Étrangement, la riche histoire des Grands Prix motos n’a
pas été marquée par tant de constructeurs. En près de 1000
rendez-vous, seules 18 firmes se sont imposées en catégorie reine.
Bien sûr, devant, on retrouve les deux mastodontes Honda et Yamaha,
avec respectivement 312 et 245 succès. Mais saviez-vous
qu’il y a des marques qui ne se sont imposées qu’une seule fois
? Ensemble, revenons sur ces cinq victoires particulières,
en 500cc ou MotoGP.
I) Aprilia, la plus récente
Comment ne pas débuter par celle de
Aleix Espargaró en 2022, à l’occasion du Grand
Prix d’Argentine. Personne n’a oublié cet effort face à
Jorge Martín, qui fait entrer Aprilia dans la
légende. La firme de Noale s’est construit un immense palmarès en
petites catégories, mais n’avait jamais joué devant en 500cc.
D’abord dans les années 1990 puis en MotoGP avec la
RS-Cube trois cylindres.
Le nouvel engagement datant de 2015 porte ses fruits quelques
années plus tard mais non sans mal. Après un partenariat avec
Gresini long de sept ans, Aprilia
semble enfin avoir trouvé ses marques et se rapproche toujours plus
d’un très bon classement. Malheureusement, une fin d’année 2022
absolument catastrophique interroge quant aux performances à venir.
À suivre en 2023.
Depuis le 6 août 2023 et la (magnifique) victoire d’Aleix Espargaró au Grand Prix de Grande-Bretagne 2023, la présence d’Aprilia dans cet article n’a plus lieu d’être. Mais laissons-là pour l’histoire !
II) Jawa, la puissance Tchécoslovaque
Dans les années 1960, la Tchécoslovaquie était un grand pays de
moto. La firme Jawa proposait des machines
performantes, et quelques pilotes talentueux du pays jonchaient les
grilles. C’était le cas de František Št’astný,
souvent considéré comme l’un des meilleurs de toute l’histoire de
la contrée. En plus d’écumer les courses hors-championnat, cette
légende locale était loin d’être ridicule au plus haut niveau. Au
début des années 1960, il était tout simplement l’un des meilleurs
pilotes en 350cc, catégorie dans laquelle il a remporté trois
courses sur Jawa.
Pas aussi à l’aise en 500cc, cela ne l’empêcha pas de réaliser un
très bon début de saison 1966. Après une troisième place à Assen,
il s’imposa en Allemagne de l’Est, sur le
Sachsenring, un peu miraculeusement il faut
l’avouer. Cela fut rendu possible grâce aux problèmes mécaniques de
Mike Hailwood, et à la chute de
Giacomo Agostini dans le dernier tour. Ainsi,
Jawa inscrivit sa première et seule victoire en catégorie
reine.
III) Sanvenero, la discorde de Nogaro
Disparue aussi vite qu’elle est arrivée, la petite entreprise
italienne a pourtant laissé son empreinte dans l’histoire en
remportant une course singulière. En 1982, le circuit de Nogaro est
sélectionné pour accueillir le traditionnel Grand Prix de France,
mais il est loin de faire l’unanimité. Les pilotes avaient
déjà critiqué le manque de sécurité lors du dernier passage du
mondial, d’autant plus que le complexe était assez
étriqué.
Après les essais, les discussions vont bon train. Kenny
Roberts, en première ligne quand vient la question du
traitement des pilotes, décide de s’en aller sans disputer la
course. La majorité des autres officiels le suivent. La grille en
prend un coup, mais comme c’est souvent le cas, le Grand Prix est
maintenu. Les pilotes français s’emparent de toutes les poles dans
les quatre catégories. Dès lors, on rêve d’un quadruplé inédit. En
125cc, Jean-Claude Selini sur MBA prend le
meilleur de ses adversaires. Il est suivi par Jean-Louis
Tournadre en 250cc, puis par Jean-François
Baldé en 350cc.
Reste la 500cc. Patrick Igoa et Jean
Lafond ont une belle chance de marquer leur temps sur les
500cc Fior équipées de moteurs Yamaha. Verra-t-on
un exploit français ? Pas de chance, puisque Michel
Frutschi, un Suisse, s’impose sur
Sanvenero dans ces conditions particulières.
Encore à l’heure actuelle, il s’agit de la seule victoire d’un
pilote helvète en catégorie reine.
IV) König, un succès dans la douleur
Yougoslavie 1973. Le monde de la moto pleure ses
morts, Jarno
Saarinen et
Renzo Pasolini, décédés une course plus tôt à
Monza.
Entre-temps, le Prix de Loka en Slovénie avait aggravé le bilan
humain de cette saison maudite. Quand les équipes
débarquent dans l’ancienne république fédérale, tout le monde est
sur ses gardes. Le circuit de Opatija, sur le
territoire Croate, fait débat en raison de sa dangerosité. Dans ce
contexte difficile, les pilotes MV Agusta, larges
favoris, craignent une nouvelle tragédie. D’ailleurs, ils courent
ici sous leur propre responsabilité. Aux essais, Phil
Read touche une pierre et c’est suffisant pour voir le
départ de la formation italienne.
Qui profitera de la situation ? Sans aucun
favori au départ de la course des 500cc, Kim
Newcombe sort du lot, là aussi aidé par les casses de ses
concurrents les plus sérieux. Le Néo-Zélandais
n’était pas mauvais. Pilote d’essai pour la marque allemande en
500cc, il avait déjà réalisé quelques podiums en mondial. La firme
König, spécialisée dans les moteurs de bateaux de
vitesse, prend ici sa seule victoire sur deux-roues. En effet, les
engins ont longtemps été appréciés par les pilotes de
side-cars ; Klaus Enders et
Rolf Steinhausen totalisent trois titres mondiaux pour le compte de
l’entreprise.
V) Linto, grâce à la fierté du comte Agusta
Dans les années 1960, MV Agusta marche sur les Grands Prix. En
1969, aucun suspens : Giacomo
Agostini remporte toutes les courses auxquelles il
participe. Puis vient le Grand Prix des Nations,
habituellement couru à Monza. Mais exceptionnellement, cette
saison, c’est Imola qui est chargé d’accueillir le mondial. Le
comte Agusta refuse d’envoyer sa marque courir sur ce tracé,
d’autant plus que Agostini est déjà titré en 350cc ainsi qu’en
500cc depuis bien longtemps.
Les outsiders s’en frottent les mains. Sur le
mythique circuit Dino Ferrari, Alberto Pagani,
fils de la légende
Nello, sort vainqueur. Il est au guidon d’une Linto,
une marque créée en 1968 par Lino Tonti. La moto est assez
originale, propulsée par un moteur issu de l’accouplement de deux
moteurs Aermacchi de 250cc. À son guidon, le suisse Gyula
Marsovszky termine même vice-champion du monde
500cc en cette même année 1969, loin derrière le roi Ago
et sans remporter la moindre course.
Connaissiez-vous ces victoires insolites ? Dites-le
nous en commentaires !
Photo de couverture : R.Ziletti