Les Ducati sont réputées pour leurs évolutions technologiques et leur vitesse de pointe. Johann Zarco a d’ailleurs battu le record de vitesse sur sa Ducati Pramac au Qatar, en atteignant 362.4 km/h. Mais il semble que les équipes de Borgo Panigale n’aient pas uniquement travaillé sur les périphériques moteur cet hiver, car ils ont obtenu le doublé à Jerez, un tracé qui est loin d’être favorable à la Ducati.
Jusqu’à présent, Ducati n’avait jamais réalisé de doublé sur le tracé Andalou, et la seule victoire Ducati sur ce circuit remonte à 2006. Quels sont les changements qui ont fait la différence cette année ? La Ducati GP21 serait la machine idéale pour gagner sur tous les circuits ?
Et pourtant, la Ducati GP21 n’est pas très différente de la GP20. C’est en grande partie une évolution du prototype de l’année dernière, avec quelques légères modifications afin d’améliorer ses points faibles.
La seule modification visuelle vraiment visible est la nouvelle « Salad Box », qui a un effet important sur le comportement de la moto. Elle a été nommée Salad Box par le pilote d’essais Ducati, Michele Pirro, dont la réponse aux journalistes qui demandaient quelle était son utilité, a été donnée avec une pointe d’humour « pour y transporter un sandwich ». Mais celle-ci ayant imposé de décaler tout le système d’échappement arrière, il était clair qu’il ne s’agissait pas d’un simple ajout, mais d’un élément clé de la conception de la moto.
Dans cette boite noire en carbone se trouve un Mass Damper ayant des répercussions sur la tenue de route des machines italiennes, bien que Ducati n’ait jamais rien révélé à ce sujet. Celui-ci est paramétrable pour atténuer certaines fréquences de vibrations à l’arrière de la moto. L’idée derrière cela est de lisser toutes les petites bosses et vibrations afin que la suspension puisse être plus efficace.
Cela a son importance concernant la durée de vie des pneus : de petites vibrations et bosses peuvent avoir un effet néfaste sur la durée de vie du pneu, provoquant une surchauffe due à un mouvement excessif et au frottement qu’elles provoquent. Ducati a pourtant testé des Mass Dampers depuis 2014, et pourtant ils sont confrontés ces dernières années à des difficultés concernant la durée de vie des pneus. Mais parfois, de petites modifications peuvent apporter de gros gains.
Les ingénieurs de Borgo Panigale ont également apporté de nombreuses modifications à la Ducati GP21, beaucoup moins visibles, concernant le châssis et le moteur.
Les ingénieurs sous la responsabilité de Luigi Dall’Igna repoussent constamment les limites de l’aérodynamique en explorant de nouvelles techniques pour rendre leur prototype plus rapide et plus facile à piloter. Les Ducati sont bel et bien à la pointe de l’aérodynamique
Ils ont repoussé les limites une fois de plus cette année, dévoilant ces appendices au bas du carénage, qui semblent favoriser l’effet de sol, la stabilité, mais aussi aider la Ducati dans les passages en courbes. Car c’est bien là le point faible de la Ducati : les virages. Et pourtant, ils ont obtenu un doublé à Jerez, un tracé relativement lent et avec de nombreux virages.
Ce nouveau package aérodynamique permet de stabiliser la moto en courbe, et aide le pilote à avoir plus de confiance envers sa machine.
L’année dernière, les pilotes de l’équipe Ducati, Andrea Dovizioso et Danilo Petrucci, se sont souvent plaints du comportement de la moto en courbe. La première réponse des hauts dirigeants de Ducati a été assez explicite et peu délicate : ils devaient modifier leur style de pilotage.
La solution en 2021 a été sans équivoque : les pilotes d’usine, Jack Miller et Pecco Bagnaia ont un style de pilotage très particulier, en étant suspendus à l’intérieur de la moto, forçant la Ducati à tourner grâce à la puissance et au positionnement du poids du corps.
Il semble que la Ducati peut tourner, il suffit de lui donner un petit coup de main (ou de rein) supplémentaire
Vous pouvez voir ici à quelle point Pecco Bagnaia a sorti son corps de la moto, abaissant au maximum son épaule pour réduire autant que possible son propre centre de gravité. Le style de pilotage n’est plus seulement une façon de se sentir naturel au guidon à force d’apprentissage. Il est tout aussi important pour amener la moto à faire un bon chrono que d’être souple sur l’accélérateur ou d’avoir le meilleur réglage du châssis.
La stabilité de freinage de Ducati reste l’une de leurs plus grandes armes, en particulier avec Pecco Bagnaia ou encore Johann Zarco à son guidon. Avec leur moto ayant un empattement long, la Ducati est très stable sur les freins. Pecco Bagnaia notamment est très doué dans ce domaine, freinant plus tard que les autres, demandant plus de pression sur les freins que tout autre pilote Ducati.
Néanmoins, tout est une question d’équilibre, notamment concernant le moteur. Quelques chevaux en plus signifient une usure du pneu arrière accrue. Les ingénieurs de Borgo Panigale ont beaucoup travaillé, non seulement à augmenter la puissance, mais également à adapter la manière dont elle est délivrée à la roue.
Le travail du concepteur de tuyaux d’échappement est de créer une zone de couple moteur suffisamment large pour que le pilote, en utilisant la boîte de vitesses, puisse maintenir le moteur dans cette zone la plupart du temps. C’est là le but du nouvel échappement de la Ducati, plus linéaire que l’ancien : permettre aux pilotes d’avoir un couple plus élevé à mi-régime pour favoriser les sorties de virages et tout en gardant leur avantage de puissance sur les lignes droites.
Une autre arme secrète de Ducati est située juste au-dessus du té de fourche supérieur : ces 2 leviers permettent d’activer les Holeshot Device présents à l’avant et à l’arrière. Avec ceux-ci, la Ducati prend des départs canons, les plaçant souvent en tête de la course.
L’abaissement de l’arrière diminue en effet les wheelings, bien que cela puisse sembler contre-intuitif pour certains. C’est simple : en abaissant l’arrière, vous abaissez le centre de gravité, réduisant ainsi la tendance au wheeling. C’est semblable à ce qui est réalisé en motocross : abaisser le centre de gravité. Soulever l’arrière peut donner l’impression de poser la roue avant, mais bien sûr que non. En élevant l’arrière, vous augmentez le centre de gravité, d’autant plus que vous soulevez également le pilote. Moto plus haute, position de conduite plus élevée, plus de wheeling.
Abaisser l’avant de la moto a deux avantages, en plus d’être un système très simple à mettre en œuvre techniquement. Tout d’abord, cela modifie l’équilibre de la moto en mettant plus de poids sur la roue avant. En effet, le centre de gravité se déplace vers l’avant en comprimant la fourche. Deuxièmement, étant donné que la fourche n’est pas verticale, en abaissant celle-ci, la roue avant se déplace légèrement vers l’arrière, ce qui augmente le poids statique avant.
Avec tout cela, la Ducati GP21 a fait un bond en avant. Reste à savoir si un de ses pilotes pourra être sacré Champion du Monde cette année !
Photos : Dorna/MotoGP.com