Marc Marquez a été une nouvelle fois victime d’un impressionnant highside à Mandalika : lors du Warm Up, il s’est vu catapulté dans les airs par sa machine. L’octuple Champion du Monde s’est retrouvé dans le bac à graviers mais s’en sort miraculeusement indemne après une figure effrayante qui rappelait beaucoup celle de son accident à Jerez en 2020, mais également ce qu’il a subi au Grand Prix des Pays Bas la saison dernière. Malheureusement, le pilote Espagnol a tout de même subi un choc à la tête, et ce type de choc ayant engendré une commotion cérébrale, peut favoriser le retour d’un mal dont l’officiel Honda ne se débarrassera jamais : celui de la diplopie. Mais alors pourquoi les pilotes Honda sont victimes de ce genre de chutes et pas leurs concurrents ?
Lors des tests de pré-saison qui ont eu lieu le mois dernier en Indonésie, sur le tracé de Mandalika du, Michelin a apporté une gamme de pneus pour faire face à la chaleur tropicale : plusieurs composés de son slick arrière actuel étaient disponibles, apportant des modifications à la gomme introduite en 2020, pour améliorer l’adhérence et l’endurance dans ces conditions extrêmes.
Néanmoins, même si Pol Espargaro a dominé ces tests de la tête et des épaules, les pneus ne tenaient pas la distance. En effet, le problème lors des tests officiels à Mandalika était la carcasse, trop souple, qui se plie pour augmenter la surface de contact, ce qui offre plus d’adhérence. Mais la flexion augmente également l’accumulation de chaleur, et favorise l’éclatement du pneu.
Aussi, Michelin a décidé de produire pour la course un nouveau lot de slicks arrière, utilisant une carcasse super rigide, qui a été utilisée au GP d’Autriche 2017 et pour la dernière fois au GP de Thaïlande en 2018, il y a quatre ans. Ce pneu résistant à la chaleur a été créé pour les deux pistes de MotoGP qui génèrent plus de chaleur dans le pneu arrière que partout ailleurs : le Red Bull Ring et Buriram.
Mais alors pourquoi utiliser une carasse dont la conception date d’il y a 4 ans, alors que les prototypes MotoGP ont évolué depuis ? La réponse est simple : Dorna a imposé que les fournisseurs de pneus du MotoGP ne seraient pas autorisés à modifier les spécifications techniques des pneus pendant la saison de course, et ce afin de limiter les couts de développement.
De plus, les usines dépensent plusieurs millions pour développer leurs machines afin qu’elles correspondent exactement à un pneu particulier, il n’est donc pas correct d’introduire un pneu différent à la mi-saison, annulant tout ce travail minutieux et nécessitant peut-être une refonte complète du châssis.
Chaque fois que les pneus sont changés, il y a toujours des gagnants et des perdants. Les six constructeurs du MotoGP conçoivent leurs motos autour des spécifications de pneus fournies par Michelin, après des tests approfondis avec toutes les usines. Chaque machine est ensuite spécifiquement conçue pour s’adapter à ces pneus.
De toute évidence, la situation qui s’est produite à Mandalika était considérée comme une urgence de sécurité – personne ne voulait risquer que les pneus n’explosent. Néanmoins, les pilotes ont beaucoup critiqué ce pneu car il ne renvoie pas un feeling important, d’où les nombreuses chutes lors des essais du GP d’Indonésie, bien que moins impressionnantes que celle de Marc Marquez.
Marc Marquez a toujours le sentiment de pousser la moto à ses limites même lorsque la combinaison moto/pneus fournie par Michelin n’est pas très compatible avec l’asphalte du circuit de Mandalika. Comme il a été précisé auparavant, la gomme fournie par Michelin pour la course avait une carcasse plus rigide et ne donnait pas un bon feeling avec le train arrière, ce qui est à mettre en parallèle du fait que Marc Marquez a subi de nombreux dérapages de la roue arrière. Spectaculaire, mais à l’ère de l’antipatinage, ceci est plutôt curieux.
