Une demande de brevet récemment publiée montre comment Aprilia prévoyait de bouleverser l’aérodynamisme MotoGP avant d’être entravée par un changement de règle en 2020 – mais l’idée pourrait encore être adaptée sur une hypersportive.
Le brevet se concentre sur l’un des problèmes les plus persistants des hypersportives : acheminer suffisamment d’air vers les radiateurs sans créer plus de traînée que nécessaire.
La position traditionnelle du radiateur d’une moto, entre le moteur et la roue avant, est un compromis majeur en matière d’aérodynamisme. La masse du radiateur et l’eau à l’intérieur de celui-ci signifient qu’il est utile de le placer ici plutôt que, par exemple, sous la selle (à l’instar de Benelli), et il est également exposé à un flux d’air important dans cette position. Cependant, le flux d’air atteignant le radiateur est inévitablement perturbé par la roue avant, ce qui signifie que le radiateur doit être plus grand qu’il ne le faudrait. Cela, à son tour, entraîne une pénalité de poids.
Sur certains sportives, les ingénieurs ont recherché des solutions alternatives, comme le radiateur placé sous la selle – avec deux extracteurs d’air chaud – dans le cas du Benelli Tornado 1130.
Un autre cas différent est celui de la saga Honda VTR 1000, qui disposait dans le cas du modèle F mais également des SP1 et SP2 d’un radiateur de chaque côté du carénage.
Quoi qu’il en soit, les hypersportives continuent aujourd’hui de monter un grand radiateur à l’avant et sur les motos de compétition, où chaque détail compte, ce n’est pas un problème mineur.
Le système d’Aprilia
Le site Web de BikeSocial a découvert des croquis d’un système de refroidissement Aprilia qui semblait destiné à leur prototype MotoGP.
L’idée d’Aprilia, clairement illustrée dans son nouveau brevet, est de faire passer les conduits d’admission d’air vers l’avant du radiateur, le long de la roue avant, pour exposer les entrées à une alimentation en air non perturbée.
Cela, à son tour, permet de réduire les ouvertures d’admission et le radiateur lui-même, ce qui réduit le poids par rapport à une configuration conventionnelle. De plus, la conception ne perturbe pas le flux d’air sur l’extérieur du carénage, en utilisant les entrées d’air situées vers l’avant tandis qu’une extension sur le dessus du garde-boue avant ferme le passage d’air au-dessus de la roue avant lors de l’accélération lorsque la fourche se détend, en repoussant l’air sur les côtés et loin de l’ouverture du radiateur en forme de «parachute». Lorsque la fourche se comprime pendant le freinage, l’extension de supérieure rentre à l’intérieur du carénage.
De cette façon, on obtient que, d’une part, la roue avant n’empêche pas l’air d’atteindre l’élément de refroidissement et, d’autre part, que cette pièce forme un ensemble très aérodynamique avec le carénage.
L’élément clé de l’idée est la présence des conduits d’air exagérés de chaque côté de la roue avant. Il n’est pas possible du point de vue de la réglementation MotoGP d’avoir un carénage dans cette zone, en vertu de règles établies à l’origine pour interdire les carénages enveloppants, présents il y a des décennies, mais jusqu’à cette année, il existait une faille qui permettait une «entrée d’air amovible» dans cette zone.
Selon les règles de 2019, le libellé était le suivant :
Vu de côté, il doit être possible de voir :
a) Au moins 180 degrés de la jante arrière.
b) L’ensemble de la jante avant, à l’exception de la partie masquée par le garde-boue, les tubes de fourches, les pièces de frein ou les prises d’air amovibles.
Cette formulation a clairement laissé une ouverture pour le design, et notamment en ce qui concerne les prises d’air amovibles. A l’instar de Ducati, qui est habituée à utiliser les failles du règlement, cette lacune juridique a été exploitée par Aprilia pour concevoir un système avec deux entrées d’air, une de chaque côté de la fourche qui transporte celui-ci jusqu’au radiateur.
Mais dans le règlement 2020, il y a une mise à jour qui impose des limites beaucoup plus strictes au carénage, remplaçant la section b) par le texte suivant :
b) L’ensemble de la jante avant (dans cette mesure, la jante est la partie circulaire de la roue qui s’adapte au pneu, à l’exception du moyeu et des rayons), autre que la partie masquée par le garde boue avant, les tubes de fourches, les pièces de frein ou les attaches de suspension.
Avec l’exemption pour les entrées d’air amovibles, il semble que l’idée d’Aprilia, montrée dans ce brevet, a été tuée avant d’avoir eu la chance de briller.
Cependant, il y a encore une chance que quelqu’un profite de cette façon de penser, car la faille «d’admission d’air amovible» pour la carrosserie masquant la roue avant n’a pas (encore) été modifiée dans les règlements Moto2 et Moto3.
La décision d’Aprilia de déposer un brevet sur cette idée laisse également entendre qu’elle pourrait envisager de l’apposer sur une machine de production avec une configuration similaire. Selon les règles WSBK, ce type de carénage serait probablement légal à condition qu’il soit déjà présent sur sa version homologuée route. De plus, les brevets sont vraiment destinés à protéger les idées commerciales, pas celles utilisées sur les motos de compétition. Il est rare de breveter un design qui n’est utilisé que sur une moto de course, car les écuries rivales pourraient toujours le copier sans violer le brevet.
En WSBK, en revanche, l’exigence que les concurrents conservent des éléments basés sur la moto de route signifie que si cette disposition était utilisée sur une machine de route et offrait un réel avantage sur la piste, elle pourrait être exclusive à Aprilia. Gardant à l’esprit qu’un RSV4 revisité pourrait être en cours de développement, et que Piaggio – groupe dont fait partie Aprilia – travaille également sur des idées comme l’aérodynamique active, il sera fascinant de voir quelle technologie la future hypersportive d’Aprilia propose.
Sources : BikeSocial & MotoSan