Pas de repos pour Valentin Debise; après Road America et Barber, il a enchaîné son troisième week-end de courses consécutif sur le circuit de Miller pour une nouvelle manche du championnat MotoAmerica.
Vous pourrez retrouver les épisodes précédents ici: 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6 – 7 – 8
Je pense que vous vous souvenez tous de ce circuit. le Mondial Superbike y faisait étape il y a quelques années. La spécificité de ce circuit est qu’il se situe en altitude, environ 1500m.
C’est le premier circuit où j’ai pu me rendre en voiture, 12 heures de route. C’était sympa de voir un peu le pays. Le cadre est magnifique autour des montagnes où il y avait encore un tout petit peu de neige. La météo y est très sèche et chaude. A cause de l’altitude et son air moins dense, les motos marchent moins bien que d’habitude. C’est une sensation étrange auquel il faut s’habituer, c’est comme si je conduisais une nouvelle moto. Le pilote souffre également un peu plus que d’habitude, la respiration y est primordiale lors des courses pour limiter la fatigue.
J’ai eu la chance de pouvoir faire quelques tours de voiture sur le circuit la veille des essais. Rickdiculous qui est une école de pilotage réputé aux états unis était présente pour un stage. Une partie de leur formation consiste à conduire une voiture sur la piste pour assimiler les trajectoires. Rickdiculous sponsorise mon team, et mon coach Ken HILL travaille avec eux. Tout s’est bien ficelé ! Merci à eux pour leurs aides. Dès les premiers tours j’ai vite compris le fonctionnement de la piste mais arrivé à un certain point je n’arrivais plus à augmenter ma vitesse, et mon problème a persisté lors de la deuxième séance libre. J’étais assez inquiet le soir. C’est toujours difficile pour moi de comprendre d’où vient le problème quand j’apprends une piste. Je voyais bien que les trajectoires que je prenais ne correspondaient pas à ce que je voulais faire mais quand je respectais les lignes que je pensais bonne mon chrono était plus lent. Un vrai casse-tête ! On a passé du temps à décrypter les données télémétriques de ma moto, pour en venir à changer notre stratégie de frein moteur et modifier la longueur du bras oscillant.
Jour de qualification et première course l’après-midi. Ça va très vite. Je n’ai pas droit à l’erreur ce matin, il faut absolument que je rectifie le tir. J’étais tendu avant de monter sur la moto mais j’avais mon plan en tête au cas où les modifications apportées sur la moto ne me conviendraient pas. Dès le début de la séance je me sens plus à l’aise, la moto me permet de faire ce que je veux. Elle est plus libre que la veille. Je prends cette séance comme une séance d’essais libres. Je m’amuse avec la moto, je tente de nouvelle chose sur la piste. J’essaye mes trajectoires « dépassement » pour préparer la course. A la fin de la séance je mets un pneu arrière neuf. Je suis en confiance, je repousse mes limites et fini la séance en troisième position. Première ligne inespérée la veille, incroyable !
Je prends un départ moyen, ce qui est pénalisant sur ce circuit parce que la grille de départ est extrêmement loin du premier virage. On a le temps de passer la 6ème avant d’arriver au freinage, ce qui n’est pas habituel. On se retrouve en bagarre à quatre pilotes. Le leader effectue trois tours de malade et s’échappe, impossible de le suivre. La course se passe tranquillement, je reste collé au deuxième. Dans le dernier tour j’avais le choix de le passer dans l’avant dernier gauche ou dans le secteur 2 virage numéro 5. Un gauche à l’entrée fermé qui s’élargit à ne plus en finir à l’accélération. Je vois qu’on rattrape des retardataires, je prends l’option de le doubler au N°5 parce qu’il faut toujours être devant quand on les double. Normalement il freine puis se décale sur la droite pour ouvrir son virage. Cette fois, il a choisi de me fermer la porte. J’ai été surpris, j’avais déjà porté mon attaque. Je me décale sur la gauche sans avoir le choix. Ce qui me fait prendre un peu d’angle donc moins de pression sur le frein avant. J’utilise mon frein arrière pour compenser le manque de frein avant. J’arrive quand même à me ralentir comme je le souhaite. Je garde un peu de frein avant au moment où je déclenche la moto en essayant d’être le plus doux possible. Mais rien n’y fait l’avant me lâche. Je me vois glisser par terre, dès que je sens que je vais arrêter de frotter le sol je me relève, cours vers ma moto. Je la relève toute tordue. Bulle, carénage, frein repose-pied cassé, etc… Je franchis la ligne d’arrivée tant bien que mal en 6ème position. J’assume l’entière responsabilité, c’est ma faute, point. Si c’était à refaire je le referais. Je ne pouvais pas rester derrière sans essayer quoi que ce soit. Pour l’anecdote j’ai perdu 26 secondes ce tour là.
