. Cela sera-t-il suffisant pour faire la différence en 2021 ? L’avenir nous le dira, mais c’est une autre indication des efforts que les constructeurs déploient pour gagner en WorldSBK.
Source : WSBK.com