Certains pilotes n’ont pas besoin de courir pendant des
décennies pour marquer l’histoire. C’est le cas de Bill Ivy, qui
eut une existence courte mais tellement intense. Aujourd’hui,
penchons-nous sur la carrière de « little Bill », aussi
belle que tragique.
C’est à l’âge de 17 ans que Bill s’intéresse aux courses
motocyclistes. Né en 1942 dans le Kent, il se fait la main sur des
50cc avant de participer, dès 1962, à son premier Tourist Trophy.
Sur la montagne, les légendes se font et se défont.
Par la suite, il continue d’écumer les circuits Britanniques sur
différentes machines. Ivy ne fait que progresser, et bientôt, est
récompensé pour ses efforts.
En 1965, le voilà au départ du Grand Prix des Pays-Bas en tant que
wild-card, où il termine 4e en 125cc sur une Yamaha. Le
pilote titulaire Mike Duff se blesse lors des essais au
Japon. À Suzuka, la marque au diapason doit trouver une
solution ; le Canadien est hors-course. Ainsi, elle fait décoller
Bill Ivy pour un remplacement au pied levé. En 125cc, il performe,
mais surtout, monte sur le podium en 250cc. Le meilleur résultat
d’une Yamaha dans ces catégories, sur ce week-end, est pour lui.
Naturellement, Yamaha l’embauche en 1966, à plein temps
cette fois. Voici le début d’une grande histoire.
Chargé de remporter le championnat 125cc, il ne perd pas de
temps en s’imposant dès la première course de la saison en Espagne.
Aux côtés de
Phil Read, l’équipe est dévastatrice. Read
aide même Ivy à triompher sur le circuit d’Assen en retardant les
Honda. Puis, nouvelle victoire au TT exceptionnellement
tenu fin août. Pourtant, Luigi Taveri s’impose au
général pour une courte tête, malgré une année folle signée par le
jeune rookie.
Qu’à cela ne tienne, le rendez-vous avec l’histoire est pris pour
1967. Cette fois, le voilà engagé en 125cc mais aussi en
250cc. Dans la première de ces classes, Bill surnage,
performe mieux que tout le monde et ne quitte jamais les deux
premières places quand il voit la ligne d’arrivée. Avec huit
victoires en onze courses, il remporte aisément son premier
titre de champion du monde devant Phil Read.
En quart-de-litre, il était presque aussi dangereux et ne termine
qu’à quatre points de son coéquipier, lui-même dauphin du
grand Mike Hailwood. Le Grand Prix du Canada 250cc est la
seule course qu’il n’a pas terminé dans les trois premiers, en 19
manches achevées. La raison est intéressante. Mieux parti que Read,
il voulut laisser son coéquipier marquer les points de la deuxième
place, et s’arrêta aux stands. Un beau geste qui aura son
importance.
Yamaha se sent dominant. Ainsi, en 1968, elle décide d’attribuer
des championnats à ses pilotes. Phil Read devra être favorisé en
125cc, tandis que l’équipe jouera pour « little Bill » en
250cc. Malgré une vitesse ahurissante, Bill Ivy respecte
les consignes. Alors qu’il est le premier à passer
la barre des 100 miles à l’heure de moyenne sur un tour au Tourist
Trophy en 125cc (le fameux ton),
il s’arrête dans la dernière boucle pour demander à des spectateurs
quel était le classement. Il se plie aux ordres et laisse ainsi
Phil triompher.
À Brno, Phil Read remporte le titre 125cc conformément à ce qui
avait été prévu avant l’entame. Mais il faut noter un détail ;
à cause de problèmes mécaniques récurrents, ce même Phil était
resté au contact de Bill en 250cc. On sent Read moins
enclin à laisser la victoire à son coéquipier, et de
nouveaux problèmes mécaniques pour Ivy provoquent un casse-tête au
sortir du GP des Nations, dernière manche du championnat : les
deux sont à égalité parfaite, avec le même nombre de points, de
victoires et de deuxièmes places.
Qui est champion du monde ? La FIM doit trancher. Elle se réfère
à une ancienne règle prévue à cet effet ; on compare le temps
passé en piste lorsque les deux ont franchi la ligne d’arrivée, ce
qui est arrivé à quatre reprises sur la saison. Pour deux
minutes et cinq secondes, Phil Read est couronné malgré les deux
réclamations posées par Bill. Terrible scénario, qui relève presque
de la trahison.
Début 1969, Yamaha se retire des Grands Prix. Il
n’en fallait pas plus pour que Bill Ivy, à seulement 26 ans, prenne
sa retraite afin de se concentrer sur sa carrière en Formule 2. La
couleuvre n’est pas passée. Entre temps, il se prête à une autre de
ses passions, les cascades pour le cinéma. En 1965, on avait même
pu l’apercevoir dans le James Bond Opération Tonnerre.
L’appel de la piste est plus fort que ça.
L’Anglais montre des bons résultats sur quatre roues, mais ne peut
résister à un coup de fil de la firme Jawa,
engagée en 350cc. Étonnement, il est très rapide à son guidon et
fait même jeu égal avec
le grand Giacomo Agostini.
Mais sur le Sachsenring, sa vie bascule. Lors de la dernière séance
d’essais, son moteur quatre cylindres serre, et malheureusement,
Bill est occupé à régler son casque et ses lunettes. Il ne
peut prendre l’embrayage à temps, et finit projeté contre un
muret. Sans protection sur la tête, il est gravement
touché et décède seulement trois heures plus tard à l’hôpital.
Sa mort est un choc pour tout le Continental
Circus. Bill Ivy n’avait que 26 ans, et un réel
talent qui aurait pu le propulser au sommet. Rendez-vous
compte ; En 46 départs, il compte 42 podiums et 21
victoires. Énorme.
Connaissiez-vous la tragique histoire de Bill Ivy ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Bill Ivy au GP des Pays-Bas 1967. ANEFO