Deuxième course. Je suis déterminé à rectifier mon erreur d’hier. La seule solution qui s’offre à moi est d’attaquer encore plus fort. Je prends un départ correct, je me retrouve côte à côte avec un autre pilote. Tous les deux nous voulons prendre l’aspiration du concurrent devant nous. Je m’impose, premier contact. Le premier tour se fait sous tension. Je suis troisième, le pilote que j’ai touché avant essaye de contre attaquer. Je résiste, je double le deuxième. Le premier fait une grosse raquette devant moi. Ça me fait ralentir, j’essaye de me faufiler. Mais le troisième arrive lancé et s’impose devant moi. Au prochain freinage il élargit, je le passe. Il reste collé à moi, je ne le vois pas. J’accélère normalement en relevant la moto, et là… gros contact. On manque de tomber. Je remets gaz le plus tôt possible et j’arrive à conserver ma deuxième position. On passe le premier tour. Enfin ! Les prochains tours seront un peu plus « smooth ». Quelques dépassements, une chute d’un adversaire qui était au dessus de ses pompes. On remonte sur des retardataires à quatre tours de la fin. On est plus que trois à se bagarrer pour la deuxième position, le premier nous a mis 2 secondes. On double un attardé, mon concurrent le passe sur la droite, moi sur la gauche. Il décide de changer de trajectoire, on se percute. Et de trois ! Je pense à respirer le plus profondément possible pour rester calme et garder le contact avec le deuxième. Le rythme est extrêmement élevé. On tourne dans les meilleurs temps du circuit toute la course. Je vois les autres retardataires arriver, je pousse un peu plus pour passer deuxième et être devant lors des dépassements d’attardés. Je fais une erreur, perds quelques mètres. Heureusement j’arrive à revenir en deux tours, mon rythme est bon. On rentre dans le dernier tour, cette fois je décide de passer à l’attaque dans l’avant dernier gauche du circuit. Je reste collé à sa selle. Un retardataire se pousse pour le laisser passer, et se remet sur la trajectoire quand j’arrive. Je n’avais pas anticipé cette probabilité. J’arrive lancé, et je le percute violemment. Je ne peux pas vous dire comment je suis resté sur ma moto, je n’en ai aucune idée. Je remets à fond dès que possible, je ne sens plus mon pied gauche qui à taper fort. Je rentre dans le virage suivant, la moto glisse. J’ai l’impression que le pneu arrière est crevé. Je regarde sur le côté de ma moto. Elle fuit de l’eau. Je fini mon tour comme je peux, en manquant de tomber à chaque virage. Je sauve ma troisième position. Je n’ai pas besoin de vous décrire mon soulagement une fois la ligne d’arrivée franchie !
Je suis satisfait. Mon rythme était bien plus élevé lors de la deuxième course. Chaque sortie sur ma moto je me sens bien et on progresse. Le niveau est très relevé, tout le monde a envie de gagner. Ça rend la compétition plus dure et plus intense, tant mieux pour nous et pour vous si vous regardez les courses à la télé !
Même si j’aimerais gagner, il faut garder à l’esprit que j’apprends tous les circuits sans exception. Je suis monté huit fois sur le podium, j’ai gagné une course. Je suis troisième au championnat devant des gars qui ne sont pas là pour rigoler. Je ne pouvais pas rêver mieux. J’ai une semaine de repos, puis on va aller sur le circuit de Laguna Seca en même temps que le mondial Superbike ! J’ai hâte d’y être.
Valentin