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Dans la première partie de ce dossier, nous vous avons révélé quelques données chiffrées concernant les freins des MotoGP. Attardons nous maintenant sur la répartition de freinage, mais aussi ses limites!

Pourquoi le frein avant est-il si efficace ?

Pratiquement, quiconque a déjà conduit une moto ou tout autre véhicule avec les commandes de frein différenciées entre l’avant et l’arrière a facilement pu voir la plus grande efficacité du frein avant. En poussant une moto à la main et en tirant fermement sur le frein avant, celle-ci s’arrête quasi instantanément et aura tendance à basculer vers l’avant. En actionnant uniquement le frein arrière, la roue aura tendance à se bloquer, mais la moto pourra toujours avancer.

Analysons également le phénomène d’un point de vue scientifique. Alors que la moto roule à vitesse constante, son poids est réparti sur les deux roues proportionnellement à la position du centre de gravité par rapport à l’empattement. Ainsi, si le centre de gravité est parfaitement à mi-chemin entre la distance des deux roues, le poids sera réparti également, inversement il sera déséquilibré vers l’une des deux. Quelle que soit la position du centre de gravité, lorsque vous commencez à freiner, il y a un transfert de charge à l’avant avec une perte de charge conséquente à la roue arrière. En appliquant les équations de l’équilibre des forces et des moments au centre de gravité, il en résulte que la même part de la charge ajoutée à l’avant est soustraite de l’arrière. Cela signifie que la force de freinage est répartie asymétriquement sur les deux roues, en faveur de l’avant.

Il est bon de se rappeler le principe physique selon lequel l’augmentation de la charge verticale appliquée au point de contact augmente la force de frottement. Cela explique pourquoi la roue avant, ayant une plus grande charge, est capable d’appliquer une plus grande force de freinage. Il est intéressant de noter que le transfert de charge augmente avec une augmentation de la force de freinage totale et de la hauteur du centre de gravité par rapport au sol, tandis qu’il diminue avec une augmentation de l’empattement. La limite, afin d’éviter le patinage des roues, est imposée par le coefficient de frottement entre le caoutchouc et l’asphalte. Celle-ci, multipliée par la charge dynamique (représentée par la charge statique plus ou moins le transfert de charge), exprime la force de freinage maximale applicable sur la roue simple. Au-delà, la roue se bloquera.

Une limite au freinage

Un autre phénomène indésirable est évidemment le basculement de la moto par-dessus la roue avant. Un phénomène qui intervient, avant le blocage de la roue sur sol sec. La condition limite, une position d’équilibre instable, se produit lorsque la roue arrière ne touche pas le sol et donc tout le poids de la moto repose uniquement sur la roue avant. En appliquant une charge arrière nulle à l’équation d’équilibre des moments par rapport au centre de gravité, on constate que la force de freinage maximale pouvant être appliquée, qui ne doit pas être dépassée pour éviter le renversement, dépend de la masse de la véhicule et sur la position du centre de gravité (vertical et longitudinal).

Le premier facteur ne peut être travaillé que pendant la phase de conception, alors que pour modifier le deuxième facteur, les pilotes ont tendance à reculer sur la selle lors du freinage, déplaçant ainsi le centre de gravité vers l’arrière. Cela aiderait également à abaisser le centre de gravité mais il y a la contrainte imposée par la selle.

 

Ce stoppie de Marc Marquez est volontaire. Pour y arriver, il freine fortement du frein avant tout en déplaçant son corps vers l’avant de sa Honda

 

De fait, si son équipement pneumatique et son ensemble de freinage le lui permettaient, un custom, avec un empattement long et un pilote assis très bas, pourrait freiner beaucoup plus fort qu’un supermotard avec un pilote perché et un empattement relativement court. C’est une affaire de bilan des forces. D’ailleurs vous remarquerez qu’il est plus facile de faire un stoppie ou une roue arrière, avec un supermotard qu’avec un custom ! De même on peut freiner très fort de l’arrière avec un custom, pas avec un supermotard, qui bloque immédiatement sa roue arrière. Cette première remarque nous ramène à la voiture. Avec son empattement long, son ou ses passagers assis bas, la voiture ne risque pas le stoppie. Moralité, elle peut freiner jusqu’à la limite d’adhérence de ses pneus sur sol sec. Pas la moto.

