À la suite de notre rétrospective sur les champions oubliés,
certains ont évoqué le nom de
Sandro Cortese, qui manquait à la sélection.
Effectivement, il est vrai que l’Allemand a le profil parfait, car
de nos jours, peu se souviennent de lui. Cependant, sa carrière ne
s’est pas arrêtée à ce titre Moto3, bien que cela reste son
principal fait d’arme. Penchons-nous sur son
histoire.
Né outre-Rhin d’un père italien et d’une mère allemande en l’an
1990, Alessandro Cortese débute très tôt la
compétition moto. À seulement neuf ans, le voilà déjà sur ses
premières pocket bikes, bientôt champion d’Europe de la discipline.
Ses résultats en championnat allemand IDM, catégorie 125cc,
poussent Kiefer à le signer à temps complet pour
la saison 2005, à 15 ans. Ceci n’est peut être pas intuitif, mais
l’arrivée de Cortese remonte aussi loin.
Il est rare de voir un rookie débarquer sans wildcards précédentes.
Pourtant, sur Honda, Sandro s’adapte et passe le test avec brio.
L’équipe Elit – Caffe Latte, championne du monde en titre avec
Thomas Lüthi, se penche sur l’Allemand, une
nationalité finalement assez rare en Grands Prix de nos jours, soit
dit en passant. Aux côtés du Suisse qui remet son titre en jeu,
Cortese souffre quelque peu mais après tout, ce n’est que sa
deuxième saison en 125cc.
S’en suit une lente progression sur deux années, jusqu’à devenir un
abonné au top 5 fin 2008. Aprilia équipait désormais l’équipe, et
les machines italiennes étaient bien plus performantes. Surtout,
c’est sa régularité qui impressionne. Son style lui permet d’éviter
les blessures, et à chaque fois qu’il franchit la ligne,
Cortese marque de gros points sans pour autant être le plus
rapide.
Ce profil séduit Aki Ajo, qui l’engage dans sa structure en 2009. La Derbi lui convient à merveille, c’est le déclic. Podium d’entrée de jeu au Qatar, puis des bons résultats à la pelle malgré quelques chutes. Cette 6e place au général était très prometteuse, mais il ne parvint pas à passer ce cap décisif pour s’affirmer comme prétendant au titre en 2010. Sandro était toujours bien placé, mais jamais en position de s’imposer franchement
Pour 2011, le Germanique change de crèmerie : Retour sur Aprilia,
chez Intact – Racing Team Germany. Sans
coéquipier, il est assurément l’outsider de cette saison. Il
remporte sa première course en carrière à Brno, puis réitère en
Australie. Ces deux succès, accompagnés de quatre autres podiums et
d’une pole le placent en 4e place du championnat du monde, derrière
un certain Maverick Viñales.
À vrai dire, Cortese n’a fait que progresser depuis son
arrivée en 2005. À l’hiver 2011, la disparition de la
catégorie 125cc trotte dans tous les esprits. Il faudra désormais
composer avec des 250cc quatre-temps, nommées Moto3. La hiérarchie
pourrait bien être bousculée, et ceux qui performaient sur les
deux-temps ne sont pas assurés de confirmer sur ces nouvelles
machines.
Sandro met toutes les chances de son côté. Il retrouve Ajo,
doté des KTM officielles sponsorisées par Red Bull. Après
six courses, le suspens n’existe déjà plus. Cortese affiche une
régularité à toute épreuve, mais cette fois sans quitter le podium,
ou presque. Maverick Viñales, sur FTR Honda, est
plus vite mais de trop nombreuses contre-performances ralentissent
sa progression. Il est troisième, devancé par Luis
Salom (Kalex – KTM), qui, lui non plus, n’a pas trouvé la
solution pour stopper l’Allemand. Nous parlons ici de cinq
victoires, dix autres podiums, sept pole et cinq meilleurs tours en
course. Une telle domination dans la plus petite des
catégories est remarquable.
Pire encore : Aucun abandon sur la saison, avec une 6e place pour
plus mauvais classement (France et Japon, après s’être accroché
avec un concurrent). Chapeau bas. Il compte 111 points
d’avance sur son poursuivant, comme un signe pour le
n°11.
Immédiatement, son passage en Moto2 est acté.
C’est Dynavolt Intact GP qui s’en charge. Les
Kalex de la formation sont au point, même si pas au niveau des
machines Pons et MarcVDS. L’adaptation est très compliquée, pour ne
pas dire ratée. Il peine à rentrer dans les points, mais progresse
toujours, inlassablement, en 2014. Bien mieux, il accroche le
podium à Brno et se classe 9e au général. Les années qui suivent se
ressemblent. Lentement, Cortese s’installe dans le ventre mou, avec
à chaque fois un podium par an mais sans plus. Difficile de
prétendre à un guidon MotoGP quand l’on commence à stagner dans la
catégorie intermédiaire.
D’ailleurs, en 2016, il manque le Grand Prix de France pour
blessure : sa première absence en carrière, depuis
ses débuts en 2005. Âgé de 26 ans, il n’améliore plus. La saison
2017, année où Dynavolt troqua ses Kalex contre des Suter, fut la
dernière. Jamais il ne parvint à franchir ce palier décisif qui
conditionne une carrière. Mais ce n’est pas fini. Toujours en soif
de compétition, il s’engage en mondial Supersport la saison
suivante. Immédiatement, son instinct de champion parle
pour lui. Il remporte le titre devant Lucas Mahias et Jules Cluzel,
toujours en faisant preuve d’une régularité
exemplaire.
Sur sa lancée, il s’engage en mondial Superbike avec Yamaha
GRT, et n’est pas ridicule. Une saison terminée en 12e
place, avec de fréquentes entrées dans le top 10. L’Allemand remet
le couvert en 2020 au sein de la formation Outdo Kawasaki
TPR mais à Portimão, sa vie bascule. Un
contact avec Tati Mercado dans le dernier tour de
la première course l’envoie dans le mur. Dès son arrivée, le staff
médical constate l’ampleur des dégâts. Sans perdre de temps, il est
emmené à l’hôpital le plus proche par hélicoptère et heureusement,
les médecins parviennent à lui éviter la paralysie.
Deux ans après ce terrible accident, soit deux ans sans courir,
Cortese annonce sa retraite, un choix plus que
compréhensible. Pour autant, nous n’oublierons pas cette saison
2012 démentielle, et il reste, à l’heure où ces lignes sont
écrites, le dernier Allemand titré au niveau mondial.
Aviez-vous oublié Sandro Cortese ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Andrew Napier