Nous avons déjà traité pas mal de courses folles, du
mythique Tourist Trophy au Grand Prix d’Ulster. À
l’honneur, des héros de la route, dopés à l’adrénaline, qui voient
parfois la mort de près. Aujourd’hui, penchons-nous sur un autre de
ces Grands Prix légendaires, bien que moins populaire de nos
jours : Macao.
Créé en 1954, cet évènement est unique à plus d’un titre. Tout
d’abord, pour bien en comprendre les spécificités, il est essentiel
de revenir sur la ville, qui, elle-même, est singulière.
Macao, ou Macau, est une cité
chinoise située à l’extrême Sud-Ouest du pays, bordée par la mer de
Chine méridionale. Peuplée d’environ 650 000 habitants, c’est une
ancienne colonie portugaise et d’ailleurs, la langue y est encore
parlée. Comme Hong-Kong, Macao bénéficie du statut de « région
administrative spéciale » au sein de la république populaire
de Chine. Cela lui assure une certaine autonomie, d’autant que les
résidents tiennent à cette forme d’indépendance. Macao est
extrêmement riche ; en raison des casinos et de son statut
de « comptoir colonial ». Elle a longtemps figuré sur la liste
noire des paradis fiscaux de l’Union Européenne.
Revenons sur ce qui nous intéresse. À l’origine,
rien de plus qu’une simple course, réservée aux amateurs et tracée
en ville, exclusivement dédiée aux voitures. Puis, au fil du temps,
l’épreuve gagna en popularité, et s’étendit aux monoplaces, aux GT
et même …aux motos. Une fois que les professionnels s’y sont
intéressés, le Grand Prix est devenu un rendez-vous incontournable
pour les formules de promotion sur quatre roues, jusqu’à voir
gagner Ayrton Senna, Michael
Schumacher, son frère Ralf, David
Coulthard et bien d’autres. Dans la même semaine, vous
avez toutes ces disciplines réunies en un même endroit, ce qui,
jusque dans les années 1960, n’était pas si rare en Europe.
Mais aujourd’hui, il s’agit du seul évènement de ce
genre.
Pour les deux-roues, c’est un peu différent. Ils
sont introduits dans la ville en 1967, mais comprenez qu’un circuit
urbain représente un bien plus grand danger sur une moto que dans
une voiture. Le tracé, parlons-en. C’est aussi l’un des plus
spéciaux sur le globe. Le « Guia
circuit » débute par deux grands bouts droits tracés
sur des boulevards, larges au possible. Puis, quand vient le
premier virage à angle-droit – le mythique
« Lisboa » – c’est ici que les choses
sérieuses commencent.
S’en suit une enfilade de virages interminable, tous à l’aveugle,
ou presque, qui ne laissent aucun répit à quiconque s’y risque. Le
dénivelé n’épargne pas les coureurs, et la piste y est
encore plus étroite qu’à Monaco par endroits. Clairement,
il s’agit d’un des plus gros challenges pour un pilote moto. Il est
long de plus de six kilomètres et marqué par 26 virages tous aussi
ardus les uns que les autres. Un de ces tournants sort du
lot ; quand vous croyez en avoir fini avec l’étroitesse
caractéristique du tracé chinois et que la route s’élargit de
nouveau, vous voici confronté à
l’épingle de Melco, sans doute la plus serrée sur
terre. En voiture, certains pilotes inexpérimentés
sont bloqués en plein milieu du virage à 180° tant il tourne, et
sont contraint de faire une manœuvre en reculant pour s’en
affranchir ! Heureusement, l’agilité des motos permet
de passer sans avoir à se transformer en champion de
trial.
Côté palmarès, on y retrouve de grands noms. Le
premier champion significatif à gagner la course n’est autre que
Hideo Kanaya en 1975, pilote oublié s’il en est.
L’année suivante, le succès de Chas Mortimer
définit l’importance de la course. Puis vint Ron
Haslam, le premier spécialiste de Guia. En plus d’être bon
en mondial, le britannique en pinçait pour les courses sur route et
évidemment, il se devait de se présenter à Macao. Il y remporta six
éditions entre 1981 et 1987, ne laissant que des miettes à ses
adversaires. Dans les années 1980, l’épreuve est plus populaire que
jamais, aussi connue en France grâce à la bande dessinée Michel
Vaillant, via le tome Rendez-vous à Macao paru en
1983. La ville accueille même Kevin Schwantz en
1988, alors qu’il est un prétendant sérieux en championnat du monde
500cc ! Au guidon de sa Suzuki RGV500
« Pepsi », il dompte le circuit et la peur pour entrer
dans la légende.
Puis, les spécialistes ont débarqué. Devant
l’évidente dangerosité de la course, les top-pilotes du mondial se
font rares, et ceux qui sont les plus à même de relever le défi se
montrent ; à savoir les héros des courses sur route. Finalement,
Macao s’approche plus du Tourist Trophy que d’un Grand Prix 500cc.
Malgré la victoire de Didier de Radiguès en 1991, puis de Carl
Fogarty en 1992 – lui avait un pied dans les deux mondes, les
champions du TT dominent outrageusement les feuilles de temps.
Robert Dunlop, Steve Hislop, David Jefferies, Steve Platter et bien
d’autres ont soulevé le trophée. Mais le roi des lieux est un autre
larron. Michael Rutter, dit « la lame », est aussi l’un de ces
experts. Il triomphe pour la première fois en 1998, et égale le
record de Haslam en 2005. Mais ce n’est pas fini, puisqu’il gagne
encore trois fois, dont la dernière en 2019, à 47 ans ! Ces hommes
ne sont pas fait du même métal que nous.
De nos jours, l’évènement a considérablement perdu en popularité, à
l’image des autres courses sur routes de plus en plus
confidentielles. La stricte politique chinoise liée au Covid-19
n’aide pas les cadors à se présenter au départ. L’édition 2022 a
été remportée par le finlandais
Erno Kostamo, triple vainqueur de la
North West 200. Depuis toujours, c’est
l’automobile qui est privilégié, en particulier la Formule 3.
Cependant, dans toutes les catégories, les maigres possibilités de
dépassement rendent les courses ennuyeuses passé l’engouement pour
le pur spectacle relatif au danger. À suivre en fin d’année
2023 !
Connaissiez-vous cette épreuve d’un autre temps ?
Dites-nous ce que vous avez pensé de cette rétrospective en
commentaires !
Photo de couverture : Diego Delso