Anthony Gobert

Anthony Gobert n’est plus. Il était l’incarnation de la folie, du culot, et du talent naturel. Malgré une carrière – et plus largement une vie – en dents de scie, il a laissé une trace indélébile pour le sport moto. Voici son histoire.

« Ils disent qu’un chat possède neuf vies. J’en suis au moins à ma dixième ». Après avoir admis son addiction à l’héroïne en 2006 lors d’un procès pour excès de vitesse sans permis, le « wild child », ou « enfant sauvage », se résigne. La justice australienne le condamne à 300 heures de travaux d’intérêts généraux. Même s’il parvient à éviter la prison une nouvelle fois, les belles heures du mondial sont passées.

Car oui, avant tout cela, Gobert était un pilote professionnel. Un pur talent, doté d’un grand sens du dépassement. Tout commence à la fin des années 1980. Le jeune Anthony, né en 1975 non loin de Sydney, fait ses armes en motocross. Champion national sur terre, il décide de passer sur piste à l’instar de beaucoup d’autres jeunes de son âge. Immédiatement, c’est un succès. Alors qu’il domine le championnat Superbike australien en 1994, ses prouesses sont repérées par le petit monde du WSBK. Une wild card lui sera accordée pour les deux manches japonaises disputées sur le tracé de Sugo. Sur sa Honda RC45, il termine respectivement huitième et sixième, une très bonne entrée en matière.

 

Anthony Gobert

Anthony Gobert, à part.

 

Alors qu’il décroche un titre national, il est de nouveau invité à prendre part à une manche Superbike, mais cette fois, chez lui, sur une Kawasaki. À l’époque, nombreux sont les pilotes océaniques : Simon Crafar, Aaron Slight ou encore Troy Corser rêvent de briller sous ces latitudes. Pourtant, c’est bel et bien le « Go Show », 19 ans, qui vole la vedette. À la surprise générale, il décroche la pole position devant les ténors que sont Scott Russell et Carl Fogarty. Lors de la première manche, Anthony n’est pas timide et se frotte aux champions, terminant troisième.

Parti de nouveau depuis la première position, Gobert s’impose magistralement en deuxième manche et devient le plus jeune vainqueur en WSBK. Rarement avait-on vu un talent brut aussi rapide, incisif et déterminé. Assurément, c’était l’avenir. L’équipe Muzzy Kawasaki saute sur l’occasion et engage le prodige à temps complet l’année suivante. D’abord discret, il se révèle à mi-saison et nous gratifie de moments légendaires. Grâce à une régularité digne des plus grands, il parvient à se hisser quatrième au général en 1995.

 

Si vous êtes dans la situation d’Anthony Gobert ou plus largement, que vous souffrez d’addiction, vous pouvez vous en sortir. Photo : Muz

 

L’ambition était grande pour 1996 mais une vilaine blessure vient entacher sa saison, le contraignant à abandonner le guidon pendant plusieurs mois. Après avoir manqué quatre courses, son retour est programmé pour… Phillip Island. L’enjeu est nul, mais « Go Show » régale les spectateurs en s’imposant par deux fois. Nous tenons ici le futur successeur de Mick Doohan, tout simplement.

À 22 ans en 1997, le voilà déjà dans le box Suzuki usine en Grands Prix 500cc. Stuart Shenton, vétéran du paddock MotoGP et chef mécanicien de légende, décrit Anthony de la manière la plus honnête possible : « Gobert ne voulait jamais rien changer. Nous avons eu les plus hautes températures de freins avec lui. Quand on lui proposait un nouveau réglage après qu’il ait mis la fourche en butée, il s’en fichait, ça lui allait bien comme ça ». Un tempérament déroutant.

« Après des essais sur le circuit d’Eastern Creek, nous attendions tous ses premiers retours sur la machine. Anthony s’est assis, et les six ingénieurs japonais étaient prêts à prendre des notes. « J’ai besoin de deux choses : une « danseuse » à l’arrière du garage et des bières dans un frigo » nous dit-il avant de se lever et de s’en aller. Les nippons étaient scotchés » poursuit Stuart dans les colonnes de Motorsport Magazine.

Selon ce dernier, le « wild child » était un plus grand talent que Freddie Spencer, c’est dire. En 1997, les résultats sont loin d’être mauvais (cinq top 10 en neuf courses) mais les premiers problèmes pointent le bout de leur nez. L’aussie est contrôlé positif à la marijuana, résultant en un licenciement avant la fin de saison. Parti aux USA pour le championnat AMA, il ne retrouva plus jamais son niveau d’antan malgré quelques fulgurances. Côté GP, nous l’avons aperçu quelques fois en 1999 sur une Muz Weber, puis en 2000 sur une Modenas à Donington. Ce fut la dernière apparition d’Anthony en mondial.

 

Anthony Gobert

Gobert sur Suzuki. Photo : Dieter Gerhards

 

Entre temps, son addiction à au cannabis lui avait coûté sa place outre-Atlantique. L’an 2000 est marquée par une magnifique victoire en WSBK sous la pluie, toujours sur les collines de Phillip Island (tout un symbole), alors qu’il pilotait une Bimota peu performante. La suite est une descente aux enfers. Il tenta des retours infructueux aux États-Unis, mais fut de nouveau lourdé pour conduite en état d’ébriété. En 2006, son addiction aux opioïdes éclate au grand jour. Ses démons, depuis, ne l’ont malheureusement plus jamais quitté. À la suite d’une altercation dans un restaurant en 2019, Gobert est victime d’une agression en bande organisée à son domicile. Défiguré, il ne passe pas loin de la mort.

Anthony était une étoile filante. Ses deux frères avaient confié, il y a quelques jours à peine, son admission en soins palliatifs. Dès lors, son destin ne faisait plus de doutes. Sa mère a déclaré, il y a peu : « Il a malheureusement été victime de ses addictions. Il a souvent essayé d’aller mieux, mais n’y est pas parvenu. »

Qu’il repose en paix.

 

Go show.

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