Aujourd’hui, nous allons parler d’un pilote que les plus
passionnés d’entre vous n’ont pas oublié. Pour se le
remémorer, il faut remonter à la fin des années 1990, mais
exclusivement dans la plus petite des catégories. Yōichi
Ui, parfois orthographié Youichi Ui, est l’un des derniers
vrais spécialistes en 125cc ; les pilotes qui n’ont rien connu
d’autre, ou presque. Et soyez-en sûr ; le Japonais ne
manquait pas de talent.
Tout commence en 1995. Ui, comme bien d’autres de ses compatriotes,
est sélectionné pour participer au Grand Prix du Japon, disputé à
Suzuka,
dans le cadre d’une wildcard. À l’époque, cette manche asiatique
représente une opportunité en or pour se révéler, mais il n’est pas
tout seul à rêver du mondial. En 125cc, il chevauche une Yamaha et
se classe 15e, une position loin d’être convaincante, surtout quand
on connait la compétition qui régne sur l’archipel. Les six
premières places sont occupées par des japonais, avec, pour la
petite anecdote, une victoire d’Haruchika Aoki,
futur champion du monde.
Pourtant, Yamaha poursuit le développement de son poulain et
l’envoie au mastic dès 1996. Désormais doté d’un guidon à plein
temps, il survit comme il peut, puis progresse significativement.
Très rapide, il s’empare de la pole en Catalogne, et commence à
marquer les esprits. En 1997, il monte même sur le podium au
Brésil, exploit qu’il réitère en 1998. Yōichi gravite
autour de la 10e place au général.
Festina Derbi s’intéresse à lui, et Ui supporte le
changement d’environnement. Il se stabilise, et prend toujours son
podium, malgré deux blessures. L’année 2000 est décisive dans sa
carrière. Toujours dans la formation espagnole aux côtés de
Pablo Nieto, il se transforme. Sa Derbi n’est pas
nécessairement la plus performante, mais tout de suite, Yōichi est
dans le coup. Son irrégularité lui coûte, car soit il tombe, soit
il est sur la boîte : Il n’y a pas d’entre deux. Malgré son profil
très, parfois trop offensif, Ui est en bagarre pour le titre 125cc
au tiers de la saison. Face à lui, un grand Roberto
Locatelli, sur Aprilia, mais il faut
garder un œil sur le champion en titre Emilio
Alzamora, doté d’une Honda. L’Italien et le Japonais
s’échangent les coups, et ne se lâchent pas d’une semelle.
À mi-saison, Ui s’approche du but en remportant trois
courses consécutives avec la pole, suivies d’une deuxième
place en Allemagne. Mais une fin d’exercice moyenne, en tout cas
moins bonne que celle de Locatelli, qui avait enfin trouvé son
rythme de croisière, lui coûte le titre pour une douzaine de
points. Yōichi avait gagné cinq courses mais la couronne lui était
passée sous le nez, en raison d’un trop grand nombre d’abandons
(cinq, en plus d’une 21e place en Espagne). C’est à mettre
en perspective avec Alzamora, qui avait été titré sans gagner la
moindre manche une année auparavant. Pourtant, tous
saluent sa performance. La deuxième Derbi, celle de son coéquipier,
est seulement 13e.
En l’absence de Locatelli et de Alzamora, passés en 250cc, Ui
s’affirme comme le large favori de la saison 2001. Son statut ne le
trouble pas : pole au Japon avec la 2e place, puis coup du chapeau
en Afrique du Sud, et ainsi de suite. Ui démarre la saison avec
cinq poles, mais pour une victoire seulement. Encore une fois, sa
régularité lui joue des tours. Face à lui se révèle un étonnant
adversaire que personne n’attendait à ce niveau : Manuel
Poggiali. Le Saint-Marinais était 16e au général l’année
passée, mais cela ne l’empêche pas de donner le ton sur sa Gilera.
Poggiali ne quitte pas le podium, si ce n’est pour quelques chutes.
Alors que Yōichi est enlisé dans le peloton au milieu de la saison,
un autre prétendant se réveille, en la personne de
Toni Elías sur Honda. Lui aussi sortait de
nulle part.
Au soir du Grand Prix de la Communauté valencienne – qui n’est pas
le dernier Grand Prix de la saison – Ui est dos au
mur. Il n’avait gagné que deux fois, et s’il ne réagissait
pas maintenant, tout était perdu. Dès lors, il part en mission,
comme Miguel Oliveira en Moto3 à la fin de l’année
2015. Victoire à Motegi, puis en Australie, mais aussi en
Malaisie et finalement, au Brésil. Avec quatre succès sur
les quatre dernières sorties, il a tout donné. Mais Poggiali n’a
pas craqué, lui qui contenait le retour du Japonais depuis la
deuxième place sur trois GP. Poggiali est titré, et Ui, avec six
victoires sur la campagne, ne peut que le féliciter. D’ailleurs, à
l’époque, il égale le record de
Kenny Roberts en 1983, qui, lui aussi,
triompha à six reprises en 500cc mais échoua pour deux points
contre Freddie Spencer.
Toujours sur Derbi, Yōichi n’arrive plus à se
motiver. Sa saison 2002 est catastrophique, avec sept
abandons pour seulement un podium. Passé chez Gilera puis Aprilia,
rien n’y fait. Cependant, une opportunité insolite se présente au
beau milieu de l’année 2004. L’équipe Harris –
WCM, en MotoGP, compte deux blessés. Ainsi, Ui est
sélectionné pour remplacer l’un d’eux, à savoir Michel
Fabrizio. Pour celui qui n’avait connu que les 125cc,
l’adaptation n’est pas facile mais contre toute attente, il rentre
dans les points pour sa toute première sortie sur la machine.
Ce fut la fin de son aventure en mondial, à 32 ans déjà. Ui se
concentra sur le championnat national, et effectua seulement deux
piges en 250cc lors des saisons 2006 et 2007, chaque fois au Japon,
comme il avait commencé. D’ailleurs, il remporta le All
Japan 250cc en 2007, ce qui prouve que son talent n’avait
pas disparu pour autant.
Gardez-vous un souvenir de Yōichi Ui ? Dites-le nous
en commentaires !
Photo de couverture : Steve