Certains pilotes sont heureux de s’imposer dans leur pays. Courir sous les applaudissements de ses fans est toujours sympathique, même si cela ajoute une pression supplémentaire. Maintenant, imaginez que vous, amateur, remportiez un Grand Prix 500cc disputé à moins d’une heure de votre domicile. C’est l’histoire de Richard « Dick » Creith, pilote oublié des années 1960 qui a réalisé le rêve de beaucoup ; gagner dans la plus prestigieuse des catégories sur son sol, presque dans son jardin.
Richard naît en 1938, dans la petite bourgade de Bushmills. Peuplée d’un peu plus de 1200 âmes au dernier recensement, elle se situe au sommet de l’Irlande du Nord, à l’embouchure du fameux North Channel. La vie y est paisible, et les jeunes adolescents se livrent à des courses motos, sur route.
Ça ne vous a pas échappé : l’Irlande du Nord est un territoire de courses aussi dangereuses qu’épiques. En plus d’avoir donné naissance à la famille Dunlop, la nation constitutive du Royaume-Uni accueille deux des plus grands évènements de ce genre. D’un côté, la North West 200, et de l’autre, le Grand Prix d’Ulster. À la fin des années 1950, ces deux courses sont très respectées et l’Ulster compte même pour le championnat du monde motocycliste, l’équivalent du MotoGP.
Notre bon vieux Dick Creith, fermier, progresse d’année en année mais tout en restant au stade amateur, lui qui n’ose pas rêver de croiser le fer avec les concurrents du Continental Circus. Sa catégorie de prédilection n’est autre que la 500cc, sur une bonne vieille Norton, des motos privilégiées en raison de leur coût raisonnable mais déjà largement dépassées.
C’est donc motivé qu’il se présente au départ du Grand Prix d’Ulster 1959, sans prétentions bien sûr. De toute manière, un abandon coupe court à ses ambitions. Mais en passionné, Richard « Dick » Creith revient, et enregistre même une honnête 22e place. Devant, ça ne plaisante pas. John Surtees règne en maître sur la catégorie, même s’il se fait battre en 1960 par John Hartle en raison d’un sélecteur cassé.
Dick revient deux ans plus tard, sans pouvoir prétendre à beaucoup mieux même s’il a progressé. En 1964, c’est le déclic. Il remporte la « NW200 », et enregistre une deuxième place au GP d’Ulster en 500cc, uniquement derrière le légendaire Phil Read ! Incroyable.
Il faut dire que l’absence du constructeur MV Agusta sur ces courses favorisait l’exploit, mais tout de même. En 1965, il remet ça sur le triangle de la North West, avec un deuxième succès consécutif dans la plus prestigieuse des catégories. Puis vient le Grand Prix d’Ulster, la fameuse manche qu’il attend chaque saison, et pour laquelle il abandonne sa ferme non loin afin d’assouvir sa passion.
Les pilotes MV ne sont pas là, comme d’habitude, mais la concurrence n’y est pas moins rude. Jack Findlay et Paddy Driver sont loin d’être des manches. La pluie Nord-Irlandaise fait son apparition, ce qui profite à notre Dick. Sous les applaudissements du public, le fermier du coin s’impose en 500cc ! D’ailleurs, cette seule victoire lui permet de figurer à la 6e place du championnat du monde.
Ce sont ces destins étranges qui ont fait la grande histoire de notre sport préféré. Certes, Dick Creith n’était pas le meilleur pilote, et sa Norton, sans doute pas la plus affûtée non plus. Toujours est-il qu’il a réalisé un exploit dont nous rêvons tous, alors n’attendons pas son décès pour lui rendre hommage. Cette course fut son dernier engagement en carrière, mais pas sa dernière apparition. Il est possible de trouver des interviews de lui, dont une datée de 2009 que vous pouvez découvrir en cliquant ici.
Connaissiez-vous ce destin atypique ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Le TT Assen 1965, par ANEFO