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Nous sommes déjà revenus en longueur sur les mythes oubliés, ensevelis sous la dense histoire des Grands Prix motos. D’ailleurs, nous avions statué que Kent Andersson était peut-être le pilote le plus sous-coté de tous les temps. Mais aujourd’hui, penchons-nous sur un monstre qui pourrait faire pâlir le Suédois, et pourtant, totalement oublié de nos jours : Tarquinio Provini.

Au début des années 1950, il n’est pas rare de voir concourir des vétérans, qui ont parfois fait leurs armes bien avant la Seconde Guerre mondiale. La large majorité approche de la quarantaine, et on parle peu de jeunes loups talentueux comme aujourd’hui. Provini est l’exception qui confirme la règle. Né en 1933 en Émilie-Romagne, il s’intéresse très jeune à la compétition moto. Son père, mécanicien reconnu et propriétaire d’un garage, n’y est pas pour rien.

À seulement 16 ans, il débute dans une petite compétition, et contre toute attente, s’impose. Problème : Il est trop jeune et les organisateurs le disqualifient. Pour éviter la sanction, il emprunte la licence de son oncle Cesare et continue de se présenter aux départs, mais la supercherie ne dure qu’un temps. Tarquinio est de nouveau démasqué et disqualifié, mais il n’abandonne pas son rêve. Dès lors, sa détermination sans faille lui vaut le surnom de « taureau de Bologne ».

 

Provini après sa victoire au TT d’Assen en 1957. Photo : ANEFO


Malgré tout, il arrive parfois à se faufiler entre les mailles du filet, jusqu’à ce qu’il soit accepté. Ce n’est plus un secret pour personne, il n’est autre que le talent prometteur n°1 du pays. Il domine tellement qu’il est repéré par FB Mondial, firme importante à l’époque. Dès lors, à peine après avoir soufflé ses 20 bougies, le voilà déjà pilote officiel avec un engagement en mondial 125cc au programme.

Il écrase la classe 125cc junior en Italie, et remporte sa première course en championnat du monde à la fin de l’année. Les équipes FB Mondial comprennent qu’ils disposent d’un diamant brut. En 1955, ils l’engagent en catégorie 125cc et 175cc au niveau national (il remporte la première de ces classes pour la seconde année consécutive) ainsi qu’en mondial, mais pas assez à son goût. Tarquinio veut tout faire, tout gagner. Le comte Boselli, propriétaire de l’entreprise FB Mondial, souhaite d’abord se concentrer sur le championnat italien, très disputé et d’une plus grande importance pour la publicité.

Qu’à cela ne tienne : Provini marche sur l’Italie dans les petites catégories. En 1957, à seulement 24 ans, il est enfin prêt à jouer un titre de champion du monde. En 250cc, il fait face à Cecil Sandford équipé des mêmes machines que lui. Si sa vitesse n’est pas ridicule (deux victoires) mais quatre abandons ont raison de ses chances. En 125cc, ce n’est pas la même limonade. Il se joue de la concurrence, remporte trois victoires en six courses, dont le prestigieux TT de l’île de Man. Pour son premier sacre, il bat les légendaires Luigi Taveri et Carlo Ubbiali, deux MotoGP Legends. Mais en fin d’année, le ciel s’assombrit.

Les constructeurs italiens, à l’exception de MV Agusta et de quelques autres, ne supportent pas la hausse des coûts au plus haut niveau. Comme beaucoup d’autres de ses compatriotes, Tarquinio apprend dans la presse que FB Mondial se retire, ainsi que Gilera et Moto Guzzi. Le « pacte » de 1957 est assurément le premier grand chamboulement connu par le championnat depuis sa création en 1949.

Bien sûr, un talent comme Provini ne peut rester sans guidon. Ainsi, il est repêché par MV Agusta, rien que ça. Aux côtés de Carlo Ubbiali dans les petites catégories, le duo marche mais le courant ne passe pas. La presse se délecte de la rivalité, et certains supporters italiens en viennent même aux mains sur les circuits ! Ubbiali est peut-être l’un des meilleurs de tous les temps, mais Provini n’est pas ridicule face à lui. Après une campagne quasi-parfaite, il triomphe de nouveau lors de la saison 1958, catégorie 250cc. Il faut dire que les MV dominent, mais avec « la Volpe » comme coéquipier, impossible de dormir tranquille. Malheureusement pour lui, Ubbiali a le dernier mot en 1959 ; le « taureau de Bologne » est double vice-champion du monde.

La situation est intenable chez MV Agusta. Dès lors, Provini répond à l’appel de Moto Morini, petit constructeur de Bologne. Les motos sont prometteuses, mais l’ambition de l’entreprise n’est pas à la hauteur de celle de Tarquinio. Lui rêve de championnat du monde, tandis que Morini privilégie l’Italie. D’autant plus que les japonais commencent à envahir les grilles. Il faut répondre avant qu’il ne soit trop tard. Ce n’est qu’en 1963 que la firme décide de revenir à plein temps en mondial, catégorie 250cc pour Provini. Les principaux adversaires roulent en Honda ou Yamaha et tous les espoirs de l’Italie reposent sur ses épaules.

 

Une FB Mondial 125 Gran Sport MSDS dérivée de la série. Photo : El Caganer


Sa saison débute de la meilleure des manières avec deux victoires consécutives. Mais Morini refuse de s’inscrire au Tourist Trophy, jugé trop coûteux et dangereux. Dommage, car Provini s’y était déjà imposé à quatre reprises en carrière. Deux autres victoires tardives dans la saison ne peuvent contenir le retour du mythique Jim Redman sur Honda. Une otite au Japon, pour la dernière manche, le prive définitivement de titre.

Passé chez Benelli en 1964 (ainsi que chez Kreidler pour une saison en 50cc), il n’est plus le même à passé 30 ans. Il gagne encore deux courses sur les années suivantes, dont une belle victoire au Grand Prix des nations 1965, chez lui. Lors du Tourist Trophy 1966, il se blesse gravement et décide ainsi de stopper sa carrière déjà bien fournie.

Au total, Provini pèse deux titres mondiaux, 20 victoires pour quatre constructeurs différents en seulement 50 courses disputées, en plus de 12 championnats italiens, bien entendu. Provini s’est éteint en 2005, âgé de 72 ans. Son héritage est important, et nul doute qu’il a grandement contribué à l’éclosion du championnat que nous aimons tous aujourd’hui.

Connaissiez-vous cette légende oubliée ? Dites-le nous en commentaires !

Photo de couverture : Provini à Assen en 1959. Photo : ANEFO

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