L’Allemagne est un grand pays de sports mécaniques,
personne ne sera surpris par cette information. Les grands
champions automobiles s’y multiplièrent, et certains, comme
Rudolf Carraciola ou Michael
Schumacher furent élevés au rang de légendes. En moto,
c’est un peu plus compliqué. Certes, la nation compte nombre de
champions du monde aussi talentueux les uns que les autres, à
l’image d’Anton Mang ou Dieter
Braun, mais pourtant, les pilotes d’outre-Rhin se font
globalement rares sur nos grilles en comparaison à leur apport à
l’industrie et aux circuits qu’ils proposent. Aujourd’hui,
revenons sur une manche unique dans l’histoire, où des Allemands se
sont imposés dans toutes les catégories.
Pour cela, il faut remonter à la saison 1974.
L’année débute en France de manière assez classique. À Charade, non
loin de Clermont-Ferrand, Phil Read s’impose en
500cc grâce à la casse de
Agostini. Les deux-pilotes MV Agusta
débutent en trombe. Jusqu’ici, rien à signaler.
Le deuxième rendez-vous, planifié pour le 28 avril, se tient sur le
Nürburgring. Ce circuit mythique, tantôt
effrayant, tantôt merveilleux, ne laisse déjà personne insensible
et sa dangerosité est maintenant avérée depuis bien longtemps.
La date interpelle ; les monts de l’Eifel sont en
proie aux mauvaises conditions météos, et ceux qui suivent les 24
Heures du Nürburgring n’apprendront rien. Pourquoi a-t-on
choisi le Nurb’ plutôt que Hockenheim ?
Mystère.
Ce Grand Prix est organisé dans le cadre de l’Eifelrennen, qui
comprenait également des courses automobiles, notamment le passage
du championnat DRM, l’ancêtre des DTM. Problème : le circuit semble
totalement inadapté pour les deux-roues. Dès les essais, le Suisse
Bruno Kneubühler et surtout Billie
Handerson chutent, et signalent la présence de rails de
sécurité dangereux pour les motards.
Dès lors, les équipes entrent en confrontation avec la direction de
course. Cette dernière ne veut rien savoir. Pour elle, les
conditions sont sûres et le tracé est tout à fait praticable.
Devant l’absence de réaction, toutes les marques engagées
boycottent purement et simplement la course. Une grève générale, en
quelque sorte. Enfin, pas exactement. Les départs
programmés, il faut bien les courir ! Les pilotes
locaux acceptent de prendre le risque.
Sur Kreidler, Ingo Emmerich s’impose en 50cc,
suivi d’un autre de ses compatriotes en 125cc, en la personne de
Fritz Reitmaier, sur Maïco. En 250cc et en 350cc,
c’est Helmut Kassner qui remporte les deux seules
courses de sa carrière, chevauchant une Yamaha. Finalement, en
500cc, Edmund Czihak triomphe devant son public,
lui aussi sur Yamaha.
Puis, viennent les side-cars. Étrangement, les pilotes avaient
décidé de braver le danger ; pas de boycott à signaler sur
trois roues. Mais là encore, c’est un duo allemand qui s’impose à
nouveau, à savoir Werner Schwärzel et son singe
Karl-Heins Kleis, sur König. Il
s’agit aussi de la première victoire d’un deux-temps dans cette
catégorie. Heureusement, aucun accident fatal n’est venu endeuiller
le mondial. Ce fut la dernière fois que les motos coururent à
l’Eifelrennen.
La FIM, souvent du côté de l’organisation, affirme que cette manche
aux résultats absurdes compte bel et bien pour le championnat du
monde. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces grèves sont
plutôt rares dans l’histoire, surtout quand l’on compare avec le
nombre de courses définitivement trop dangereuses tenues par le
passé.
Aujourd’hui, est-il encore possible de voir une telle
action collective, menée par les pilotes et les
marques ? Difficile à dire. Nous avons un temps cru à
cela lors du Grand Prix des Amériques 2021, tant le revêtement
était défoncé, mais finalement, la course eut lieu. C’est
bien triste, mais depuis 1949, ces luttes et les décès sont souvent
les seules manières de faire changer les choses.
Reverrons-nous de telles initiatives au plus haut niveau ?
Connaissiez-vous l’histoire de l’Eifelrennen 1974 ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Lothar Spurzem