La Championne du Monde Supersport 300 2018 n’en finit plus de faire parler d’elle depuis son sacre historique le 30 septembre dernier. Cette fois, c’est le très réputé journal britannique The Guardian qui est allée la rencontrer pour dresser un portrait très complet d’elle. Nous vous proposons ici la traduction des meilleurs passages de l’interview que vous pouvez retrouver en anglais ici.
Ana Carrasco est définitivement une femme qui prend son destin en main. A la fois première femme Championne du Monde de l’histoire et étudiante en deuxième année de droit, elle mène de front une carrière exemplaire et des études, ce qui est assez rare dans le milieu. Mais si aujourd’hui tout lui sourit, cela n’a pas toujours été ainsi, comme elle l’a raconté à The Guardian : « Ma toute première année en Moto3 en 2013 a vraiment été difficile. Les pilotes n’étaient pas prêts à avoir une femme à leurs côtés sur la grille. Ils ne voulaient pas m’aider et cela a été très dur. Mais vers la fin de la saison j’ai marqué mes premiers points et ils ont vu que je pouvais être rapide. Ils ne m’ont jamais rien dit de rabaissant, mais pour autant ils ne me prêtaient pas d’attention, je devais tout faire toute seule. Avec une nouvelle moto et de nouveaux circuits, c’était dur. Normalement, un jeune pilote en trouve un plus âgé qui le laisse le suivre pour trouver les trajectoires. J’ai dû apprendre à être rapide seule. »
Même si son expérience en Moto3 est compliquée, elle montre déjà sa force de caractère lors du Grand Prix d’Assen 2014 en s’affichant en grille non pas avec une umbrella girl, comme le veut l’usage, mais avec un « umbrella boy », un jeune homme torse nu : « Mon équipe voulait faire quelque chose d’original pour son Grand Prix à domicile. J’ai alors proposé d’avoir un « grid guy ». Durant une course, nous avons donc montré que les femmes ne doivent pas seulement être des grid girls, elles peuvent également rouler. »
© Photo de The Guardian.
Après ces années difficiles, elle décide de rebondir en Championnat du Monde Supersport 300 en 2017 et se révèle lors de la manche du Portugal où elle s’impose pour la première fois de sa carrière. Elle devient alors la première femme à remporter une course de Mondial de vitesse : « Nous nous battions sans cesse pour la victoire et j’ai pris la tête de la course à vingt mètres de la lignée d’arrivée. Ce jour et ceux qui ont suivi ont été les plus importants de ma vie car ils ont changé ma carrière. J’ai prouvé aux gens que j’étais suffisamment forte pour gagner. J’ai eu plus d’opportunités et suis allée dans une meilleure équipe. Avant cela, j’ai bien évidemment douté car cela pose problème d’être une femme dans ce sport. En fait, les gens ne me pensaient pas capable de gagner. J’avais beau leur répéter, ils ne parvenaient pas à me croire. Après ma première victoire, beaucoup de gens ont changé d’avis. »
Bien évidemment, l’apogée de sa carrière est arrivée le 30 septembre dernier, lorsqu’elle est devenue la première femme de l’histoire à remporter un titre de Championne du Monde : « Le plus important pour moi est d’avoir gagné comme une grande pilote. C’était mon objectif et mon rêve. Je suis aussi une femme et il était donc important de montrer qu’une femme peut être aussi forte qu’un homme. C’était un grand moment pour moi et pour les femmes dans le sport. Il pourra désormais il y avoir plus de femmes dans les championnats dans les prochaines années. »
Pour ce qui est de l’avenir, la jeune femme de 21 ans garde la tête sur les épaules : « Mon objectif est bien évidemment d’aller en MotoGP, j’en aurai désormais l’opportunité, ce qui n’était pas le cas avant. Mais pour le moment je préfère rester dans les championnats Superbike. Il faut rester calme concernant l’avenir et ne pas se précipiter. Je suis très jeune donc je souhaite pour l’instant rester ici et me battre de nouveaux aux avant-postes. Peut-être que d’ici cinq ans je passerai en World Superbike ou en MotoGP. La moto y est plus puissante et il me faudra travailler physiquement, mais avec un entraîneur vous pouvez vous préparer à devenir plus fort. »
Enfin, son sourire s’élargit lorsqu’on lui demande si elle a senti un changement de comportement dans le paddock. La réponse est forcément positive : « Depuis que j’ai remporté le titre, les autres pilotes me respectent encore plus. Pas parce que je suis une femme, mais parce qu’on respecte toujours le Champion du Monde. »