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Les circuits passent, puis disparaissent. Mais certains, même s’il ne sont plus utilisés, gardent une place particulière dans l’histoire. Aujourd’hui, penchons nous sur l’un de ceux-ci, assurément l’un des plus beaux jamais visités par le mondial motocycliste.

Solitude est une place à part. En français, le nom est équivoque, presque poétique. Pour vous situer, nous sommes en Allemagne, sur la commune de Leonberg, à l’Est de Stuttgart. Dans la région, les sports mécaniques sont légion, et ce depuis bien longtemps. Avant d’être un circuit, il s’agissait d’une simple course de côte tracée en 1903 menant vers le palais rococo de Solitude, d’où son nom. Puis une boucle s’est formée, et n’a fait que s’affiner de 1925 à 1935.

Et quel bijou. Difficile de faire plus « à l’ancienne » dans l’esprit. Solitude est majoritairement constitué de longues courbes, et ne compte que quelques virages arrêtés, le tout en pleine forêt et bien sûr, avec du dénivelé (voir carte si dessous). Pour certains pilotes de Formule 1 – la catégorie y est passée à de nombreuses reprises, mais seulement hors championnat – l’enchaînement de courbes menant du point bas Schattengrund jusqu’à l’arrivée était plus difficile à retenir que le Nürburgring. Pour aller vite dans cette section d’une quinzaine de tournants, tous différents ou presque, une maîtrise absolue était nécessaire.

 

Le tracé, long de 11,4 km. Illustration : Micap


Depuis toujours, l’image du circuit est incarné par deux monuments bien distincts. Tout d’abord, la tour de contrôle unique en son genre et parfaitement conservée de nos jours (photo de couverture). Ensuite, la première courbe de Glemseck, avec le bar qui va bien pour se désaltérer après avoir joué aux Mike Hailwood. Car oui, aujourd’hui, la quasi-totalité du circuit d’époque emprunte des routes publiques, cependant limitées à 60 km/h. De nombreux panneaux avertissent les motards quant au danger et les contrôles de la polizei n’y sont pas rares.

La moto tient une place particulière à Solitude. Quelques temps après la naissance du championnat du monde en 1949, c’est Solitude qui fut sélectionné pour la manche allemande, bien avant le Nürburgring. Comme souvent outre-Rhin, une alternance fut mis en place afin de ne léser aucun tracé et d’offrir une meilleure diversité. Au total, le mondial se rendit à Stuttgart à six reprises entre 1952 et 1964. Puis, Hockenheim, plus récent et adapté à tous les sports mécaniques, s’imposa durablement.

Solitude est très apprécié par un homme en particulier, dès son intégration au calendrier. Reg Armstrong, Irlandais et acteur majeur du championnat dans les années 1950, en a fait son domaine. Il y compte trois victoires, dont deux en 500cc (1952 et 1956). Grâce à la proximité avec la métropole de Stuttgart (près de 700 000 habitants), on observe des foules record dans les gradins. Des sources dénombrent 500 000 spectateurs en 1954 pour la célébration du titre 125cc de Rupert Hollaus.

 

Armstrong est lui aussi très sous-côté. Ici devant Geoff Duke à Assen en 1955. Photo : ANEFO


Du fait de son positionnement dans la saison, il n’était pas rare d’y voir des champions couronnés. Entre autres, John Surtees, Mike Hailwood ou encore Carlo Ubbiali ont tous marqué l’histoire à Stuttgart. Mais l’édition la plus mémorable du Grand Prix d’Allemagne disputée ici se tint en 1964. Les organisateurs virent les choses en grand, et créèrent peut-être le plus grand rassemblement de stars de l’histoire des sports mécaniques. En ce weekend du 18 et 19 juillet, les chanceux en tribunes peuvent observer le GP de Solitude en Formule 1, la traditionnelle course hors-championnat mais disputée par les plus grands, mais aussi le GP d’Allemagne en moto.

En vous baladant dans les paddocks, vous pouviez donc croiser Jim Clark, Graham Hill puis Giacomo Agostini, Phil Read et Jim Redman, entre autres. Une réunion d’une trentaine de noms aussi légendaires les uns que les autres. Malheureusement, la fête est entachée par une tragique nouvelle. Ce n’est pas la première fois qu’un motard perd la vie sur l’asphalte Souabe. Dennis Lashmar, un Anglais, s’y était brisé la nuque en 1954. L’illustre Bob Brown, sur lequel nous sommes revenus il y a quelques jours, nous quittait dans les stands en 1960. Mais pour Karl Recktenwald, c’est différent.

 

Karl Recktenwald en 1963. Photo : Bernd Bouillon


Alors que les 500cc s’apprêtent à franchir la ligne, Walter Scheimann chute en raison d’un blocage de sa boîte de vitesse. Dans son malheur, il entraîne son pauvre ami Karl, qui se blesse lourdement aux jambes. Si cela n’avait pas l’air si grave à première vue, des blessures internes eurent raison de la vie de l’ancien « policier le plus rapide d’Europe ».

Recktenwald était très apprécié par les fans, et encore plus par ses collègues gardiens de la paix, réunis par milliers pour ses funérailles. Depuis, une stèle fut érigée en son honneur, qui est toujours visible à condition de savoir où elle se trouve. Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à vous rendre au « Solitude Revival », l’événement qui commémore l’histoire de ce tracé mythique.

Connaissiez-vous ce circuit ? Dites-le nous en commentaires !

 

La stèle, juste après le virage d’Hadersbach. Photo : Nicolas Pascual