Avant même qu’elle ne commence, il semble plus que probable que la saison MotoGP 2023 sera placée sous le sceau de la gestion de la pression du pneu avant. De multiples signes semblent l’indiquer, des problèmes de plus en plus fréquemment rencontrés par certains pilotes aux sanctions prévues cette année par Dorna Sports, et c’est pourquoi il nous semble utile d’étudier en profondeur un sujet dont très peu de personnes imaginent aujourd’hui l’importance et le niveau de technicité.
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5/ Les solutions adoptées par les teams…
Les capteurs qui enregistrent la pression sont déchargés après chaque run. Les teams disposent également de capteurs de température intérieure et extérieure des pneus avant et arrières.
Depuis 2022, Michelin fournit à la Dorna la liste des pressions relevées, sous la forme d’un tableau avec des couleurs rouges, orange et vertes, donc sans valeurs numériques. Ce tableau est ensuite redistribué à tous les teams MotoGP.
Avec une pression qui peut varier de 0,4 bar alors que la plage de fonctionnement du pneu avant n’est concrètement que de 0,25 bar, les teams n’ont pas d’autre solution que de partir en course avec une pression non règlementaire, en espérant que celle-ci, soigneusement calculée, correspondra à la règlementation en fin d’épreuve.
Aujourd’hui, Yamaha est le seul team MotoGP à utiliser de l’azote pour tenter d’amoindrir le phénomène : dès que les pneus, montés et gonflés avec de l’air déshydraté par Michelin, reviennent dans le box de Fabio Quartararo et Franco Morbidelli, ils sont immédiatement dégonflés avant d’être regonflés avec de l’azote. Mais cela ne change rien au problème : en pratique, si la pression monte en grande partie à cause de l’humidité contenue dans le volume du pneu et de la jante, que l’on utilise de l’air déshydraté ou azote, le pneu « rend de l’eau » en chauffant, et ça, on ne peut rien y faire. On arrive même à trouver des traces de condensation à l’intérieur de la jante en démontant le pneu !
Donc chez Yamaha, comme chez tous les autres constructeurs qui ont déjà essayé l’azote en vain, on calcule en essayant d’imaginer la course du mieux possible…
« Aujourd’hui, toutes les marques possèdent des tonnes de données et ont élaboré des abaques de températures de couvertures chauffantes pour obtenir la pression en course, en fonction de la position de départ et des motos concurrentes qui sont devant : les Ducati étant réputées indoublables facilement, les teams descendent un peu plus la pression s’ils s’attendent à ce que le pilote roule en paquet un bon moment derrière les Desmosedici. Au contraire, un pilote qui s’attend à rouler seul pourra mettre un peu plus de pression. »
« On a des tableaux de calcul qui recalculent la température du pneu en fonction de la température de la couverture chauffante. Les couvertures peuvent indiquer 90°, mais ce n’est pas du tout la température des pneus, qui peut pas mal varier en fonction de leurs positions dans l’armoire de chauffe : en haut ou en bas, sur les côtés, etc, il y a jusqu’à 10° d’écart, donc 0,1 bar. Pour nous, c’est énorme ! On a donc une connexion instantanée avec les capteurs qui sont dans les roues, on connaît la température de l’air, de la jante et du reste, et on a des logiciels qui nous donnent la bonne pression à mettre en fonction de la valeur de base que l’on souhaite. »
« Tous les pilotes ont une alarme de pression du pneu avant au tableau de bord, certains même avec la valeur numérique. »
« En course, le pilote dispose d’alertes de pression au tableau de bord : aux quatre coins du tableau de bord, il y a quatre voyants de couleur qui indique une pression trop haute ou une pression trop basse dans le pneu avant et arrière, afin de l’avertir avant chaque virage si la pression est correcte. À l’arrière, le pilote sentira une pression incorrecte plus facilement, car ce sera à l’accélération, mais à l’avant, si la pression est trop haute, il se retrouvera par terre en entrée de virage sans avoir eu le temps de comprendre. »
« On a plein de systèmes pour influencer la température, en particulier avec les cache-disques et les garde-boues. Mais au niveau de la pression, ça va jouer sur 0,05 bar. »
6/ Triche ou pas triche ?
C’est une évidence : en partant avec une pression non règlementaire, il y a des risques de terminer la course avec une pression trop basse, si le pilote roule seul et n’est pas assez incisif. Mais aucune sanction n’a été appliquée en 2022, en raison du non étalonnage des capteurs internes de différentes marques qui équipent les différents constructeurs. Certains l’ont vite compris et ont mis en pratique depuis de années cette politique de simple rappel à l’ordre… mais cela concerne principalement le pneu arrière.
« En MotoGP, pendant très longtemps, seule Aprilia a été blanc comme neige au niveau de la pression, ce qui n’est d’ailleurs plus vrai, depuis qu’ils ont vu que les Ducati étaient régulièrement en rouge (sur le tableau établi par Michelin) et finissaient sur les podiums sans être le moins du monde sanctionnés. Chez Yamaha, il y a eu quelques erreurs retentissantes car globalement les Japonais sont terrorisés à l’idée d’être disqualifiés pour une pression trop basse depuis la victoire de Maverick Viñales à Sepang. Ils prennent donc maintenant une marge de sécurité, ce qui ponctuellement a engendré des pressions beaucoup trop hautes pour Fabio Quartararo. Les autres se situent entre Yamaha et Ducati. »
«Aucune équipe ne cherche à rouler avec une pression trop basse à l’avant, même si à l’arrière cela peut arriver à l’arrière malgré une usure prématurée sur la longueur de la course. »
«Je dirais qu’il n’y a pas vraiment de tricherie volontaire sur la pression des pneus avant : c’est plus une mauvaise estimation de la position dans le groupe et des aspirations. »