C’est fini : Suzuki quitte le monde des Grands
Prix. Voici l’occasion de revenir sur les grandes dates du
projet depuis le retour de la firme d’Hamamatsu en 2015. Au cours
de ses huit années d’exploitation, la GSX-RR a connu de nombreux
succès, des grands moments suspendus dans le temps.
Vous pouvez trouver l’épisode d’hier en cliquant sur cette phrase
en surbrillance. Aujourd’hui, penchons-nous sur un
autre épisode doré de cette épopée, le Grand Prix de
Grande-Bretagne 2019.
Vous l’aurez remarqué, nous avons fait un sacré bond dans le temps.
De 2016 et la victoire de
Maverick Viñales à Silverstone, nous retrouvons nos
héros au même endroit, mais trois ans plus tard. Il faut dire que
les saisons 2017 et 2018 n’ont pas été aussi prometteuses. Fin
2016, Aleix Espargaró est contraint de quitter le
navire. À coup sûr, l’épisode Suzuki n’aura pas été le plus
brillant de sa carrière malgré une première campagne plus que
correcte. L’homme sur qui reposait le projet n’était plus.
« Top Gun », pressenti dans l’équipe
officielle Yamaha depuis la mi-saison (les plus passionnés d’entre
vous se rappelleront de l’aspiration offerte à Valentino Rossi en
qualifications au Mugello), s’en va rejoindre l’autre équipe bleue,
comme prévu.
La firme d’Hamamatsu doit donc retrouver deux pilotes, capables, si
possible, de performer au plus haut niveau, et enfin passer un cap.
Pour ce faire, Brivio fait monter Álex Rins du
Moto2, après l’avoir préféré à Johann Zarco lors
d’un test organisé au Japon. Pour l’accompagner, qui d’autre
qu’Andrea Iannone, vainqueur d’un GP en 2016. À
cause d’une grosse blessure du nouveau venu et d’une méforme de
l’Italien, la sauce ne prend pas en 2017. Grosso modo,
tous les chiffres inhérents à l’équipe dans les différents
classements ont été divisés par deux.
La saison 2018 est un peu meilleure. Toujours
épaulés Sylvain Guintoli à la mise au point,
Rins et Iannone parviennent à
mettre le doigt sur les secrets de la GSX-RR. Avec neuf podiums à
deux, il s’agit de la meilleure saison statistique jusqu’alors.
Sauf qu’il y a un inconvénient. Suzuki, de par son
statut de « nouveau » constructeur, bénéficiait de concessions
avantageuses par rapport à Ducati,
Yamaha et Honda. Leur temps de
roulage autorisé était largement supérieur aux autres, et ils
disposaient d’un nombre de moteurs plus importants. Seulement, des
podiums et a fortiori une victoires les ont purement et
simplement exclu.
Ainsi, à l’approche de la saison 2019, les enjeux ne sont plus les
mêmes. Iannone prend la porte pour rejoindre Aprilia, mais le
remplacement est tout trouvé : Il s’agit de Joan
Mir, champion du monde Moto3 2017. Avec cette paire, Suz’
prend un risque. Un duo de jeunes loups est assez difficile à faire
fonctionner, car l’expérience est maîtresse en Grands Prix.
Jouer à égalité avec le reste du plateau complique la chose. Rins
performe, c’est certain, et empoche même sa première victoire en
catégorie reine à l’occasion du Grand Prix des
Amériques. Certes, la chute de Marc
Márquez, en tête, lui facilita l’accès à la plus haute
marche du podium. Hormis ce succès « surprise », Rins et surtout
Mir peinent à suivre le rythme imposé par leur compatriote
espagnol. À mi-saison, la formation tombe dans le ventre-mou du
peloton. Mais vient le Grand Prix de Grande-Bretagne, là où
Maverick avait fait triompher la marque trois ans
auparavant.
Les qualifications n’ont jamais été le fort de Álex
Rins. Non aidé par la nature de sa machine, il faut
l’avouer, il n’a toujours pas réalisé de pole position en MotoGP à
l’heure où ces lignes sont écrites, et on a bien peur que cela
n’arrive jamais. Il figure cinquième sur la grille, derrière du
très beau monde. En pole, Marc Márquez, comme
d’habitude. Cette saison 2019 est sans doute sa meilleure en
carrière. Il était tout simplement injouable. Hormis sa malheureuse
chute dans son jardin d’Austin, il n’avait jamais terminé au-delà
de la deuxième place, un standing qu’il tint jusqu’à la fin de
l’année. Valentino Rossi est deuxième, exactement
comme en 2016. Jack Miller, invité surprise,
complète la première ligne. Fabio Quartararo et
Andrea Dovizioso, d’autres suspects connus, ne
sont pas à éliminer de la course à la victoire.
Dès le départ, coup de théâtre. Rins réalise une excellente
envolée et dépose Miller. Mais sa trop grande vitesse lui
cause une frayeur dans la première courbe à droite, qui arrive
quelques décamètres après la ligne de départ. Il relève subitement
sa moto, et derrière, Fabio Quartararo est surpris. Alors qu’il
relève sa machine à son tour, mais de manière plus prononcée, le
Français ne peut contrôler sa vitesse plein angle : Il chute sur la
trajectoire. Le pauvre Andrea Dovizioso ne peut l’éviter, et
s’envole sur le carénage de la YZR-M1 frappée du n°20.
Deux favoris au tapis, mais la course continue. Alors que Márquez,
toujours en tête, est mis au courant de l’incident via son panneau
de stand, Rins se fraye un chemin et attaque Rossi pour la deuxième
position. Très vite, les deux s’envolent.
L’architecture de la GSX-RR permet à son pilote de profiter d’une
vitesse de passage en courbe et d’une stabilité pleine angle bien
supérieure à celle de son vis-à-vis. Les deux protagonistes se
passent, se repassent, et nous offrent un spectacle incroyable.
Un tour avant la fin, Rins manque de gâcher le
dénouement. Dans le dernier virage de
Woodcote, il tente de doubler Marc par
l’extérieur, quelque chose, qui, de mémoire, n’avait jamais été
réalisé auparavant à ce niveau de compétition. Sa tentative échoue
dans la partie verte. Alors que Viñales remonte comme une balle,
les deux premiers ne se lâchent pas d’une semelle. À l’approche du
dernier secteur, Márquez le sait : il doit se protéger dans
l’enchaînement précédent l’ultime virage. Cela lui avait coûté la
victoire en 2013 contre un Jorge Lorenzo
transcendé. À trop vouloir être défensif, le septuple champion du
monde ne voit pas Rins venir. L’officiel Suzuki fait mine de
prendre l’extérieur mais cette fois, Marc le défend, plus loin du
point de corde. En un éclair, et voyant que son adversaire n’est
pas collé au vibreur, Rins repique à l’intérieur et s’impose d’un
cheveu sur la ligne.
Il vient d’écrire l’histoire. Battre le grand
Márquez en un-contre-un, de cette manière, est juste exceptionnel.
Certes, c’est la troisième fois que Marc en perd un sur ce tracé,
mais quand même. Sans aucun doute, il s’agit de la plus
grande victoire Suzuki sur la période 2015-2022, et peut-être même
de tous les temps. Grâce à cet exploit, Rins passe dans
une autre dimension. Peut-il, en 2020, aller chercher Márquez et
a fortiori le titre de champion du monde ? Est-il
constitué de ce bois là ? Réponse au prochain épisode
!
Qu’avez-vous pensé de cette course ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport