Luca Cadalora est l’un des plus talentueux pilotes de la
fin du siècle dernier . Aujourd’hui, retour sur son
histoire, qui démontre bien que quand le contexte joue contre vous,
difficile de faire quoi que ce soit. Entre carrière
géniale et frustrante, il n’y a qu’un pas.
Après s’être essayé au saut à la perche, le jeune Luca, né en 1963,
passe rapidement sur deux-roues. Grand espoir au début des années
1980, il est entouré par son père et Walter Villa,
légende et ami de la famille. il s’engage en mondial pour la saison
1984 sur MBA. Chose rare, il est immédiatement
rapide et joue déjà devant. Il inscrit son premier podium en
Allemagne, trois courses seulement après ses
débuts. L’année 1985 est plus compliquée. Malgré une pole
réalisée lors de la manche d’ouverture, des blessures ont raison de
son classement final.
Il est repéré par Garelli, la firme du moment en
125cc, championne du monde en titre avec
Fausto Gresini. La paire d’italiens à fort à
faire, mais le jeune Luca doit déjà penser à battre son coéquipier
avant tout. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, il y
parvient. Gresini, capable d’une régularité sans pareil, ne peut
simplement pas contenir la vitesse pure du Modénois. Une
série de cinq poles consécutives avec quatre victoires à la clé
assomme littéralement le grand Fausto. À la surprise
générale, Cadalora est titré champion du monde après avoir disputé
25 courses en carrière, et a vu son total de point passer de quatre
unités à cent vingt-deux en deux saisons ! Clairement,
nous sommes en présence d’un crack.
Agostini, conscient du potentiel, le recrute pour son
équipe officielle Yamaha en 250cc. Le passage des 125cc
aux quarts de litre est souvent décisif, et encore une fois, il
répond présent. Bien qu’il joue la gagne avec des courses
remportées en 1988 et 1989, il n’est jamais favori au titre.
D’ailleurs, lors du Grand Prix de Grande-Bretagne 1989, il remplace
Freddie Spencer en 500cc chez Yamaha Agostini le
temps d’une course, qu’il termine 8e.
Toujours en 250cc, il est plus près du sacre en 1990.
Malheureusement, John
Kocinski et Carlos Cardús évoluent
dans une autre dimension. Décidément, ce titre tarde à
pointer le bout de son nez. En 1991, une nouvelle
opportunité se présente : passer chez le « rival » Erv
Kanemoto et son redoutable team Honda. Les NSR250 marchent
du feu de Dieu. Alors qu’on se demande si Cadalora pourra s’adapter
aux nouvelles machines, lui ne se pose pas tant de questions.
L’Italien débute l’année avec trois succès consécutifs, toujours
doté d’une vitesse folle. Sur un plateau largement dominé par
Honda, seul Helmut Bradl tient la cadence, mais
craque en fin de saison. Avec cinq victoires contre trois, Luca
remporte son deuxième titre mondial.
Dès lors,Luca Cadalora choisit de défendre son titre en 1992,
une décision risquée. Mais il est encore plus fort. Loris Reggiani
et Pierfrancesco Chili, sur Aprilia, sont incapables de faire quoi
que ce soit face à lui. Devant autant de talent, toute la grille
500cc s’empresse de vouloir faire monter le prodige. Il faut savoir
que remporter le titre 125cc puis 250cc – ou équivalents Moto3/Moto2 – est une prouesse, que
seuls quatre pilotes ont réitéré au XXIe siècle, à savoir Pedrosa,
Poggiali et les frères Márquez.
Il y a un guidon qui est impossible de refuser. Celui offert par
Kenny Roberts, pour rejoindre la sensation
Wayne Rainey dans la plus prestigieuse des
catégories. Désormais pilote officiel Yamaha, Luca ne peut
pas décevoir. Pourtant, tout part mal, avec une blessure
dès l’entame. Son mental est plus fort que cela. En fin de saison,
il devient candidat régulier au podium, et remporte même deux
victoires ! En 5e place du classement, il fait assurément partie
des grands favoris de la saison suivante, d’autant plus que Rainey
avait tristement mit fin à sa carrière lors du Grand Prix
d’Italie. D’ailleurs, pour l’anecdote, c’est lui qui a
remporté cette course entrée dans la légende pour les mauvaises
raisons.
Désormais aux côtés de Daryl Beattie, Cadalora
doit faire face au nouveau roi de la discipline, en la personne de
Mick Doohan. Pourtant, à l’époque, il paraissait
évident que Luca avait le talent pour le faire. En 1994, même si
l’Australien est intouchable, l’officiel Yamaha parvient à rester à
bonne distance avec quelques poles, et même, deux nouveaux succès.
Gardez en tête qu’il ne s’agit que de sa deuxième saison au
plus haut niveau, et déjà, il figurait vice-champion.
Mais la formation Honda Repsol est simplement trop
forte. Yamaha décline quelque peu, et Beattie se permet de lui
passer devant en 1995, cette fois sur Suzuki. Doohan, comme
d’habitude, n’attend pas l’opposition pour s’imposer. Au
bon souvenir du temps, Cadalora décide de rejoindre
Kanemoto. La Honda NSR500 utilisée par l’équipe est
performante, mais tout seul, il ne peut de nouveau rien faire face
à l’hégémonie Repsol. Pourtant, il prend quand même ses deux
victoires habituelles ainsi que deux autres podiums.
Puis, le retour chez Yamaha via la structure
Promotor stoppa indirectement sa carrière. En
effet, la nouvelle équipe ne put assumer les conséquences
financières d’un tel engagement, et WCM – Red Bull
dut intervenir pour sauver les meubles. Sa campagne n’est pas si
terrible, mais son aura était derrière lui, à déjà 34 ans. Puis,
jamais on ne le revit sur une saison complète.
D’abord en remplacement de Bayle chez Yamaha –
Roberts, il développa ensuite la MuZ,
avant de terminer sa carrière employé par la légende américaine,
pilotant une Modenas lors de l’année 2000. La
descente fut brutale, c’est le moins que l’on puisse dire, mais
elle est à l’image de son éclosion.
Finalement, qu’est ce qui n’a pas fonctionné avec
Cadalora ? Il avait tout pour devenir une légende.
Malgré ses 34 victoires, trois titres mondiaux et des succès sur
deux différentes marques en 500cc (un haut fait pas si courant),
difficile de le considérer comme tel. Peut-être a-t-il passé trop
de temps en 250cc, pour justement aller chercher ce titre qui lui
manquait. Six saisons en catégorie intermédiaire, ce n’est
pas rien et c’est sans doute trop.
Qu’en pensez-vous ? Malgré ceci, considérez-vous Luca
Cadalora comme un très grand pilote ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Rikita