Quels que soient les termes anglophones utilisés, holeshot device, start device ou ride height device, le système introduit par Ducati fin 2018 avec Jack Miller consiste à abaisser le centre de gravité de la moto pour lutter contre son cabrage, afin de pouvoir passer plus de puissance au sol.
Considéré initialement comme un gadget par la concurrence, tout comme les ailerons également remis au goût du jour par la firme de Borgo Panigale, il a prouvé son efficacité et toutes les marques en disposent aujourd’hui.
Mais le système continue à évoluer, secrètement, sans la moindre communication, aussi la photo de la GP19 d’Enea Bastianini au Grand Prix d’Autriche nous donne l’occasion de faire le point sur ce que l’on sait, ce que l’on croit savoir et ce que l’on suppose…
Retrouvez la première partie ici
Les limites actuelles :
- L’utilisation du ride height device doit obligatoirement être déclenché manuellement par le pilote. On a beau actuellement assister à un changement de générations au profit de la jeunesse élevée aux SMS et autres manettes de jeux, l’opération nécessite une action de plus de la part du pilote, au moment où il redresse sa machine tout en accélérant et en se repositionnant sur sa selle…
- Techniquement, baisser le centre de gravité limite le transfert de charge de la moto. Comme on l’a dit, c’est un inconvénient lors du freinage car cela a tendance à « pousser l’avant », mais cela peut également l’être à l’accélération, si le surplus de puissance autorisé par l’abaissement du centre de gravité venait à outrepasser la limite d’adhérence réduite du pneu arrière. C’est pourquoi, par exemple, certains vérins ont aujourd’hui trois positions : Off, On et intermédiaire.
- D’autre part, passer plus de puissance à l’accélération sollicite davantage le pneu arrière, l’élément qui conditionne souvent les fins de course… et ce d’autant plus que, sur les V4, l’échappement frôle alors le pneu arrière. Cet échauffement supplémentaire en surface, d’un seul côté, n’est pas du tout du goût de l’enveloppe…
- Enfin, on en est seulement aux premiers balbutiements de ce domaine, et les vérins et leur système d’activation sont encore en cours de développement, quels que soient les constructeurs. Saviez-vous que certains de ces derniers, à l’abri des box bien fermés, chauffent leur ride height device à l’aide de gros souffleurs thermiques pour les faire atteindre leur température de fonctionnement avant de lâcher leurs motos en piste ?
Les évolutions actuelles :
On travaille pour peaufiner le système actuel utilisé à
l’accélération mais on aimerait bien aussi pouvoir baisser un peu
l’avant en ligne droite, moment où cela n’offre que des avantages
(Scx réduit) jusqu’au freinage, moment où la moto doit retrouver sa
position « normale ». Pas la peine d’y penser avec les blocages de
la fourche par câble, mais c’est peut-être ce qu’a essayé Aprilia
lors du dernier Grand Prix d’Autriche. La RS-GP d’Aleix Espargaro
était en effet équipée d’une étrange fourche dotée des habituelles
cartouches Öhlins en bas, comme toutes ses concurrentes, mais aussi
de cartouches supplémentaires en haut.
Celles-ci sont-elles un nouveau système de Start Device ?
Sont-elles activables en ligne droite ? Sont-elles reliées au Ride
Height Device arrière ? La concurrence s’interroge… et si ce n’est
pas le cas, cela ne devrait pas tarder : on peut faire confiance à
l’inventivité des ingénieurs !
L’idée est que cela pourrait mettre être de déclencheur
« semi-automatique » du Ride Height Device: une fois
celui-ci activé manuellement par le pilote (pour être en accord
avec le règlement), un freinage fort enregistré par ces cartouches
supplémentaires pourrait préparer l’abaissement de l’arrière, si
avant et arrière étaient reliés. Hydraulique ou par câbles, cette
hypothétique liaison dépendrait surtout de l’interprétation du
règlement qui interdit l’utilisation d’hydraulique non commandée
par le pilote, sauf pour les systèmes d’amortissement… et il semble
bien que l’on aperçoive des banjos hydrauliques sur d’autres photos !
Règlement MotoGP :
2.4.3.8 Systèmes de contrôle
1. L’utilisation de systèmes hydrauliques et/ou pneumatiques
sous pression n’est pas autorisée, à l’exception des cas suivants
:
– Les commandes hydrauliques normales à main ou à pied telles
que les maîtres-cylindres/récepteurs pour les freins et l’embrayage
sont autorisées, lorsque la pression est établie et libérée
uniquement par la force du pilote.
– Les systèmes pneumatiques de fermeture des soupapes du moteur
dans la catégorie MotoGP uniquement.
– Les pompes à huile/à liquide de refroidissement pour la
lubrification/le refroidissement du moteur.
L’utilisation de fluides de lubrification/refroidissement du
moteur à d’autres fins que la que la lubrification et le
refroidissement (comme les systèmes hydrauliques motorisés) n’est
pas autorisé.
Dans cette mesure, un système hydraulique et/ou pneumatique
motorisé est un système dans lequel
– le fluide de fonctionnement n’accomplit pas un cycle
idéal (rendement = 1) pendant le fonctionnement du système
en marche, ou
– le cycle idéal (rendement = 1) effectué par le fluide de
fonctionnement pendant le fonctionnement du système en
marche n’est pas conservateur (c’est-à-dire que le bilan
énergétique net n’est pas égal à zéro), où un cycle est la
séquence de changements de pression et de volume qui se termine
avec les mêmes valeurs initiales et la même masse de
fluide de fonctionnement.
Par exemple, selon les définitions et exceptions ci-dessus
:
– Tout système dans lequel il y a un échange de masse de fluide
opérationnel avec l’air ambiant n’est pas autorisé (par
exemple, un réservoir de décharge ou une
admission).
– Tout système dans lequel le fluide de fonctionnement est
déplacé entre des chambres à des pressions différentes
n’est pas autorisé (par exemple, les pompes, même si
l’énergie de pompage est récupérée, comme dans les pompes
entraînées par les suspensions).
– Un système dans lequel le fluide de travail augmente ou
réduit son volume à l’intérieur d’une chambre scellée à volume
variable est autorisé (par exemple, les cartouches
d’amortissement pressurisées), car le cycle idéal du fluide
est conservateur.
– Un fluide ayant pour seule fonction d’amortir n’est pas
considéré comme « opérationnel », les
amortisseurs purs sont donc autorisés (ex. l’amortisseur
hydraulique d’un amortisseur passif conventionnel).
Les rumeurs :
Un paddock sans rumeurs ne serait pas un paddock, et des ingénieurs
ne frôlant pas les limites du règlement ne seraient pas ingénieux.
On commence donc à suspecter Ducati, l’initiateur du domaine,
d’avoir toujours un coup d’avance sur ses adversaires. En
l’occurrence d’avoir un système, bien sûr purement mécanique pour
être en accord avec le règlement, qui, une fois enclenché
manuellement par le pilote, permettrait à la moto de descendre
toute seule à la sortie des virages choisis au préalable. Un peu
comme ce qu’on suppose avoir peut-être été aperçu sur l’Aprilia,
mais avec la possibilité d’annuler manuellement cette action par le
pilote, soit en totalité, soit à un virage donné.
Comme on le voit, on n’a pas fini de parler des Ride Height Devices…