Continuons notre tour d’horizon des grandes épopées françaises
en Grand Prix moto. Aujourd’hui, les exploits Motobécane en 125cc
sont mis à l’honneur. Une fabuleuse histoire que vous pourrez
retrouver sous le soleil varois du Paul Ricard à l’occasion de la
Sunday Ride Classic les 11 et 12
juin.
Si « Motobécane » vous dit quelque chose, sans même penser aux
courses, rien d’anormal. L’entreprise fut fondée en 1924 à Pantin
et produisit des machines en quantité sous l’appellation
Motoconfort dans les décennies suivantes. Grâce à la motivation de
certaines personnes en interne, la firme accepta bientôt de joindre
le mondial au milieu des années 1970. Tout débute avec Charles
Marandet, ancien mécanicien de course. Fondateur de RAI, Il met
équipe ses cadres de moteurs Motobécane. Éric Offenstadt,
parallèlement, est également appelé pour mettre au point une
version de course en 1974. « Pépé », le cerveau bouillonnant,
développe une pléthore d’idées différentes, sur la base du
bicylindre refroidi par air de série, si bien que les ingénieurs
ont parfois du mal à suivre. Toutefois, le refroidissement liquide
sera rapidement adopté.
Afin de promouvoir la série de route LT, Motobécane prépare donc en
1975 un engagement futur en Grand Prix 125cc. Pour mettre un peu
d’ordre et attribuer à quelqu’un le département moteurs, la maison
pantinoise recrute Jean Bidalot en1976, futur architecte des
Pernod. Ce dernier n’était pas encore le sorcier légendaire
respectueusement surnommé « Bidalot San » par les ingénieurs
japonais, mais possédait une modeste expérience en petites
cylindrées. Les pilotes Thierry Espié et Michel Baloche
accompagneront Bidalot pendant de nombreuses années.
Jean est contraint de reprendre le service course, mais également de revoir les précédents travaux sur cette 125cc, pas si bien née. Dans des ateliers exigus et sans grands moyens, la petite équipe compose avec ce dont elle dispose. À la suite d’essais et un engagement au Grand Prix d’Autriche 1977 (avant-dernière et dernière place), Jean Bidalot refaçonne le projet.
Plus tard, Jean, en rentrant d’une séance d’essai plutôt
convaincante, apprend la nouvelle : tout est est stoppé. Que faire
? Tout lâcher et travailler au bureau d’études pour la série ?
L’ambition de l’ingénieur est plus grande que cela. Bidalot demande
à prendre les machines avec lui ; requête accepté. Cependant, la
décision du siège n’était pas du goût de tout le monde. Christian
Jaulmes (fils du directeur du bureau d’études), propose de mettre
un certain nombre de moyens à disposition de Bidalot. Entre autres,
un technicien banc d’essai, un dessinateur ainsi que des
locaux.
Toujours engagée sous le nom « Motobécane » bien que la
marque n’ait plus grand-chose à voir avec le programme, le génie de
Jean Bidalot transforme ce bourbier en or. Encore à l’heure
actuelle, il s’agit sans doute de la meilleure épopée française en
Grand Prix.
De fil en aiguilles, la 125cc s’améliore et se hisse même au niveau
des meilleures. En 1979, avec un nouveau moteur à 6 transferts et
une boîte séparée en magnésium, le déterminé Guy Bertin décroche
une victoire devant son public, au Mans, pour la dernière course du
championnat du monde. C’est la consécration. Sponsorisé par Ricard
puis Pernod, l’histoire est en marche. 1980 promet d’être
grandiose.
Bertin porte haut les espoirs de Bidalot. Le rival, Pier Paolo
Bianchi sur MBA, est déjà double champion du monde de la
discipline. Pour Guy, peu importe. Le français n’hésite pas à jouer
des coudes, quitte à chuter par excès d’engagement. Nieto, sur
Minarelli, est également un dangereux concurrent.
Malheureusement, un nombre conséquent d’abandons empêcheront le
grand Bertin de devenir le premier champion du monde français en
Grand Prix. S’il bat la légende espagnole, Bianchi, plus
calculateur, remporte le championnat à l’expérience. Une place de
vice-champion du monde avec trois victoires est loin d’être un
mauvais résultat. Cependant, le principal intéressé en garde un
souvenir quelque peu amer, rappelant le manque de fiabilité
vis-à-vis de la MBA.
En raison de problèmes relationnels et du programme Pernod,
chronophage, Bidalot était moins présent en 1980. Motobécane
poursuivit en 1981 mais avec un châssis différent et Jacques Bolle
au guidon, sans trophées.
Ces quelques années jonchées de succès feront entrer Jean Bidalot
au panthéon des sports mécaniques français, et auront permis à Guy
Bertin de s’exprimer au plus haut niveau.
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