De plus en plus de pilotes passent sur le billard sans pour autant avoir chuté, pour essayer de se débarrasser de cette cochonnerie de blessure lente, le syndrome des loges, « Arm pump » en anglais. Explications !
Au cours d’une saison, il est relativement courant de voir certains pilotes faire l’impasse sur une course à la suite d’une blessure liée à une chute. La guérison incroyablement rapide de ces pilotes est impressionnante : ils reviennent généralement en piste quelques semaines après une fracture – c’est vraiment étonnant.
De nombreux facteurs contribuent à cela, parmi lesquels les fonds disponibles pour les traiter, ce qui signifie qu’ils reçoivent les meilleurs soins disponibles, les actes médicaux réalisés suivent des protocoles stricts et très évolués pour assurer une chirurgie invasive minimale et une rééducation spécialisée. Le fait qu’ils suivent un régime alimentaire adapté et un entrainement physique constant signifie également que leur corps s’adapte et réagit efficacement face à une variété de dangers liés à la course.
Malgré cela, de nombreux pilotes souffrent d’une maladie appelée syndrome des loges : Dani Pedrosa, Casey Stoner, Stefan Bradl, Loris Baz, Cal Crutchlow (les deux bras), Pol Espargaro, Jorge Lorenzo ou encore Fabio Quartararo ont subi une (ou plusieurs) intervention chirurgicale pour réduire leurs douleurs aux bras. Revenons sur cette maladie dont souffrent de nombreux pilotes.
Qu’est-ce que le syndrome des loges ?
Le terme médical est le Syndrome du Compartiment d’Efforts Chronique (CECS) ou, dans les cas plus graves, le Syndrome du Compartiment Aigu (SCA). C’est la conséquence de l’élévation de la pression intra-tissulaire dans une ou plusieurs loges, c’est-à-dire dans les compartiments musculaires fermés par une membrane fibreuse inextensible appelée aponévrose qui sont présent dans la jambe, l’avant-bras ou la main. Cette pathologie douloureuse peut s’accompagner d’une diminution de la circulation sanguine qui augmente la souffrance des fibres musculaires et des nerfs.
C’est ce qu’on appelle une blessure due à une surutilisation par le membre soumis à utilisation spécifique de haut niveau, par opposition à une blessure causée par une collision ponctuelle.
Elle se caractérise par l’apparition d’une douleur intense dans les minutes qui suivent l’effort et se dissipe environ 20 minutes après l’arrêt de l’activité sans aucun effet à long terme sur le membre.
A quoi est-il dû ?
Au cours des dernières années, la pression sur les bras au moment des freinages est devenue beaucoup plus forte et ce pour plusieurs raisons : les pilotes doivent encaisser jusqu’à 1,6 G, et ce trente fois par tour, soit environ 600 fois par course, et autant par jour d’essai. En effet, avec des pneumatiques de plus en plus performants, les motos ont une adhérence impressionnante à l’accélération, mais aussi au freinage.
Le frein moteur est lui aussi devenu d’une puissance terrifiante, les nouvelles boîtes Seamless ajoutent encore à l’efficacité diabolique du freinage.
Et au bout du compte, qui prend tout pour « amortir » le choc ? La fourche ayant une efficacité limitée au niveau des bras, puisqu’elle est en butée, ce sont donc surtout les bras du pilote qui dérouillent.
Comment cela se passe-t-il ?
Le corps humain a une membrane non extensible enveloppant nos muscles appelée fascia. Exiger une demande sur le muscle augmente le flux sanguin : le muscle peut augmenter jusqu’à 20% de son volume et le fascia n’est pas élastique, il se resserre à l’intérieur, ce qui restreint le flux sanguin.
Cette constriction entraîne une douleur intense ainsi qu’un membre sous-performant et il peut également y avoir un engourdissement ou une faiblesse : tout le contraire de ce que souhaite rencontrer un pilote à très grande vitesse sur une moto.
Cependant, il n’est pas susceptible de causer des dommages permanents au membre.
Comment est-il diagnostiqué ?
Le nec plus ultra des tests pour diagnostiquer un syndrome des loges est le test de pression de compartiment, mais c’est l’option la plus invasive. Des aiguilles sont insérées dans la zone affectée connectée à un système de test de pression et le muscle est soumis à une stimulation pour tester la pression dans le compartiment.
Au cours des dernières années, certaines techniques non invasives se sont avérées très efficaces pour diagnostiquer avec précision le syndrome des loges chez les pilotes, y compris les IRM qui peuvent évaluer les volumes de liquide dans ces compartiments pendant l’exercice.
La spectroscopie proche infrarouge (NIRS) est une nouvelle technique qui mesure la quantité d’oxygène dans le sang, dans le tissu affecté. Cela aide à déterminer si le compartiment musculaire subi une diminution du flux sanguin.
Pour un pilote de MotoGP, moins il y a de temps loin de la piste, mieux c’est, donc l’option non invasive de la nouvelle technologie IRM est préférée.
Comment est-il traité ?
La seule véritable option est la chirurgie appelée fasciotomie : Une fente est faite dans la membrane du fascia pour soulager la pression. Pour les plus téméraires, Cal Crutchlow avait publié des photos de son opération…
Pour une personne lambda, la récupération est d’environ 6 semaines, mais pour les pilotes de MotoGP, cela prend à peine 2 semaines avant qu’ils ne soient de retour sur la piste. Cela est en partie dû à la procédure effectuée lors de l’intervention pour réduire le temps de récupération.
Ce fut le cas pour Fabio Quartararo qui a été opéré d’un syndrome des loges le 4 juin 2019 à Barcelone, il était de retour pour le GP d’Espagne le 16 juin, ce qui n’est qu’une récupération de deux semaines. Même s’il n’avait pas encore atteint le point de non-retour, son équipe a estimé qu’il valait mieux y faire face le plus tôt possible.
Étant donné que le principal symptôme du syndrome des loges est un début soudain de douleur intense qui augmente dans les premières minutes de l’activité, il est possible que cela ait contribué à ses problèmes plus tôt dans la saison.
Bien sûr, comme toute opération chirurgicale de ce genre, il n’y a aucune garantie que l’intervention fonctionnera à 100%. Ceci est problématique car l’opération peut être amenée à être répétée, mais des problèmes tels que le tissu cicatriciel peuvent compliquer les choses.
Les traitements tels que le soulagement de la douleur, la modification des séances d’entrainement et le repos du membre ne sont pas des traitements à long terme et ne sont pas bons pour un pilote de MotoGP pour des raisons évidentes, car même la moindre perte de capacité musculaire peut être catastrophique sur un tour chrono.
Les pilotes présentant des signes de cette maladie sont immédiatement envoyés pour les tests requis et si nécessaire, la chirurgie. Ils ont tendance à ne pas attendre que cela les pénalise sur trop de courses.