« L’histoire ne se rappelle que des vainqueurs
». Mais cet adage est-il vrai ? Dans les faits, plus
l’adversité est grande, plus le triomphe est mémorable. Cela vaut
pour les guerres, mais aussi les sports et les Grands Prix motos ne
font pas exception à la règle. Dans cet article, nous allons donc
revenir sur les « meilleurs perdants » de
l’histoire, ceux à qui il ne manque qu’un titre de champion du
monde pour cimenter leur légende. Bien sûr, nous parlerons
uniquement de pilotes qui n’ont jamais été sacrés en carrière, pas
seulement en MotoGP. Dani Pedrosa ou
Andrea Dovizioso, par exemple, ont déjà eu la chance
de connaître le goût d’un titre dans les catégories
inférieures.
I) Álex Rins
On ne lâche plus l’Espagnol.
Après lui avoir longuement rendu hommage dans la rétrospective
Suzuki (2015-2022), le voilà cité de nouveau. Car oui,
Rins, pilote flamboyant au possible, n’a jamais été récompensé.
Ce fait est pour le moins étrange, car il a toujours été rapide peu
importe la catégorie. Peu d’autres pilotes de cette liste peuvent
se vanter d’avoir été aussi performants sur trois cylindrées
différentes. D’abord en Moto3, où il compte huit victoires. En
2013, la légendaire explication de Valence couronna
Maverick Viñales, tandis que Álex
Márquez était relativement meilleur en 2014. Puis,
Johann Zarco lui barra la route en 2015 et 2016
(de nouveau 2e et 3e du général). Enfin, il n’eut jamais l’occasion
de se rapprocher du titre MotoGP, sauf en 2020. Il termina
la campagne en troisième place.
Le cas de Rins est particulier, puisqu’il est réellement passé tout
près d’au moins deux victoires au championnat (2013 et 2014). Avec
17 victoires en carrière, il est le deuxième
pilote avec le plus de succès à n’avoir jamais été titré. Nous
retrouverons le leader incontesté de ce classement plus tard.
II) Randy Mamola
Une affaire totalement différente. Comme de
nombreux autres américains, Mamola passa très peu de temps dans les
petites catégories. Ainsi, son cas n’est pas comparable à celui de
Álex Rins. Mais tout de même, quatre fois
vice-champion en 500cc (et deux fois 3e), c’est juste énorme. Sur
Suzuki, Honda et Yamaha, il ne parvint jamais à décrocher le Graal.
Contrairement à Dovizioso, Randy fut battu par
quatre pilotes différents lorsqu’il finit deuxième ! D’abord
Kenny Roberts en 1980, Marco
Lucchinelli en 1981,
Eddie Lawson en 1984 et
Wayne Gardner en 1987. Que du beau monde. Mamola a
définitivement sa place dans cette liste.
III)
Alex Barros
En 18 ans de carrière, jamais le Brésilien n’a pas réussi à
s’imposer au général. Nous vous l’accordons, son cas est singulier,
puisqu’il n’a jamais été en lutte pour un titre malgré ses sept
victoires. Son meilleur résultat, quatrième (1996,
2000, 2001, 2002, 2004) ne lui confère pas le même statut qu’un
Rins ou qu’un Mamola. Cependant, savoir que l’une des plus longues
carrières de l’histoire des sports motos n’a jamais été récompensée
– surtout au vu du talent du bonhomme – fait mal. C’est
pour cela que son nom figure dans cet article.
IV) Miguel Oliveira
Avec 17 victoires sans jamais une célébration à Valence, le Portugais est actuellement à égalité avec Rins, deuxième derrière un autre larron dont nous reparlerons ultérieurement. À l’image du nouveau pilote LCR Honda, Oliveira a été rapide dans les trois catégories majeures. Il est l’incarnation même du « perdant magnifique ». Sa fin de saison 2015 en Moto3 était majestueuse, et Danny Kent n’est pas passé pas loin de la correctionnelle. Par deux fois, il figura sur le podium de la saison en Moto2 (3e en 2017 et 2e en 2018). Certes, nous avouons que son parcours MotoGP est, pour l’instant, moins brillant que celui de Álex Rins, et ce malgré ses cinq victoires. Mais tout de même ! Miguel reste un talent générationnel, capable de réaliser des performances grandioses. Puisse cet article lui porter chance !
V) Tadayuki Okada
Un pilote trop souvent oublié. Okada, dans un bon jour, pouvait
discuter en tête à tête avec les meilleurs pilotes du monde.
D’ailleurs, nous l’avions placé à la première place de notre
classement des plus grands pilotes japonais de l’histoire, un choix
que nous sommes loin de regretter. Et pourtant,
Tadayuki ne souleva pas le trophée qui compte le plus. À sa
décharge, il n’a jamais participé à un Grand Prix en 125cc, mais a
échoué une fois en quart de litre contre Max
Biaggi en ‘94. Au sein de l’armada Repsol
Honda, Okada fit le bonheur de son employeur pour sa
deuxième année en 500cc. Il termina deuxième en
1997 derrière son coéquipier Mick Doohan. En même
temps, l’Australien était injouable (oui, nous
parlons d’un pilote à 11 victoires sur 13 courses terminées). Puis,
un début de saison trop poussif le pénalisa en 1999, contre son
autre coéquipier en la personne de Álex Crivillé. Okada
n’en reste pas moins un immense pilote.
VI) Ralf Waldmann
Le voici. Avec 22 succès, il est l’homme ayant
glané le plus de victoires sans jamais avoir remporté un titre
mondial. La physionomie de sa carrière est différente. En effet,
l’Allemand était un spécialiste des petites catégories, et n’a fait
qu’une saison en 500cc au guidon d’une Modenas KR3. Jamais sa
vitesse sensationnelle ne suffit. En 125cc, il termina deux fois
troisième lors des saisons 1991 et 1992. Une campagne 1993 en
demi-teinte fut suivie par un passage en 250cc réussi. Lors de la
deuxième saison dans la catégorie, Waldmann montre les crocs.
Il remporte trois courses, monte quatre fois sur le podium
pour terminer… troisième derrière Biaggi et Harada. En
1996, il réalise l’exercice de sa vie. Ralf monte 13 fois sur le
podium en 14 courses disputées, et amasse quatre victoires
supplémentaires. Tout ceci pour échouer de nouveau face à
« l’empereur romain » Max Biaggi, roi des quarts de
litre. Un an plus tard, rebelote. Biaggi, pour deux points
seulement, est sacré pour la quatrième et dernière fois en Grands
Prix.
Malgré deux autres victoires en 250cc dont une mémorable lors du
Grand Prix de Grande-Bretagne 2000 sur le séchant, Waldmann ne
retrouva plus jamais son niveau. Mais cette période de sept années
sans quitter le top 5 d’un championnat est tout à fait remarquable.
Il fallait lui rendre hommage.
C’est tout pour aujourd’hui ! Bien sûr, nous aurions pu parler
de Sete Gibernau ou Wil
Hartog, mais la liste est déjà suffisamment longue.
Avez-vous d’autres noms en tête ? Pensez-vous que Rins et
Oliveira peuvent conjurer le mauvais sort ? Dites-le
nous en commentaires !
Photo de couverture : Ralf Waldmann à Suzuka en 1992, sur sa Honda RS125R du Zwafink Racing. Photo : Rikita