Vous connaissez tous au moins un pilote que seul vous
semblez apprécier à sa juste valeur. Comme une injustice,
personne ne veut lui lancer des fleurs alors qu’il le mérite
amplement. L’épaisseur de l’histoire occulte bon nombre de
champions, comme nous avons pu le voir au cours d’une précédente
rétrospective. Dans le cas de Kent Andersson, cela
va bien au-delà : il s’agit de l’un des meilleurs pilotes de
l’histoire des petites cylindrées, et pourtant, son nom ne fait pas
autant frissonner qu’il le devrait.
Vous l’aurez sans doute remarqué à la lecture de son nom, Kent
Andersson ne vient pas des pays les plus empreints de sport moto.
Né à Landvetter, non loin de Göteborg, Kent est un suédois,
un vrai, qui arbore les couleurs du pays sur son casque comme son
compatriote Ronnie Peterson. Sa passion pour les motos et
la course débute à son adolescence, et il ne tarde pas à prendre
part à de multiples compétitions au niveau national à l’aube des
années 1960.
Très à l’aise en 250cc, il remporte le championnat suédois en 1965.
C’est en 1966 qu’arrivent les premiers succès
majeurs. Première victoire internationale en Belgique,
puis premiers engagements en mondial 250cc et 350cc, sur des
Husqvarna modifiées par ses soins. Immédiatement, on remarque ses
capacités. Kent est loin d’être ridicule, et n’est déjà pas
loin des trois premiers. Andersson ne se représenta qu’en
1968, le temps d’empocher un deuxième titre suédois et de courir
ici et là en Europe.
Pour son retour, il change de cible. Il se concentre sur quelques
wildcards en 125cc et 250cc, au guidon de machines privées ; MZ et
Yamaha en quart de litre. Cette dernière lui réussit plutôt bien,
en témoigne une belle troisième place en Allemagne pour la manche
d’ouverture. Ainsi de suite, il progresse, jusqu’à ce que
l’activité devienne sérieuse en 1969. C’est l’explosion de
Kent Andersson sur la scène internationale. En plus de
performer en 125cc sur Maïco, il mène la vie dure aux meilleurs
pilotes 250cc du monde. Kent remporte ses premières courses, et
garde le championnat en visu toute l’année durant. Sa Yamaha TD2
compé client est performante, mais pas autant que la Benelli de
Kelvin Carruthers, sacré champion. Deuxième
devant un Pasolini malchanceux, ce n’est pas trop mal pour une
première saison complète.
Immédiatement, sa vie change. Devant le talent indéniable du
suédois, Yamaha lui propose un guidon d’usine via son antenne
néerlandaise, en 250cc comme en 350cc. Andersson fait une campagne
exemplaire, terminant 3e et 4e
des deux championnats respectifs, avec huit apparitions dans le top
3 en seulement onze sorties. Puis le ciel s’assombrit. Touché par
les blessures, Kent passe au travers d’une année 1971 qu’il
entamait confiant. Yamaha décida de troquer son siège 350cc
contre une place en 125cc.
Mais ce n’était que partie remise. Lors de la saison suivante,
revoilà Andersson rapide et régulier. Il effectue une saison 125cc
remarquable, mais ne peut rien face à Ángel Nieto
en mission. De nouveau vice-champion avec trois victoires et cinq
podiums en neuf apparitions, il est favori au titre pour 1973. Le
Suédois ne déçoit pas. Il remporte les cinq premières courses du
championnat – hormis le Tourist Trophy, qu’il ne dispute pas – et
score encore deux autres podiums en Suède et en Finlande, son
jardin nordique. Il est titré loin devant Chas
Mortimer, et entre dans l’histoire en tant que premier et
– unique – Suédois couronné. De nouveau participant en 350cc, il
n’est pas ridicule et échoue à la sixième place du général.
Rester champion s’annonce ardu. Après une saison
en dessous, Nieto revient fort et Bruno
Kneubühler s’annonce tout aussi dangereux, lui aussi sur
Yamaha. Pourtant, personne n’arrive à accrocher la roue du Suédois.
En Autriche, Ángel tente un dépassement dans le dernier tour mais
chute. Andersson a l’avantage psychologique. À vrai dire,
il ne sort jamais du top 3, remporte cinq courses dont un
magnifique coup du chapeau en Suède, sur le tracé
d’Anderstorp. Il éblouit la planète moto et se joue de la
concurrence ; une nouvelle fois, il est titré avec de l’avance
sur ses poursuivants.
À 33 ans en 1975, il n’est plus engagé qu’en 125cc, mais cette
fois, la marche est trop haute. Malgré une féroce
bataille, les pilotes Morbidelli
Paolo Pileri et Pier Paolo Bianchi
sont sensiblement au dessus. 3e du championnat, il se retire de la
compétition et accepte la proposition de son employeur, qui lui
offre une place au département R&D. Il contribua massivement au
développement des 350cc trois cylindres Yamaha portées au firmament
par Katayama quelques années plus tard. En grand passionné,
il ne s’arrêta jamais de courir. Il se fit plaisir en
championnat suédois, puis lors d’exhibitions classiques jusqu’à sa
mort en 2006, à seulement 64 ans.
Trop souvent oublié à l’évocation des grands, Kent
Andersson mérite un hommage. Légende dans son pays mais
également pour la firme aux diapasons, l’histoire se souvient de ce
pilote complet, qui ne compte sept abandons en
carrière, contre 53 podiums et 17
victoires.
Connaissiez-vous cette figure historique ? Dites-le
nous en commentaires !
Photo de couverture : Andersson en 1973, ANEFO