Si chaque fabricant de motos possède ses propres gènes, il ne fait aucun doute que, chez Honda, le moteur fait partie de l’ADN du constructeur japonais.
Tout au long de son histoire, ce dernier a toujours privilégié la puissance et la sophistication, quitte parfois à laisser les pilotes se débrouiller avec un « tréteau »…
Mais pour les amateurs de belles mécaniques, Honda représente un peu le rêve, c’est encore le cas aujourd’hui avec le sommet de gamme grand public proposée par la firme de Tokyo.
Après avoir décliné une version Street Legal de sa MotoGP RC213V, la véritable pièce d’orfèvrerie RC213V-S destinée à 200 heureux et riches propriétaires, Honda s’est mis en tête de proposer encore plus puissant (et beaucoup moins cher) pour le grand public, la nouvelle CBR1000RR-R.
En gros, le challenge était clair : reprendre le plus possible de la technologie apprise en construisant la RC213V-S V4 pour l’adapter au quatre cylindres en ligne de la CBR 1000RR-R, tout en développant un peu plus de puissance et en conservant la fiabilité d’une moto grand public vendue en concession.
Avec 218 chevaux à 14 500 tr/min contre 159 ou 214 suivant les versions de la RC 213V-S, le pari est gagné, au prix de bien des efforts dont nous allons décortiquer certains.
Honda a donc pris le moteur de la RC213V-S comme modèle. Celui-ci est directement dérivé du MotoGP, avec comme principale modification l’abandon du rappel pneumatique des soupapes au profit de classiques ressorts. Son alésage est donc de 81 mm, un chiffre directement issu du règlement MotoGP et 5 mm plus grand que sur le modèle précédant.
Pour ceux qui ne l’ont pas encore vue, délectez-vous de cette vidéo…
On retrouve donc cet alésage sur la CBR1000RR-R, ainsi que l’angle de 19° formé par les soupapes d’admission (2 mm plus grandes) et d’échappement dans le but d’augmenter le rendement thermique en rendant la chambre de combustion plus compacte.
Les conduits d’admission centraux, comme sur les dernières versions de la RC213V, expliquent par exemple le déplacement de la position de la clé de contact.
« Pour l’adoption des conduits centraux, nous visions à améliorer l’efficacité de l’admission en lui donnant la même taille que la RC213V. En conséquence, le cadre a également été refait et la position de la clé de contact conventionnelle interférait avec cet énorme conduit, et il a donc été nécessaire de déplacer la clé sur le côté gauch0e. »
Ces propos sont de Yuzuru Ishikawa, le responsable du développement, et sont complétés par ceux de Kensuke Mori (en charge de la conception du moteur) et de Toshiaki Deguchi (en charge de la recherche moteur) qui a travaillé sur les MotoGP 2009 à 2012 de la HRC…
« Comme il y a un gros alésage et une course courte, le poids des soupapes augmente et la vitesse de rotation maximale augmente également, et il était donc nécessaire de réduire le poids du piston le plus possible. Le piston est fait d’un matériau à haute résistance qui était traditionnellement utilisé uniquement pour la RC213V-S : la calotte est amincie tout en augmentant la résistance, et la longueur de la jupe est également raccourcie à la limite. »
Honda donc travaillé avec un double objectif de puissance et de fiabilité, ce qui explique l’utilisation de procédés habituellement réservés à la compétition : par exemple l’arbre à cames et les linguets reçoivent un traitement DLC (Diamond-Like Carbon) procurant un coefficient de frottement inférieur de 35% et accessoirement une excellente résistance à la corrosion, les paliers de pied de bielle sont usinés en bronze/béryllium et les passages d’huile (à géométrie variable pour le refroidissement des pistons) sont omniprésents dans les carters et autour du vilebrequin, tout comme les circuits d’eau ont été uniformisés pour entraîner le moins de distorsions possible au niveau des cylindres, et donc le moins de frottements possible. La chaîne de distribution est raccourcie en n’étant plus entraînée directement par le vilebrequin pour être plus légère, les bielles sont en titane, les gorges d’axe de piston sont revêtues de nickel-phosphore, etc., etc., etc., la liste est longue…
Bien qu’ayant augmenté l’alésage du moteur, Honda également travaillé sur la compacité longitudinale de celui-ci, en modifiant le rapport de réduction primaire et en réduisant la distance entre les arbres de boîte. En fixant dorénavant l’amortisseur directement sur le carter du moteur via un support et en rallongeant le bras oscillant, la CBR1000RR-R retrouve quasiment exactement la même géométrie qu’une MotoGP, avec un empattement de 1455 mm.
On pourrait continuer longtemps (et on le fera peut-être), mais on voit d’ores et déjà que l’on a affaire à une moto très, très, très sophistiquée, sans même parler des couches électronique ou aérodynamique.
Régulièrement, les constructeurs japonais ont produit des motos de série qui sont de véritables vitrines de leur savoir-faire technologique. Certaines étaient inabordables pour le commun des mortels (750NR et RC213V-S chez Honda), d’autre non (Yamaha RDLC500 et Suzuki RG500 Gamma par exemple).
Par les temps qui courent, il est d’autant plus agréable de saluer une nouvelle venue dans cette dernière catégorie !