Quand la pluie s’en mêle, la limite d’adhérence est plus basse et selon la nature du revêtement, le blocage de la roue avant peut intervenir avant le phénomène de basculement. Dans ce cas, moto et voiture se retrouvent à égalité, ou presque. Toutes deux exploitent au maximum l’adhérence disponible et la voiture ne peut plus freiner plus court. Moralité, pour taxer une voiture au freinage, il vaut mieux faire la danse de la pluie !…

Une question de répartition

La répartition de freinage idéale n’est pas fixe mais dépend du coefficient de frottement qui, s’il est très élevé, permet d’obtenir 90% de la force de freinage totale par l’avant, alors que sur routes glissantes, ou mouillées, la contribution du frein arrière peut atteindre 40%. Les performances de freinage maximales sont obtenues avec l’utilisation conjointe des deux freins, ayant la prévoyance de les moduler en fonction de l’état de l’asphalte.

De nombreux fabricants de motos proposent pour leurs véhicules – en particulier ceux pour les déplacements en ville – un système de freinage combiné qui permet de faire fonctionner les freins sur les deux roues avec un seul levier. Les concepteurs sont obligés d’adopter une solution de compromis entre performances de freinage maximales et sécurité pour éviter les glissements et les blocages indésirables des roues. Les motos de sport ne sont généralement pas équipées de cette aide à la conduite, confiant complètement au pilote la répartition de la force de freinage à la fois pour obtenir des performances maximales et parce que sur circuit dans certaines phases mouvementées de la course, une glisse souhaitée et contrôlée du pneu peut être bénéfique.

Et le frein arrière ?

Comment répartir le freinage introduit l’utilisation très discutée du frein arrière, souvent maltraité et oublié par un grand nombre de motocyclistes pour diverses raisons, plus ou moins précises, telles que l’inutilité, une faible efficacité, des inconvénients de fonctionnement, une faible sensibilité, etc. Si l’on prend le cas d’une moto en ligne droite, de l’asphalte sec et d’une excellente adhérence, la contribution offerte par le frein arrière est, comme mentionné au paragraphe précédent, négligeable, tandis qu’en diminuant l’adhérence entre l’asphalte et le pneu, l’importance du frein arrière augmente jusqu’à ce qu’elle devienne fondamentale en cas de faible coefficient de frottement.

Quelle que soit la contribution dans les situations les plus critiques, le frein arrière garantit un effet stabilisateur particulièrement utile dans les virages. Lorsque le pilote est sur le point d’entrer dans un virage, la mise sur l’angle de la moto lors du freinage fait que l’angle d’inclinaison avec le centre de gravité est déplacé vers l’intérieur de la courbe. La force de décélération inertielle (la même que celle qui nous projette vers l’avant lors du freinage) et la force du frein avant n’appartiennent plus au plan vertical et relativement symétrique, de la moto qui n’est alors plus perpendiculaire à l’asphalte.

Ce phénomène génère un effort qui a tendance à écarter l’arrière de la moto de l’intérieur de la courbe. De plus, comme nous l’avons déjà vu, un transfert de charge est généré de l’arrière vers l’avant. En d’autres termes, si pendant la phase de passage en courbe, le freinage est réalisé uniquement avec l’action du frein avant, la partie arrière de la moto aura tendance à se redresser, voire à s’écarter de la trajectoire, générant une glisse de l’arrière et une perte de contrôle possible du véhicule. Dans cette situation, l’utilisation du frein arrière est très utile, car elle génère une force en sens inverse de la force inertielle de manière à produire un effet stabilisateur. En fait, c’est une technique de pilotage couramment utilisée, si vous arrivez hors trajectoire, utilisez le frein arrière pour refermer la courbe et reprendre la trajectoire souhaitée. Au contraire, insister davantage sur le frein avant accentuerait le problème en élargissant la trajectoire.

 

On aperçoit ici 2 leviers au niveau de la main gauche : un pour l’embrayage, l’autre pour le frein arrière

 

Un développement récent qui a suscité beaucoup d’intérêt est le frein au pouce. Il est utilisé sur les motos de course depuis le début des années 90, mais de plus en plus de pilotes en MotoGP l’adoptent de nos jours. Plusieurs pilotes ont vu des avantages à utiliser un frein à pouce, mais l’idée n’a jamais vraiment fait son chemin. Ce n’est qu’il y a quelques années, lorsque les freins au pouce ont commencé à devenir d’une grande utilité en course. Récemment, quelques pilotes ont testé un nouveau système qui utilise un levier similaire au levier de frein avant, bien qu’il soit utilisé avec la main gauche et monté parallèlement au levier d’embrayage.