Les prototypes MotoGP sont tous équipés d’une boite de vitesses « Seamless », qui permet un changement de vitesses fluide, sans même une interruption momentanée du couple appliqué. Tout comme le contrôle de traction, l’antiwheeling, mais aussi les winglets, il semble que cette technologie de boite de vitesses migre de la course à la route, dans un futur proche. C’est tout du moins ce qu’un brevet de chez Ducati nous laisse à penser.
Cependant, cette transition de la technologie de course vers la production en série nécessite quelques précautions. Premièrement, chaque constructeur engagé en MotoGP a de nombreux secrets qu’il ne souhaite pas divulguer à ses plus proches concurrents. Deuxièmement, les boîtes de vitesses de course sont terriblement chères. Mais il semble que pour Ducati, ces problèmes soient en partie résolus et nous pourrions bientôt voir les premières motos de série offrir une véritable expérience de changement de vitesse similaire à celle de la MotoGP.
Au cours des dernières années, Ducati, plus que toute autre marque, a travaillé pour adapter ses technologies provenant de ses prototypes MotoGP à la route. Ils étaient les premiers à proposer des ailerons sur leurs machines de course, ont également été avant-gardistes concernant l’appui aérodynamique avec la Panigale V4R et, depuis l’année dernière, les Panigale V4 et Streetfighter V4. Le moteur V4 lui-même est plus étroitement lié à une moto de course qu’à toutes les offres de ses rivaux, avec un vilebrequin contrarotatif et une multitude d’autres similitudes avec les machines d’usine.
Récemment, la société basée à Bologne a déposé une demande de brevet qui donne un aperçu de la technologie sur laquelle elle travaille pour proposer des boites de vitesses Seamless à la production de grande série.
Seamless ou DCT ?
La transmission en question présente plus qu’une similitude passagère avec la boite de vitesses à double embrayage DCT de Honda, proposée en série depuis 2009 sur des modèles tels que le VFR1200, l’Africa Twin ou encore la NC750.
La transmission développée par Honda est plus axée sur le confort et serait non conforme en MotoGP, où le règlement interdit catégoriquement les boîtes de vitesses à double embrayage, mais elle offre un changement de vitesse proche d’une boite Seamless, en combinant efficacement deux boîtes de vitesses en une.
L’arbre d’entrée de transmission est divisé en deux moitiés : l’un avec les engrenages des rapports impairs (1, 3 et 5) et l’autre avec les rapports pairs (2, 4 et 6). Avec un embrayage séparé pour chaque moitié de l’arbre d’entrée, deux vitesses peuvent être engagées en même temps, et en jonglant avec le fonctionnement des embrayages contrôlés par un calculateur, la boîte DCT peut effectuer des changements de rapports sans interruption de couple.
Le système de Ducati est proche de celui de Honda, en utilisant un arbre d’entrée en deux pièces, mais gère des changements de vitesse sans heurts avec un seul embrayage – c’est pourquoi c’est utilisé en MotoGP – et sans avoir besoin d’aucune électronique ou hydraulique. Il est purement mécanique, fonctionne comme une boîte de vitesses normale, mais avec la possibilité d’effectuer des changements de vitesse montants et descendants sans aucune interruption de la transmission du couple.
Mais comment ça marche ?
Au lieu de prendre l’entraînement du moteur directement à l’arbre d’entrée, comme sur une moto normale, l’embrayage se connecte à un « moyeu d’entrée » qui se trouve sur l’extrémité droite de l’arbre d’entrée. Il transmet le couple à l’une des deux moitiés de l’arbre via deux roulements verrouillables.
L’arbre primaire et les pignons forment globalement une seule pièce, tournant à la même vitesse à tout moment, et comporte les rapports impairs. Sur l’arbre secondaire, tous les pignons, pairs, tournent librement, mais à l’intérieur de chaque pignon se trouve un ensemble de quatre anneaux à crabots qui permettent de verrouiller le pignon sur l’arbre pour transmettre la puissance. Ceux-ci sont déplacés sur des axes qui se prolongent vers l’extérieur du centre de l’arbre grâce à un ensemble de ressorts internes. Les crabots ne transmettent le couple que dans un seul sens de rotation. Ainsi, deux des crabots se verrouillent pour le rapport supérieur (accélération), tandis que deux autres se verrouillent pour le rapport inférieur (décélération).
L’image ci-dessous montre la boîte de vitesses d’avantage démontée, avec les deux arbres d’entrée séparés afin que vous puissiez voir comment la partie portant des engrenages impairs passe à l’intérieur de celle avec des engrenages pairs.
C’est un système purement mécanique qui n’ajoute même pas un grand nombre de composants par rapport à une transmission conventionnelle et par conséquent – comme le dit le propre document de brevet de Ducati « il est possible de réaliser un mécanisme de boîte de vitesses Seamless intégré dans une boîte de vitesses traditionnelle, adapté à la fois pour la production en série et la compétition. »
L’image ci-dessus montre la transmission avec les cinquième et sixième vitesses brièvement engagées en même temps
A quoi ça sert ?
Avez-vous vraiment besoin d’une transmission Seamless pour le trajet domicile travail ou la balade du dimanche ? La réponse est évidente : non. Pas plus que vous n’avez besoin d’ailerons aérodynamiques ou d’un moteur de 200 ch. Cependant, pour une utilisation sur piste, une boîte Seamless a tout son sens, et on rappellera que les motos utilisées en Championnat du Monde Superbike sont dérivées des modèles de série. Il y a fort à parier que Ducati souhaite adapter cette évolution technique à sa Panigale V4R, afin d’être autorisé à l’utiliser en course.
Bien que l’existence d’un brevet à elle seule soit loin d’être une preuve concrète que toute conception atteindra la production, il est intéressant de voir que Ducati a utilisé des photographies d’une transmission réelle dans son document plutôt que de simples dessins. C’est clairement quelque chose que Ducati a développé au moins au stade d’avoir un prototype fonctionnel, et il a été décidé que ce concept fonctionnait suffisamment bien pour valoir la peine d’être brevetée.
Photos : Ducati et brevet disponible sur Espacenet