En effet, Honda ne semble pas avoir trouvé la bonne solution et l’équilibre en termes de configuration électronique, en particulier concernant le contrôle de traction pour réduire les problèmes. Vendredi n’était pas trop mal pour Márquez. « La carcasse rigide affecte le contact arrière, donc il y a moins d’adhérence », a-t-il déclaré. « J’ai eu quelques avertissements en FP2. C’est le caractère du pneu et nous devons comprendre d’où vient le flottement à l’arrière. »
Le contrôle de traction, dont le fonctionnement avait été expliqué en détail dans un de nos dossiers techniques, est réglé de manière différente pour les moteurs V4, comparé aux 4 cylindres en ligne. Le moteur plus étroit d’un V4 réduit l’effet gyroscopique, de sorte que le pilote peut faire entrer la moto en courbe plus facilement. Un quatre en ligne, avec son vilebrequin plus long, est plus difficile à détourner de sa trajectoire lorsque le pilote veut entrer en courbe. Mais une fois que la moto est dans la courbe, l’effet gyroscopique aide le pilote à maintenir sa trajectoire. C’est une des raisons pour lesquelles les prototypes MotoGP à 4 cylindres en ligne sont plus efficaces en courbe.
Ainsi, contrairement aux 4 cylindres en ligne qui arrondissent au maximum leur trajectoire afin d’optimiser le passage en courbe et de rester sur leur lancée, les prototypes MotoGP équipées d’un moteur V4 décomposent le virage et la trajectoire a une forme de V : les pilotes font dériver légèrement l’arrière de la moto pour atteindre le point de corde avant de relever la machine et d’accélérer en sortie du virage. Il semble que les paramètres électroniques du contrôle de traction de la RC213V n’étaient pas optimaux et dépassaient les limites des paramètres de glisse nécessaires à cette machine pour l’aider dans les virages.
Samedi et dimanche ont été bien plus compliqués pour le pilote Espagnol : en dehors du top dix après les 3 premières séances d’essais libres, il devait essayer de passer de la Q1 à la Q2. Par conséquent, samedi après-midi, il était en mode attaque, sans parler du fait que sa combinaison moto/pneus n’était pas vraiment à la hauteur. Il a chuté deux fois au cours de la séance de 15 minutes, perdant l’avant à chaque fois.
Car à Mandalika, l’adhérence de la roue arrière de la RC213V est faible et crée une situation de highside potentielle, mais ce n’était pas le seul problème de Honda en Indonésie. Le faible niveau d’adhérence du pneu arrière sur l’asphalte de Mandalika a obligé Marc Marquez et Pol Esparagaro, ainsi qu’Alex Marquez et Takaaki Nakagami à pousser davantage sur leur train avant. Cela provoque une augmentation de la température des pneus avant qui, selon les pilotes HRC, accélère la destruction des pneus.
Lors de la séance de Warm Up du dimanche matin, il était à nouveau à la limite, essayant de trouver la vitesse dont il avait désespérément besoin s’il voulait tenter de monter sur le podium. Lorsqu’il a attaqué le virage 7 à grande vitesse, le pneu arrière a glissé, a repris de l’adhérence et l’a projeté dans les airs. Si ses chutes précédentes en Q1 avaient été des risques à prendre, ce n’était pas le cas lors de cette séance : il ne s’agissait que du Warm Up et une course sous la pluie était annoncée.
Avec des soucis de contrôle de traction inhérents à la Honda et l’utilisation d’un pneu arrière 2018 sur une moto spécialement conçue pour fonctionner avec un pneu arrière 2022 entièrement différent, Marc Marquez a eu de la chance de n’avoir qu’une commotion cérébrale. La suite est encore incertaine pour le pilote HRC, qui est à minima forfait pour l’Argentine.