Quel est le point commun entre Johann Zarco,
Jorge Martín, Enea Bastianini et
Pedro Acosta ? Tous sont passés par la
Red Bull Rookies Cup, la fameuse formule de
promotion réservée aux jeunes talents. Tous disposent de la même
moto et des mêmes chances. Il s’agit de l’une des académies les
plus fertiles. Depuis 2007, ce championnat a vu éclore de nombreux
grands noms. Pourtant, à un très jeune âge, il est parfois
difficile de confirmer d’aussi grandes attentes. Ensemble,
revenons sur les oubliés passés par les rangs de cette école de la
performance. Bien sûr, il ne s’agit pas de les dénigrer, bien au
contraire. Cette saga vise à mettre la lumière sur eux, mais aussi
à illustrer la difficulté du niveau mondial. Gardons à l’esprit que
les noms cités précédemment sont des exceptions, et que la majorité
des adolescents prometteurs se heurtent à des difficultés parfois
extra-sportives.
I) J.D. Beach
Avant 2013, la Red Bull Rookies Cup utilisait des KTM 125cc
deux-temps. Ainsi, la saison 2007 fut marquée par la domination de
Johann Zarco, qui devançait Lorenzo
Savadori, Luis Salom et Cameron
Beaubier. À la 13e place de cette campagne, on retrouve
l’américain James Douglas Beach, alors âgé de 16 ans. Il débute,
mais fait bientôt connaître son talent lors de la saison 2008.
Le combat pour la victoire oppose Beach et Salom, un autre
grand espoir. L’Espagnol remporte les deux premières
manches chez lui, avec la pole en prime. J.D n’est pas loin, et
termine deuxième lors des deux courses. Il enchaîne avec une
nouvelle deuxième place au Portugal, puis en France, ainsi qu’en
Italie. S’il ne rivalise pas avec ses adversaires principaux sur le
plan de la vitesse, J.D Beach impressionne par sa
régularité. Heureusement, il s’impose en Allemagne et accroche le
titre, devant des noms prestigieux à commencer par le regretté
Luis Salom. On y retrouve également Jakub
Kornfeil, Florian Marino et
Markus Reiterberger plus bas dans le
classement.
Mais Beach ne s’essaya pas au mondial, sauf pour une pige en Moto2
lors du Grand Prix d’Indianapolis 2011. Il se plaît chez lui, en
championnat AMA puis MotoAmerica. D’ailleurs, il a remporté le
titre Supersport US en 2015 et 2018, mais son talent ne s’arrête
pas à l’asphalte. J.D. s’est également fait un nom en flat
track, et continue d’écumer les pistes
outre-Atlantique.
II) Sturla Fagerhaug
Son nom ne vous dit probablement pas grand-chose. À vrai dire,
c’est lui qui a inspiré cette série d’articles. Sturla est l’un des
meilleurs jeunes passés par la Rookies Cup. Sa nationalité
norvégienne, rarement représentée en Grands Prix, en fait un profil
à part. Lui aussi était de la partie en 2007, lors de la
première édition. À 16 ans, il reste discret mais pas pour
longtemps. Dès lors, il s’affirme comme l’un des prétendants au
titre, non loin de Salom et Beach évoqués plus tôt. Il remporte
même la dernière course de l’année à Brno et se mue en favori pour
2009.
À la suite d’une saison âprement disputée, il s’incline contre
Jakub Kornfeil pour deux points seulement. Qu’à
cela ne tienne, son passage en mondial 125cc est organisé pour
2010. Sturla avait déjà disputé quelques piges en 2009, à côté de
son engagement en Rookies Cup. Au sein de la structure Air Asia, la
sauce ne prend pas. Hormis une belle 9e place en Allemagne, il
peine à rentrer dans les points. L’année 2011, disputée chez
WTR-Ten10 fut sa dernière au plus haut niveau. À seulement
20 ans, Sturla Fagerhaug prend sa retraite pour se consacrer à une
autre passion : les vagues. En effet, il s’agit
désormais de l’un des meilleurs surfers du pays. Un destin unique,
qui prouve, une fois de plus s’il le fallait, que tout va
extrêmement vite au très haut niveau. Parfois, un seul bon
résultat, une seule saison correcte peut changer votre vie, et
malheureusement, tous les jeunes ne peuvent pas goûter au
succès.
III) Jake Gagne
Bon d’accord, ce dernier n’a pas disparu. En tout cas, il n’a pas
eu la carrière qu’il aurait dû avoir, c’est une certitude au vu de
son immense talent. Né en 1993, l’Américain disputa l’édition 2008
et fut tout de suite performant, avec trois podiums en huit
courses. En 2010, c’est la révélation. Il prend le meilleur de tous
ses adversaires et s’empare du titre à 17 ans. Derrière lui, que du
lourd : Danny Kent, Niccolò
Antonelli et Brad Binder pour ne citer
qu’eux. Dès lors, il constitue l’un des principaux espoirs
américains, une nation qui peine à trouver un successeur à
Nicky Hayden.
Mais comme J.D. Beach avant lui, pas de mondial au
programme. Il effectua deux piges, et ironiquement, l’une d’elles
était également le Grand Prix de Indy Moto2 2011. Lui aussi
rejoignit le championnat national, mais non sans s’essayer au
Superbike en 2017 et 2018, d’abord en remplaçant de Hayden en
raison de son décès. Malgré quelques blessures, Gagne s’en sort
bien et s’immisce ponctuellement dans le top 10.
Quand Cameron Beaubier, l’autre espoir du
continent, prit le chemin du Moto2, Gagne se mit à briller en
MotoAmerica Superbike. En 2021 et 2022, il écrasa toute
concurrence. Sur les deux dernières années, il remporte 29 courses
sur 39 disputées au guidon de sa Yamaha, pour deux titres
consécutifs. Loris Baz, Danilo
Petrucci ou Héctor Barberá n’y purent
rien. D’ailleurs, les plus assidus d’entre vous l’auront aussi
repéré du côté de Portimão en Superbike, pas plus tard que l’an
passé, en wildcard. S’il n’est pas hors des radars, il est tout de
même dommage de ne pas l’avoir vu évoluer en Grands Prix.
Connaissiez-vous ces trois pilotes à qui les titres
mondiaux étaient promis ? Dites-le nous en
commentaires, et rendez-vous demain, même heure, pour le deuxième
épisode !
Photo de couverture : Sturla Fagerhaug par Motoracerports