Les tableaux de panneautage, ou pit boards dans la langue de Shakespeare, ont toujours eu un rôle important à jouer dans les courses de motos. Moyen de communication le plus fiable entre les équipes et les pilotes, le panneautage a peu évolué en MotoGP, même s’il commence à devenir numérique. Son usage n’en exige pas moins stratégie et dextérité.
Toutes les équipes MotoGP en ont un, ainsi que les meilleurs teams Moto2 et Moto3. Le poste de panneautage occupe aujourd’hui une place relativement importante en compétition moto. A l’origine, il s’agissait d’informer au plus vite le pilote du chrono qu’il venait de réaliser dans le tour précédent. Une information précieuse qui peut désormais être transmise sur le tableau de bord des motos, ce qui n’était pas le cas jusqu’en 2017.
Aussi technologique et inventive que soit devenue la guerre à laquelle se livrent les équipes MotoGP, certains aspects de la compétition perpétuent de vieilles traditions. L’art du panneautage en est un. Depuis des décennies, le décor du muret des stands semble ne pas avoir évolué.
À chaque course, c’est la même histoire : une forêt de panneaux brandis par des mécaniciens qui attendent leur pilote pour leur transmettre de précieuses informations : temps au tour, position, écart avec le pilote précédent et celui qui le poursuit, changements de cartographies moteurs, nombre de tours couverts ou à couvrir…
L’art du panneautage
Le but du panneauteur est d’informer son pilote sur la situation telle qu’elle est. Il faut savoir jouer des coudes, mais aussi tendre le bras, pour que le pilote soit clairement informé. Les informations sont néanmoins différentes pendant le weekend. Pendant les sessions de qualification, les informations sont basées sur : le temps restant, la position actuelle et le meilleur temps de session. Pendant une course, les informations dépendent des éléments suivants : tours restants, position, nombre d’autres pilotes dans le groupe (notamment en Moto3 & Moto2, pour prendre l’aspiration) et écarts de temps entre le pilote et le groupe de chasseurs.
Dans le cas d’une course flag to flag (en MotoGP uniquement), le team donne également deux autres informations : l’assurance que la seconde moto est prête via le message « PIT OK », et s’il y a un souci technique, le message « IN » pour informer au pilote le besoin de rentrer aux stands.
Dans certaines autres situations, comme lorsqu’un autre pilote est juste derrière, le panneauteur indique une différence de temps plus petite que la vraie, par exemple en marquant +0 au lieu de +0.8. Davide Brivio, Team Manager de Team Suzuki Ecstar, ajoute qu’il y a de nombreux facteurs à considérer : « Si vous arrivez à la fin de la saison et que vous avez un pilote qui se bat pour le titre, son panneau doit le tenir complètement informé de ce que font ses principaux rivaux. » Il ajoute « Nous travaillons en étroite collaboration avec le coureur pour définir des stratégies non seulement pour les courses mais aussi pour les essais et les qualifications. »
Lors des qualifications, il peut également arriver que le panneau soit utilisé pour tromper un concurrent, même si c’est assez rarement utilisé. En course, il y a aussi certains codes qui reflètent des ordres de l’équipe pour leurs pilotes, comme ceux utilisés par Ducati envers Jorge Lorenzo pour permettre à Andrea Dovizioso de remporter la course à Valencia en 2017.
Le pilote a normalement une vue claire des informations, mais il existe des circuits où la position du panneau est située à relativement proche du repère de freinage du pilote. Pour cette raison, le panneau doit être placé là où le pilote aura suffisamment de temps pour lire les informations et gérer son freinage. Pendant la course, il peut y avoir plusieurs panneaux déployés qui peuvent gêner le pilote pour pouvoir lire les informations.
Alors, comment ça marche ? Brivio explique : « Tout dépend de l’équipe. Dans notre cas, l’ingénieur de course est la personne qui s’occupe du pilote. Ils sont comme un entraîneur de football ou de basket-ball dans la mesure où ils sont la personne la plus proche du pilote, et donnent les ordres, discutent et changent de tactique et bien plus encore. Dans des cas exceptionnels, cependant, le Team Manager interviendra si le pilote ignore le message ou si celui-ci est suffisamment important. »
Chez KTM, l’ingénieur de course passe les ordres, et c’est le « data guy », ou le « strategy manager » qui est chargé d’écrire et transmettre les ordres au pilote.
Le poste de panneautage accueille également une station météo. Les informations qu’elle délivre sont directement envoyées au box afin de faire le choix de gommes le plus approprié aux conditions de piste. Par ailleurs, le cœur du poste de pilotage est équipé de plusieurs écrans permettant de suivre la course et devant lesquels se positionnent habituellement les responsables de l’équipe qui n’ont pas de rôle particulier à jouer dans le box à ce moment précis.
Par exemple, en cas de pluie, et de course Flag-to-Flag (qui ne concerne que les MotoGP), l’équipe peut être plus réactive. Mais entre le moment où le pilote entre réellement dans les stands, il peut être un ou deux tours trop tard. Il doit passer sur la voir des stands pour voir les informations sur le panneau puis terminer son tour avant de pouvoir entrer. Cela peut ajouter un ou deux tours qui peuvent faire la différence entre gagner ou perdre.
Une évolution : le « virtual dashboard »
Pourtant, les MotoGP sont équipées d’un “virtual dashboard”. Les pilotes disposent ainsi en temps réels d’informations transmises sur leur tableau de bord par la direction de course (depuis 2015), mais aussi par leur team (autorisé depuis 2017).
La direction de course peut alors utiliser ce moyen de communication en plus des commissaires de piste pour ordonner à un concurrent de s’arrêter, notamment en cas de danger, ou lui stipuler une pénalité pour non-respect du règlement, voire une mise hors course.
Le team, lui, dispose d’une série de messages prédéfinis pour informer son pilote. Des messages qui ne lui étaient jusque-là accessibles que via le panneau brandi par-dessus le muret des stands. Le “virtual dashboard’” permet d’être plus réactif qu’en utilisant le panneau classique. Le pilote a ses chronos en temps réel, et si on lui demande rentrer au box pendant une séance d’essais il peut le faire immédiatement sans perdre un tour après avoir lu le message sur son panneau. Les infos transmises sont limitées et surveillées par la direction de course, mais aussi utilisables par le réalisateur pour le live TV.
C’est différent de la Formule 1 par exemple, où les pilotes suivent les ordres qui leur sont donnés. En MotoGP, les teams ne peuvent fournir que des informations au pilote. Par exemple, il est possible de signaler qu’un adversaire roule plus fort. Mais, sur piste séchante, s’il y a une portion de l’autre côté du circuit qui est encore mouillée et que le pilote n’est pas assez confiant pour utiliser les slicks, le choix est le sien. Sur deux roues, alors que le pilote peut obtenir des informations via le panneau, c’est à lui d’interpréter ces informations et de faire son propre choix.
La raison pour laquelle les radios ne sont pas utilisées en moto n’est pas seulement due au coût, mais aussi au fait que ce serait une distraction dangereuse pour le pilote. Contrairement à un pilote de Formule 1, un pilote MotoGP se déplace constamment autour de la moto et d’une manière extrêmement physique. Toute distraction, quelle qu’elle soit, peut être très dangereuse.