C’est une situation assez paradoxale mais il semblerait de prime abord que la première photo du Mass Damper de Ducati, une sorte d’Arlésienne dont on parle depuis des années sans jamais l’avoir aperçue, ne soit pas due à un des nombreux photographes professionnels qui couvrent les Grands Prix, mais à un simple passionné qui se trouvait au bon endroit au bon moment… ou pas !
Le Mass Damper, qu’est-ce que c’est ?
Le Mass Damper, ou amortisseur de masse en français, est comme son nom l’indique une masse amortie, en l’occurrence ici par des ressorts. En faisant simple, un Mass Damper contrecarre plus ou moins un mouvement, en fonction de la masse suspendue et de la raideur des ressorts.
Le concept n’est pas nouveau et est même régulièrement utilisé
en architecture pour les immeubles de grande taille situés dans une
zone sismique. Les Mass Dampers, de plusieurs types, évitent ainsi
un déplacement latéral trop grand et l’effondrement des bâtiments
concernés.
En sport mécanique, c’est Renault qui l’a introduit en F1 en 2006,
avant que cela ne soit interdit par les instances dirigeantes. La
masse métallique comprise entre deux ressorts, estimée à une
dizaine de kilos, était alors destinée à limiter les changements
d’assiette de l’avant afin d’avoir une aérodynamique plus
constante, donc plus efficace.
En Moto2, le système est actuellement employé par l’équipe d’Eduardo Perales, fixé directement sur le bras oscillant de ses Kalex, avec plusieurs valeurs de masse et de raideur de ressorts en fonction des circuits utilisés.
Chez Ducati, c’est l’apparition de la fameuse « Salad Box » dans le dosseret de selle en 2017 qui a mis la puce à l’oreille des journalistes spécialisés. Mais jusqu’à présent, aucune photo n’était venue confirmer les hypothèses et les rumeurs.
Quel avantage peut-on tirer d’un Mass Damper ?
En simplifiant les choses à l’extrême, un Mass Damper est un amortisseur supplémentaire qui viendra compléter l’effet de l’amortisseur principal. Celui-ci étant déjà particulièrement sophistiqué et bien ajusté, le Mass Damper viendra combler ses petits défauts d’accord qui, dans le cas de la compétition moto, relèvent souvent du Chattering, c’est à dire d’une vibration qui concerne les deux roues de la moto et dont l’effet sur la roue avant est le plus gênant, contrairement au dribble qui est le simple rebond d’une roue, souvent arrière.
A titre d’explication, reprenons les propos que nous avait tenus un technicien du paddock.
« En schématisant, il s’agit d’une vibration des deux
roues (masses non suspendues) en opposition de phase, sur
l’élasticité des pneus et des suspensions, ce qui explique que
l’adhérence fluctue (c’est le problème perçu) et que la suspension
débat (c’est ce que montre l’acquisition).
Le mouvement se transmet d’une roue sur l’autre par un petit
mouvement de tangage de la masse suspendue.
L’amplitude est très faible, la fréquence entre 16 et 20 Hz, la
vitesse de débattement environ 60 mm/s, les accélérations
verticales à l’axe de roue environ 1g. Le chattering se caractérise
donc par le fait que les mouvements de la roue avant et de la roue
arrière sont essentiellement en opposition de phase.
Ceci ne veut pas dire que les amplitudes soient nécessairement
de même valeur à l’avant et à l’arrière mais, même lorsque
l’amplitude est très faible pour une des roues, son mouvement reste
quand même en opposition de phase avec celui de l’autre
roue.
Cette vibration se reproduit donc plus de 16 et 20 fois par
seconde et, suivant son amplitude, est plus ou moins ressentie par
le pilote.
Si l’amplitude ne dépasse pas 0,4 millimètre, cela n’est pas
trop gênant pour le pilote, mais cela peut aller jusqu’à 1 ou 1,2
millimètre et là, c’est vraiment handicapant pour le
pilote. »
Pour tenter de contrecarrer ce phénomène, l’important est de « casser » la résonance ou, du moins, d’essayer de la déplacer dans une zone moins sensible du pilotage, et c’est là qu’intervient le Mass Damper : En jouant sur sa masse et la raideur des ressorts, on peut atténuer et modifier les caractéristiques du Chattering. D’ailleurs, rien que par une masse fixe située dans le dosseret de selle, comme la plupart des constructeurs utilisent et qu’on voit très bien sur la photo de MCNNews.com.au, on joue sur le Chattering et on augmente la motricité.
Qui utilise des Mass Dampers ?
C’est assez facile à deviner : ceux qui ont des dosserets de
selle volumineux.
D’après nos informations, Yamaha, Honda, Suzuki et KTM, non.
Ducati est censé en utiliser un et le doute est également permis
pour Aprilia.
Mais, mais, mais… D’une part la nouvelle selle de la Honda peut
laisser penser que des expérimentations vont être faites dans ce
domaine, et, surtout, elles ont déjà été faites chez Yamaha
!
Cela remonte à une bonne dizaine d’années, avec Colin Edwards.
Yamaha avait alors détaché deux ingénieurs pour travailler pendant
quasiment toute la saison sur un Mass Damper à trois
pistons situé dans la selle. Au final, la solution n’a pas
été jugée miraculeuse sur la durée d’une course et le Mass Damper
(dont aucune photo n’est jamais parue dans la presse) a été remisé
dans les cartons.
Que voit-on vraiment sur les photos ?
C’est là où ça se corse un peu…
A suivre…
— Harjo Kiel (@Hgkiel46) October 24, 2022