De l’introduction des 990cc quatre temps à l’ECU unique
en passant par la suppression des side-cars, de nombreuses
réglementations ont largement altéré l’écosystème des Grands Prix motos. Parfois,
certaines décisions des acteurs eux-mêmes portent atteinte à
l’équilibre sportif de toute une catégorie ; c’est de quoi il est
question dans cette rétrospective. Nous l’avons évoqué des dizaines
de fois sans jamais y consacrer un article. C’est maintenant chose
faite ; voici l’histoire de la fin de l’âge d’or des Grands Prix,
ou plutôt, du schisme de 1957.
En 1949, le championnat du monde motocycliste est lancé. En
réalité, il ne s’agit que d’un championnat d’Europe tant la
pratique est populaire sur le vieux continent. La sauce prend, et
de nombreux constructeurs sont engagés officiellement. Un peu avant
et un peu après, les pays dominants sont au nombre de deux ;
le Royaume-Uni et l’Italie.
Durant l’entre-deux-guerres, ces deux pays surclassent assez
largement les sports mécaniques, même si les Britanniques
laissèrent leur place aux Nazis sur la fin des années 1930. Moins
intéressés par les deux-roues que par les Grands Prix automobiles,
les Allemands n’étaient pas si invasifs au sein des compétitions
motocyclistes, si l’on excepte les side-cars.
Ainsi, les premiers titres mondiaux sont décernés et leur issue
n’est dictée que par la performance des machines d’outre-Manche ou
transalpines. La botte est fournie en grands pilotes, à l’image de
Nello Pagani, Carlo Ubbiali ou
encore Umberto Masetti. Les Anglais, eux, sont représentés par la
première superstar en la personne de
Geoff Duke, entre autres.
Le championnat suit son cours dans les années 1950. En
revanche, la saison 1957 démarre mal. En effet, deux
marques britanniques historiques ont décidé de mettre fin à leur
activité de manière officielle ; Norton et
AJS. L’Allemand DKW cesse à son
tour, et BMW, à l’époque engagé en moto, limite
son investissement à une seule machine 500cc. Clairement,
on se dirige vers une domination italienne absolue.
Ça ne manque pas. Toutes les courses deux-roues sont remportées par
les machines latines, réparties en plusieurs marques à savoir
MV Agusta, FB Mondial (champion
en 125cc avec Tarquinio Provini et en 250cc avec
Cecil Sandford), Moto Guzzi
(champion 350cc avec Keith Campbell) et enfin,
Gilera (champion 500cc avec Libero
Liberati).
Les anciennes Norton privées ne peuvent absolument
rien y faire, et ne parlons même pas des quelques
Matchless dans les méandres du classement. La
domination italienne est absolue, et ce dans toutes les catégories
excepté les side-cars, ou BMW aidait – semi-officiellement – les
légendes Fritz Hillebrand et Manfred Grunwald, mais vous
l’aurez compris, c’est une catégorie un peu « à
part ».
Dès lors, l’avenir n’est pas rose car le Royaume-Uni est de moins
en moins impliqué dans la fabrication de machines performantes.
Mais le 26 septembre 1957, le ciel s’assombrit encore un
peu. Moto-Guzzi, Gilera et FB Mondial annoncent
conjointement leur retrait de la compétition. Est-ce la fin
du championnat du monde, moins de dix ans avant sa
création ?
La hausse des coûts est mise en avant, tout comme la mauvaise image
dont pâtissent les sports motos en Italie tant ils sont devenus
dangereux. La décision est brutale, y compris pour les
pilotes qui apprennent leur licenciement dans la
presse ! Ducati reste, tout comme MV Agusta, qui, un
temps, a pensé à stopper également. Si la première firme mentionnée
était relativement discrète (avec un engagement limité en 125cc
pour 1958), la seconde était déjà performante. En l’absence de
toute concurrence, va-t-on assister à une domination outrancière de
MV Agusta ? Oui.
Début 1958, la FIM ne sait pas quoi faire pour redonner de
l’intérêt à ses compétitions. Les carénages intégraux sont
interdits, mais ça ne fait pas revenir les précédents acteurs. Les
usines sont au nombre de cinq, toutes catégories confondues. Parmi
elles, BMW (avec Goeff Duke au
guidon, on peine à le croire), CZ,
MZ, Ducati et MV
Agusta, représentée dans les quatre cylindrées.
Pendant les années suivantes, on réserve la 125cc et la 250cc à
Carlo Ubbiali, pendant que
John Surtees se charge de la 350cc et de la 500cc.
Voilà, vous savez maintenant d’où viennent ces titres en pagaille,
ces saisons à 100 % de victoires et les légendes que sont
Gary Hocking, Mike Hailwood,
Phil Read et surtout, Giacomo
Agostini.
La domination MV traîna jusque dans les années 1970 et
le roi « Ago » profita largement de cette période sans
concurrence jusqu’à ce que les Japonais viennent mettre de l’ordre,
d’abord en petites catégories puis en 500cc.
Et si. Et si le schisme de 1957 n’avait jamais eu
lieu. Valentino Rossi serait-il définitivement le plus
grand pilote de tous les temps ? Giacomo Agostini aurait-il le
même palmarès ? John Surtees serait-il champion de
Formule 1 malgré tout, s’il n’avait pas tout gagné en
500cc ? Tant de questions qu’il est inutile de se
poser, mais dont la réponse est amusante à imaginer.
Connaissiez-vous cette histoire qui façonna la face des
Grands Prix ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : John Surtees au Grand Prix des Pays-Bas 1960. Photo : ANEFO