C’est fini : Suzuki quitte le monde des Grands
Prix. Voici l’occasion de revenir sur les grandes dates du
projet depuis le retour de la firme d’Hamamatsu en 2015. Au cours
de ses huit années d’exploitation, la GSX-RR a connu de nombreux
succès, des grands moments, suspendus dans le temps. Pour
débuter cette rétrospective, revenons en 2015, sur le circuit de
Catalunya.
Le début des années 2010 fut décisif pour le
MotoGP. En effet, les 800cc, introduites en 2007, ne
convenaient à personne. Développer un tel moteur avec son
électronique coûte alors extrêmement cher. Désormais, seules les
écuries officielles arrivent à glaner des victoires. Honda et
Yamaha dominent, tandis que Ducati puis Suzuki peinent à suivre. À
partir de 2010, Suzuki, constructeur historique, doit ralentir. En
2011, ils n’alignent plus qu’une seule machine donnée à
Álvaro Bautista, avant de se retirer.
Bien que la GSV-R n’ait jamais été si compétitive, le vide laissé
par le départ de la marque japonaise fait mal. DORNA devait
réagir. L’année 2011, dominée par Casey
Stoner sur Honda, était relativement pauvre en spectacle.
Seulement 17 pilotes évoluaient à temps complet, et les écarts
entre équipes d’usine et privées était démesurés.
Dans le but d’augmenter la compétitivité en catégorie reine, les
800cc furent supprimés, bientôt remplacés par les 1000cc
quatre-temps. L’année 2012 vit l’apparition d’un championnat
parallèle : les
CRT (Claiming Rules Teams). Courir en Grands Prix ne
revenait plus aussi cher et l’avenir était à la standardisation. La
lente évolution vers le modèle que nous connaissons actuellement
débuta ainsi. Devant cette belle promesse, Suzuki, dont
l’âme est en Grands Prix, réagit. La firme n’est jamais très loin
des circuits.
En 2013, les décisionnaires réaffirmèrent leur envie de
revenir croiser le fer. Le retour fut acté en
2014 pour 2015. La future GSX-RR,
munie d’un quatre cylindres en ligne, est déjà dans les tuyaux ;
Suzuki prévoit une wildcard pour Valence 2014, avec Randy de
Puniet, qui a grandement aidé au développement du prototype.
Davide Brivio, ancien team manager de renom pour
Yamaha en Superbike comme en MotoGP, est sélectionné pour mener
l’équipe vers la victoire. Randy de Puniet est contraint à
l’abandon lors de la première course disputée par la nouvelle
formation, mais ce n’est pas le plus important, tous les
regards sont tournés vers le Grand Prix du Qatar 2015.
Notre Randy national n’est pas conservé par les Japonais. En
« pilote d’expérience », Suzuki mise sur Aleix
Espargaró, qui, objectivement, méritait largement son
guidon d’usine.
L’Espagnol avait réalisé des prouesses sur des CRT moins
performantes, et nul doute qu’il faisait partie, déjà
à l’époque, des meilleurs pilotes de la catégorie. Pour
l’accompagner, quoi de mieux qu’un jeune prodige. À l’époque,
Maverick Viñales était vu comme un futur grand. Ce
dernier sortait de deux saisons remarquables : Une splendide année
2013 en Moto3 couronnée d’un titre, enchaînée par un exercice 2014
plus que convainquant en Moto2. Son explosivité caractéristique
pouvait permettre à l’équipe de rapidement se retrouver devant.
Le début de saison 2015 est plus que correct. La
paire hispanique est régulièrement dans les points, sans jouer les
avant-postes pour autant. La GSX-RR est bien née, et aucune casse
en course n’est à déplorer. Puis vient le Grand Prix de Catalogne.
Dès le début du week-end, les magnifiques machines bleues jouent
devant. Même Jorge Lorenzo, Valentino
Rossi et Marc Márquez, les trois
principaux acteurs de cette saison légendaire, n’y peuvent rien.
Lors de la séance de qualifications, l’impossible se produit.
Le grand frère Espargaró, survolté, décroche la pole
position devant son coéquipier Viñales ! Les scènes
de liesse dans le parc fermé témoignent de la joie, mais aussi de
la surprise des équipes. Suzuki sécurise un doublé en qualifs’ pour
la huitième sortie de la moto !
Incroyable.
Tous les espoirs sont permis pour le lendemain.
Malheureusement pour eux, la dure réalité des sports mécaniques
frappe de nouveau. Il faut du temps pour être compétitif, les
miracles sont rares. Dès le départ, Jorge Lorenzo bondit de la
troisième place et réalise le holeshot. Les deux officiels Suzuki
se font littéralement avaler par le peloton. Dans le même
temps, Aleix Espargaró, chahuté, touche Cal Crutchlow : L’Anglais
part à la faute.
Aleix tient bon, tandis que Maverick peine à suivre le rythme
atroce imposé par les leaders. La différence de performance entre
les machines est ahurissante, et rendrait même jaloux Fabio
Quartararo. Dans la ligne droite, Espargaró se fait
enrhumer par Dani Pedrosa qui, de par sa petite
taille, profitait toujours d’une bonne pointe de vitesse. De toute
évidence, le n°41 est au dessus de ses limites : Il chute au
vingtième tour. Viñales échoue en sixième position, battu par
Bradley Smith sur une Yamaha Tech3, ce qui en dit long sur la
hiérarchie établie.
Mais ce n’est pas grave, l’équipe reviendra. Nul
doute que cette manche catalane ralluma la flamme du côté
d’Hamamatsu. L’année 2016 et son règlement avantageux, en plus des
concessions offertes à Suzuki, ne sont définitivement pas si
loin.
Demain, nous nous concentrerons sur un nouvel épisode de cette
magnifique épopée. Que pensiez-vous de l’alléchant duo
Espargaró/Viñales ? Finalement, la paire est-elle la meilleure
qu’ait connu Suzuki de 2015 à 2022 ? Dites-le nous en
commentaires, et surtout, joyeux Noël à vous !
Photo de couverture : alberto-g-rovi