Après avoir traité nombre de constructeurs oubliés,
vient le tour de Morbidelli. La firme, qui
n’a aucun rapport avec Franco Morbidelli, est
historique, titrée à de nombreuses reprises en championnat du monde
des Grands Prix. Tout commence avant la Seconde Guerre mondiale,
dans la paisible ville de Pesaro.
Giancarlo Morbidelli, industriel spécialisé dans
la transformation du bois, travaille d’arrache-pied sur ses
machines de précision. Ce dernier n’a qu’un rêve en tête :
Construire des motos. Pour le moment, il doit se contenter de
fournir des éléments de carrosserie à de nombreux constructeurs
automobiles.
Le patron est très doué. Après la guerre, sa petite entreprise
emploie 300 personnes, une masse salariale non négligeable. Sa
passion pour les motos de courses ne fut pas entamée par le
conflit, bien au contraire. Installé, il débute la fabrication de
châssis et moteurs, financée par ses autres
activités, en 1960, date de création officielle.
C’est ici, sur les bords de l’Adriatique, que seront construits les
prototypes si performants. C’est en 50cc que l’aventure débute à la
fin de la décennie.
La catégorie, peu coûteuse, permettait à divers constructeurs de
mettre un pied dans le mondial sans risquer la faillite.
À chaque équipe son pilote de renom. Celui de Morbidelli s’appelle
Gilberto Parlotti. Il ne vous dit sûrement rien,
mais son rôle dans l’histoire est particulièrement important.
Engagée en 125cc dès 1971, la marque se met à gagner dès l’année
suivante grâce à l’italien. Pourtant, le sort ne fait pas
de cadeau à la star montante.
Parlotti meurt au Tourist Trophy de l’île de Man, manche au
calendrier du championnat du monde. La météo, très pluvieuse,
ralentit considérablement les secours. Sa disparition marque
Giacomo Agostini, qui ne courra plus jamais le
long de la montagne. Dorénavant, le départ ne sera pas donné si la
météo ne permet pas à un hélicoptère de décoller; la règle
est encore en vigueur de nos jours.
Morbidelli ne s’arrête pas là pour autant. En s’inspirant des
travaux de Suzuki et Kreidler
dans les petites catégories, la firme des Marches remporte son
premier titre mondial en 125cc lors de la saison 1975. L’italien
Paolo Pileri devance un autre officiel Morbidelli, assurant le
titre constructeur.
En 1976, c’est Pier Paolo Bianchi qui s’occupe de
la 125cc, avec un autre titre constructeur à la clé. La saison
suivante est celle de la consécration. Bianchi s’adjuge un nouveau
titre 125cc, tandis que le talentueux Mario Lega
s’offre la 250cc (à l’aide d’un moteur Yamaha), catégorie disputée
par des constructeurs de renom.
Cette époque est aussi celle du changement. Voyant plus large,
Morbidelli s’associe à Benelli Armi pour fonder MBA, visant à peser
plus lourd sur le marché. Deux nouveaux titres 125cc viendront
trôner dans l’armoire à trophées : en 1978 avec Eugenio
Lazzari et 1980 avec le fidèle Pier Paolo
Bianchi.
Après un court essai infructueux en 500cc, Morbidelli cesse son programme course en 1982. Comme beaucoup d’autres firmes mythiques, elle ne résista pas à l’invasion japonaise des années 1990. La construction d’un modèle V8 intriguant n’empêcha pas l’arrêt de la production à Pesaro.
Gianni, fils de Giancarlo, aura une carrière honnête avec un
passage en Formule 1, marqué par un podium à l’occasion du
Grand Prix d’Australie 1995. L’histoire de Morbidelli,
comme d’autres, est une affaire de passion. Un monde ou le chiffre
ne compte pas, où l’émotion dicte la marche à suivre. Si vous
passez un jour par la ville, n’hésitez pas à faire un crochet par
le musée, histoire de vous replonger dans une époque bien
(trop) lointaine.
Photo de couverture : RedHawkRider