La simple évocation du nom de Geoff Duke suffit
à faire frissonner. Même si l’on a commencé à suivre le MotoGP et
son histoire très récemment (peut-être grâce à cette série
d’articles), impossible de rester insensible à sa grandeur. Il est
comme un Fangio ou un Nuvolari
sur deux-roues. Peu l’ont vu rouler, mais tout le monde sait que
c’est un monstre sacré. Penchons-nous sur son
histoire.
Geoffrey naît en 1923, grande année de sports
mécaniques. Dans sa jeunesse, il fait partie du service à
moto de l’armée britannique, le RSMDT. Gradé, il
éblouit tout le monde de par sa grande maîtrise. Rapidement, Duke
se fait un nom du côté de l’île de Man. Ses
performances sur le Manx Grand Prix l’amènent à
signer avec Norton pour le championnat du monde 1950. En
350cc comme en 500cc, il ne tarde
pas à faire parler la poudre.
Le « mondial » – uniquement centré sur le continent européen –
s’ouvre au TT de l’île de Man, le jardin de
Geoffrey. En catégorie reine, il accroche la victoire pour
sa toute première sortie au guidon de la machine d’usine. Toute la
grille remarque quelque chose d’étrange sur le valeureux
anglais : il porte une combinaison en cuir d’une seule
pièce ! En effet, Duke fut celui qui popularisa la
protection devenue légion.
Lors de cette saison 1950, Duke éclabousse la grille de son
talent. Il aurait pu être titré en 500cc si ce n’était
pour une « erreur » de la direction de course, qui
présenta le drapeau à damier un tour trop tôt à Monza ; une
situation étrangement favorable au local Umberto
Masetti bientôt champion du monde. Vice-champion dans
les deux catégories, personne n’était prêt pour ce qui allait
suivre.
Sa campagne 1951 est assurément l’une des plus impressionnantes de
toute l’histoire, à ranger aux côtés de celles
Mick Doohan en 1997 ou de Marc Márquez en
2019. En 350cc comme en 500cc, il ne laisse que des
miettes à ses adversaires et s’empare des deux titres. Si les
machines britanniques sont très performantes dans la première
catégorie, c’était moins le cas en 500cc puisqu’il faut remonter à
la 9e place du général pour retrouver une autre Norton. Il
gagne aussi les deux manches au Tourist Trophy, soit le premier
doublé sur la montagne depuis 1934 !
Même tarif en 1952, ou presque. Alors qu’il est
sur une série de dix victoires consécutives en 350cc, il est frappé
par la malchance en catégorie reine, notamment au TT où son
embrayage lâche. Une blessures à la hanche intervenue à mi-saison
met fin à son exercice, mais heureusement, il a pu accumuler assez
de point pour être titré en 350cc.
Pendant son absence, sa relation avec Norton s’était dégradée. Afin
de rester dans le coup, il signe avec Gilera, la
marque championne du monde en titre. Le mariage est évident et ne
déçoit personne. Uniquement engagé en 500cc, Geoff Duke s’en va
remporter trois titres mondiaux consécutifs en écrasant la
concurrence. Il acquiert ainsi un statut de
superstar. Belle gueule, le britannique (une nationalité
qui aide aussi à cette époque) est l’une des figures des sports
mécaniques, d’autant plus qu’il est aussi passionné par les courses
automobiles qu’il dispute à très haut niveau.
Sa carrière connaît un tournant à Assen en 1955.
Les organisateurs sont radins sur les primes accordées aux pilotes
privés, et de nombreux héros du championnat 350cc décident de
rentrer après quelques tours seulement pour témoigner de leur
colère. Ce mouvement de grève impromptu est soutenu par Geoff Duke,
mais la FIM ne l’entend pas de cette oreille. Réunies en novembre à
Londres, les hautes instances infligent de lourdes pénalités aux
pilotes et n’épargnent pas Duke pour montrer l’exemple : la
star écope d’une suspension de six mois, ce qui l’empêche de
débuter l’exercice 1956.
Malgré une victoire en fin de saison 1956, Duke a la
tête ailleurs. Puis, fin 1957, un groupe de constructeurs
italiens se retire du championnat, dont Gilera. Duke retrouve de la
vitesse en 350cc sur une Norton, ainsi qu’en 500cc, où il chevauche
une BMW puis une Norton. En Suède, il réalise un nouveau doublé et
empoche ses 32e et 33e victoires en carrière, un record. C’est là
ses deux derniers succès avant une ultime tournée d’adieu en 1959.
Le « Continental Circus » n’est plus le
même. Ddésormais dominé de la tête et des épaules par les officiels
MV Agusta (John
Surtees et Carlo Ubbiali), notre pauvre Geoff Duke, 36
ans, ne peut pas rivaliser.
Après sa retraite sur deux-roues, il vaqua a des occupations
diverses et variées, de directeur d’équipe à pilote de Formule 1 le
temps d’une course. Puis, il devint businessman sur l’île de Man,
avec, entre autres, la création d’une compagnie de ferries. Nommé
MotoGP Legend en 2002, le
sextuple champion du monde s’est éteint en 2015, à l’âge de 92 ans.
Sa disparition marqua l’île de Man, mais plus globalement,
tout le sport moto qui perdait l’un de ses plus grands
artistes.
Connaissiez-vous l’histoire de Geoff Duke ? Dites-le
nous en commentaires !7
Photo de couverture : ANEFO