Même si vous ne l’avez jamais vu courir, le nom
d’Agostini vous dit forcément quelque chose. Pour
beaucoup, il est le meilleur, le plus grand, celui qui ne sera
jamais égalé. Il faut dire que ses quinze titres mondiaux dont huit
en catégorie reine représentent un palmarès impressionnant. Au fil
de sa carrière, le « roi Ago » a accumulé
les
exploits en tout genre en raison de sa domination sans
partage. Nous pourrions parler de ses douze
titres mondiaux consécutifs en 350cc et en 500cc de 1967 à
1973, ou encore de sa série d’invincibilité longue de
vingt courses. Mais aujourd’hui, nous allons nous
pencher sur un autre haut fait, qui, pour nous, inscrit davantage
Ago’ dans la légende.
Lorsque l’on vous dit Agostini, la large majorité d’entre vous
pensent à MV Agusta, à raison. Sa relation avec le
constructeur italien s’étendit de 1965 à 1973, période où il a
engrangé des records aussi fous les uns que les autres.
Vient alors la question de la concurrence. En
350cc comme en 500cc, on remarque rapidement que le challenge était
largement à la portée de la machine, et que les adversaires avaient
du mal à se mettre au diapason. Cela n’enlève rien à la légende de
Agostini, mais l’on est obligé de reconnaître que la fin des années
1960 était sans doute la période la moins disputée dans toute
l’histoire. Ginger Molloy, Gyula
Marsovszky ou Keith Turner, tous
vice-champions du monde derrière Agostini, étaient de bons pilotes,
mais n’évoluaient simplement pas dans le même univers, dotés de
motos bien moins performantes.
Du point de vue de l’histoire, que manquait-il à
Agostini ? Après tout, il n’était pas responsable de
la pauvreté de la grille. Il pouvait se lancer un nouveau challenge
et repartir de zéro avec une autre marque. Défi
accepté.
Tout débute en 1973. Agostini se blesse à la jambe lors d’essais
pour MV, et durant sa convalescence, n’hésite pas à critiquer son
employeur ainsi que son coéquipier Phil Read.
L’année se termine, et Giacomo s’empare d’un énième titre 350cc.
Coup de tonnerre en décembre, où depuis Milan, la légende
annonce qu’il quitte MV Agusta pour Yamaha ! Le
constructeur japonais était déjà bien installé en petites
catégories, mais manquait cruellement de performance en 500cc.
Jarno Saarinen représentait un énorme espoir, mais sa disparition
en mai 1973 avait provoqué le retrait officiel de la marque,
désormais portée par
Bruno Kneubühler et Werner
Giger.
Dès lors, le défi est de taille. L’année 1974
s’annonce rude, avec trois constructeurs engagés à plein temps ;
une première depuis 1957. Gardez en tête que Agostini va souffler
ses 32 bougies, mais cela ne l’empêche pas d’être performant. Avant
même le début de saison, il s’impose aux 200 miles d’Imola mais
aussi au Daytona
200. Dès l’entame du championnat, le suspens en prend
un coup. Agostini triomphe au Grand Prix de France, catégorie
350cc, pour sa première sortie en mondial avec Yamaha. Dans le coup
en 500cc, un piston cassé a raison de l’exploit et laisse la porte
ouverte à son rival Phil Read.
Deux courses plus tard, Ago est déjà vainqueur en
500cc. Candidat au titre affirmé, il peine quelque peu en
raison de problèmes mécaniques récurrents. À mi-saison, MV Agusta
décide de se concentrer à 100 % sur l’engagement en catégorie
reine. Dès lors, le sacre 350cc s’ouvre pour Ago. Une fin d’année
hachée et ponctuée de blessures laisse le titre le plus convoité à
Phil Read. Heureusement, il parvient tout de même à
accrocher le titre 350cc en Yougoslavie, au bout de
l’effort.
Cette année 1974 était plus que prometteuse.
Yamaha était rapide, et le deux-temps usé en 500cc peut
définitivement rivaliser avec la concurrence. Au Paul Ricard, pour
la manche d’ouverture, la firme aux diapasons frappe un grand coup.
Elle remporte toutes les courses sur deux-roues, et bien sûr, c’est
Agostini qui se charge de la victoire en 500cc. Read est
gêné par la tenue de route hasardeuse de sa MV Agusta. Le
vrai tournant de la saison prend place à Hockenheim. Agostini et
Read sont tous deux en piste, et se livrent une bataille
sensationnelle pour la victoire. Le Britannique tire tout droit,
laissant les lauriers à l’Italien ; un coup
psychologique non négligeable.
Dans la force de l’âge, il est déchaîné. À Imola, il effectue une
remontée spectaculaire de la dernière à la deuxième place en 350cc,
et triomphe de nouveau en 500cc ! La piste est envahie
par la foule en délire, qui sent bien que le vent a
tourné. Certes, il est moins vite en 350cc depuis le début
de l’année. L’objectif principal reste le sacre en catégorie reine.
Giacomo est dans le dur à mi-saison, mais heureusement, Read et la
sensation Barry Sheene sur Suzuki se partagent les points.
Frappé par la malchance, il crève en Suède et doit laisser
le commandement du général à son ancien coéquipier.
Mais l’histoire est de son côté. En Finlande, il
remporte la course devant
Länsivuori, alors que Read et Sheene ne voient
pas la ligne d’arrivée ! Tout se jouera en
Tchécoslovaquie, du côté de Brno, pour l’avant-dernier Grand Prix
de la saison. Read est contraint de gagner, et doit espérer une
casse du côté de Agostini, ce qui n’est pas si rare à cette époque.
Le pilote MV Agusta démarre en tête, désireux de provoquer
lui même le destin. Quand on annonce la casse des deux
Suzuki, Agostini sait que c’est pour lui. Il gère la deuxième
place, et remporte son 15e titre mondial ! Les tenants et
aboutissants liés à ce sacre sont dignes d’un film : il
s’impose devant son rival, et met fin à 17 années de titres 500cc
remportés par des pilotes MV Agusta ! Il s’agit
également du premier championnat pour une machine deux-temps en
500cc…
Ce fut là son dernier coup de maître, son
« Nürburgring 1957 ». Revenu en partie chez MV
Agusta, il n’arriva pas à contenir la nouvelle génération, et
accumula bien trop d’abandons pour jouer quoi que ce soit. Après
une belle année 1977 chez Yamaha, sorte de tournée d’adieu,
Agostini s’effaça des circuits du mondial… au moins en tant que
pilote. Ces deux années 1974 et 1975 sont, selon nous, le
plus grand exploit d’Ago. Relever un challenge comme
celui-ci, tout en bataillant contre son ancien concurrent est plus
grand que d’enfiler les titres contre une opposition plus
faible.
Qu’en pensez-vous ? Aviez-vous en tête les années Yamaha de
Agostini ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Yamaha Community