Tous ceux qui suivent les Grands Prix motos connaissent
Jorge Martínez. Et si tout le monde sait que c’est une
légende, il peut être difficile de s’imaginer pourquoi il est tant
considéré si on a découvert le mondial il y a peu. Sans la moindre
victoire en catégorie reine, il jouit pourtant d’une place à part
dans l’histoire, et son activité de directeur d’équipe renforce
davantage son héritage. Voici l’histoire
d’Aspar.
Jorge naît en 1962 à Alzira, dans la province de Valence en
Espagne. La passion de la moto arrive assez tard, à 16
ans. Il découvre la compétition lors d’une petite course disputée
non loin de son domicile. Puis, de fil en aiguilles, il progresse
jusqu’à devenir champion national en 50cc sur
Bultaco. Jorge Martínez a tout du prodige. Dès ses
débuts en mondial en cette même année 1982, il marque les esprits
avec une 6e place à Jarama.
En wildcard pour le Grand Prix d’Espagne 50cc 1983 sur
Rieju, il monte sur la troisième marche du podium,
en plus d’être sacré champion national en 80cc. Il ne faut pas
perdre une minute et signer le jeune Jorge. C’est
Derbi qui s’en charge en 80cc, la nouvelle classe
qui remplace
les vieillissantes 50cc. La catégorie est peuplée de
grands noms (Hans Spaan, Pier Paolo
Bianchi, ou Stefan Dörflinger) mais
pourtant, il est loin d’être en retrait. « Aspar », un
surnom qui fait référence au métier de fabriquant d’espadrilles
pratiqué par son grand-père (« espardanyer » en
valencien, prononcé « aspardanyer ») s’impose pour la
première fois en carrière à Assen, et finit 4e du général.
Puis, il prend encore du galon. Une bataille
acharnée l’oppose au Suisse Dörflinger en 1985, alors au guidon
d’une Krauser. La régularité de l’helvète est
meilleure, et deux abandons sur une saison de sept courses
représentent un trop gros déficit. C’est en 1986 que commence «
l’ère Aspar ». Les Derbi sont affûtés, mais surtout, Jorge Martínez
file droit vers son premier titre mondial. Avec quatre victoires,
il ne laisse aucune chance à son coéquipier
Manuel Herreros. Désormais champion du monde, il remet
tout de même sa couronne en jeu dans une classe toujours aussi
disputée.
En 1987, il est plus intouchable encore. Avec sept victoires contre
trois pour tous les autres pilotes réunis, « Aspar » est
de nouveau sacré champion du monde devant « Champi »
Herreros. Sa domination sans partage rappelle bien sûr un certain
Ángel Nieto, titré 13 fois en petites catégories de 1969 à 1984.
Aura-t-il la même longévité que son bon copain
?
Pour la saison 1988, Jorge se lance un nouveau défi : monter en
catégorie 125cc, mais sans oublier la 80cc. Alors qu’on pouvait
s’attendre à des difficultés concernant l’adaptation, Martínez
éblouit la planète moto en s’imposant sur les deux cylindrées avec
15 victoires en 18 sorties. Il s’agit du dernier doublé de
l’histoire, et l’on ne reverra plus jamais un tel accomplissement,
c’est certain.
Un peu comme Freddie Spencer en 1985, « Aspar » y
laisse des plumes. Courir – et gagner – deux fois par weekend est
un exploit, mais n’est pas sans conséquence pour la santé. En 1989,
il n’est plus le même homme. Des abandons à la pelle dans les deux
classes le relèguent au second plan malgré une victoire en 80cc et
une en 125cc. Alors que la plus petite catégorie disparaît, il
réalise un choix fort en signant pour JJ Cobas en
125cc et 250cc pour 1990.
Ce troisième double-engagement en trois ans était peut-être
de trop. Fort en 125cc mais plus aussi régulier que par le
passé, il galère en quarts de litre et termine à des positions
indignes de son rang. Dès lors, il arrête définitivement de jouer
sur deux tableaux et se focalise uniquement sur la 125cc en 1991.
Malheureusement, il n’arrive plus à engranger de la confiance et de
la vitesse, d’autant que les grilles resserrées sont
particulièrement compétitives. À cette période, il monte sa propre
structure et commence à courir pour lui. Cette situation dure
jusqu’à ce qu’il raccroche le casque fin 1997, alors sur Aprilia.
Étonnement, il avait retrouvé un statut d’outsider sur ces deux
dernières campagnes, mais à 35 ans, plus grand-chose à espérer pour
un compétiteur comme lui.
Comme vous le savez, l’histoire ne s’arrête pas
là. Directeur d’écurie dans les années 2000, ses machines
réglées aux petits oignons frappées des sponsors
« Mapfre » ou
« Bancaja » ont tout gagné. On remarque
chez Jorge Martínez un grand sens du recrutement. Il est capable de
faire remporter des titres à des pilotes que l’on imaginait pas à
ce niveau. Il rejoint le MotoGP en 2013 grâce au règlement
CRT, puis continue par la suite en tant que client
Ducati avec des résultats mitigés dans la plus prestigieuse des
catégories. En l’honneur de son ami Nieto, il renomme même l’équipe
à son nom en 2018.
Son retour en petites cylindrées est fructueux, et il est encore au
top plus de vingt ans après la création de son team. L’année
passée, il a même réalisé un doublé Izan Guevara/Sergio
García en Moto3, et pointait 6e en Moto2 avec Jake
Dixon sous l’auvent GasGas. Affaire à
suivre donc, mais quoi qu’il en soit, négliger les chances d’une
équipe dirigée par la
MotoGP Legend Jorge Martínez serait une erreur.
Connaissiez-vous la carrière d’« Aspar » ?
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Photo de couverture : Box Repsol