Quand l’on évoque les grands champions de l’hexagone,
on pense immédiatement à Fabio Quartararo ou
Johann Zarco. Si vous êtes – à peine – plus âgé,
les noms d’Olivier
Jacque et Christian Sarron ne
tarderont pas à sortir. Mais si le plus grand d’entre eux n’était
pas dans cette liste ? Alain Michel, champion du monde
side-car
1990, a définitivement sa place dans cette discussion mais sa
discipline le retient injustement. Aujourd’hui, penchons
nous sur la carrière de cette légende, n’ayons pas peur des
mots.
Né en 1953 à Montélimar, Alain se prend de passion pour la
compétition moto au début des années 1970. À ce moment là, il
s’agit bien de deux-roues, et le jeune drômois est loin d’être
ridicule avec de beaux résultats sur le plan national. Durant ces
années, il est même vice-champion de France 500cc derrière
Jean-François Baldé (vice-champion du monde 250cc
1981), ce qui prouve la qualité de son coup de guidon.
Pourtant, il juge l’expérience peu concluante, ce qui peut
paraître étonnant au vu de ses performances. Ainsi, il
s’essaye au side-car, cette catégorie
un peu étrange qui fait partie intégrante du
championnat du monde des Grands Prix. Très considérée à l’époque,
la discipline souffre d’un problème de compétition. BMW avait
écrasé le championnat pendant près de 15 ans, permettant aux
Allemands Max Deubel et Klaus Enders de se forger un palmarès
impressionnant.
Alain débute sa nouvelle aventure en 1975, et court déjà en 1976.
Il est rapide, tout de suite. Avec Bernard Garcia
dans son panier, il réalise un exploit pour sa première
participation en mondial, lors du Grand Prix de France au Mans,
terminé à la deuxième place. Dès l’année suivante, il est l’un des
meilleurs pilotes du monde. Alain remporte sa première course au
plus haut niveau au Castellet, cette fois avec
Gérard Lecorre dans le rôle du
« singe ».
La physionomie du championnat change quelque peu. Le duo
Rolf Steinhausen/Joseph Huber est titré avec un
Busch à moteur König. La catégorie se diversifie de plus en plus,
s’éloignant de l’hégémonie BMW. Michel troque son châssis
GEP contre un Seymaz, toujours
propulsé par un moulin Yamaha. En 1978, il entre dans une autre
dimension : celle des prétendants au titre.
À l’époque, aucun français n’avait été champion du monde, tous
sports mécaniques confondus. Malheureusement, si on peut le dire
ainsi, il tombe face à un autre talent sans pareil,
Rolf Biland, que l’on pourrait facilement
qualifier de plus grand pilote side-car de tous les
temps. Le Suisse prend le meilleur du Français pour
seulement trois points. Si cette place de vice-champion est
encourageante, elle prélude à une série de
désillusions.
Quatrième en 1979 avec Marcel Burkhard dans le
panier, puis troisième en 1980 avec cinq deuxièmes places. En 1981,
malgré huit podiums en neuf courses, il s’incline de nouveau contre
Biland et son non moins légendaire coéquipier Kurt
Waltisperg. Passé sur châssis LCR en
1983, les « singes » se succédant n’y changent rien.
Courir en side-car est difficile. Les moyens manquent parfois, et
les pilotes, même les meilleurs, s’occupent souvent de leur
mécanique. Alain est constamment battu, malgré une
régularité dans la performance remarquable.
Cependant, la porte s’ouvre en 1986. Désormais aux côtés de
Jean-Marc Fresc, Alain Michel est dans le coup
après une saison 1985 qu’il qualifie de
« catastrophique ». Tous les top-pilotes roulent
les LCR suisses, équipés de moteurs Yamaha TZ500. Le
Néerlandais Egbert Streuer, en tandem avec
Bernard Schnieders, est plus rapide en début de
saison. Mais notre duo français gagne en performance par la suite.
Plus que jamais, le titre est à sa portée. Ils sont même en tête à
l’entame du dernier weekend, à Hockenheim, et il leur suffit de
finir en 4e place pour enfin décrocher le Graal. Mais le sort
s’acharne. Son casque NAVA est mal attaché, en
raison d’une interview donnée pour TF1 dans les derniers instants
avant le départ. Cette mésaventure entraîne une cinquième place,
mais surtout, une victoire de Streuer. Les deux équipages
comptent 75 points, mais Streuer et Schnieders sont titrés en
raison d’un plus grand nombre de succès. Cruel. Encore
aujourd’hui, Alain Michel affirme qu’il s’agit du pire moment de sa
carrière, tant les circonstances sont dingues.
Les années passent et se ressemblent. Face au Britannique
Steve Webster, Michel souffre encore et toujours. Lui et
Fresc ne trouvent pas la solution même avec le moteur Krauser
désormais partagé par une majorité d’équipes. Pour la saison 1990,
Jean-Marc Fresc est remplacé par l’Anglais Simon Birchall.
La saison démarre parfaitement, avec une victoire au USA en plus de
la pole, suivie d’un podium en Espagne. Serait-ce enfin la
bonne ? À mi-saison, le principal rival est identifié, en la
personne d’Egbert Streuer. Tout aurait pu basculer
à
Rijeka. Birchall tombe du side-car à plus de 200 km/h
et se blesse à l’épaule. Heureusement, le docteur Costa
sauve la partie. Cette fois, pas question de se laisser
avoir comme en ‘86. Alain et Simon sont abonnés au podium, mais les
Hollandais en veulent tout autant. En arrivant sur le mythique
Hungaroring pour la dernière manche de la saison, ils pointent
largement en tête et s’offrent même le luxe de partir depuis la
pole position. Une sixième place suffit à tromper le
destin. Après quatorze saisons, dont huit passées dans le top 3 du
championnat (!), Alain Michel est enfin champion du monde des
Grands Prix ! Mieux encore : il devance Streuer, Webster et Biland,
soit les trois pilotes qui lui ont donné du fil à
retordre.
Une tournée d’adieu en 1991 et puis s’en va. À
déjà 38 ans, Alain raccroche le cuir avec tout de même 18
victoires et 77 podiums en 138
courses. Par la suite, il s’occupe du développement des
machines d’enduro GasGas, avant de progressivement
s’éloigner du monde de la moto. Il est important de rendre hommage
à un si grand palmarès, mais aussi et surtout, à un si grand
homme.
Connaissiez-vous l’histoire d’Alain Michel ? Dites-le
nous en commentaires !
Photo de couverture : BluesyPete