Pilote emblématique des années 2000, Toni Elías
vit maintenant des jours heureux aux États-Unis. L’occasion de
revenir sur sa riche carrière, ponctuée d’un titre acquis en 2010.
Cet épisode fait suite à la première partie, parue hier et trouvable ici
même.
Après une difficile année rookie en 2005, le jeune espagnol
continue sa progression avec l’équipe Fortuna en
2006, maintenant équipée de Honda RC211V. La nouvelle machine
semble convenir au pilotage d’Elías. Dès la manche d’ouverture,
il termine quatrième en bataille pour la troisième
place.
Malheureusement, le reste de la saison n’est pas au niveau attendu
par l’équipe. Fortuna compte même s’en séparer. Vient
l’avant-dernière course de la saison, à Estoril au Portugal.
Valentino Rossi, comme souvent dans ces années-là,
s’élance depuis la pole position.
Il faut dire que le contexte de cette course est particulier :
« The Doctor » joue le titre contre
l’officiel Repsol Honda Nicky Hayden, et peut d’ores et déjà mettre
une main sur le trophée en cas de bévue de l’Américain. Seulement
voilà : Toni Elías est dans une forme
olympique, jouant dans le groupe de tête.
La course bascule quand Dani Pedrosa envoie son coéquipier au
tapis. Hayden, par terre, doit
regarder des stands une fin de course historique. Rossi se démène
mais n’arrive pas à surpasser Elías. Il faut dire que ce circuit
lui a porté bonheur par le passé; c’est l’un de ses préférés, il y
compte deux succès en 250cc.
Les deux larrons ne se quittent pas jusqu’à la dernière ligne
droite. Incroyable ! Ils semblent franchir la ligne d’arrivée
en même temps. La photo-finish est nécessaire pour désigner un
vainqueur. La vidéo est formelle : pour deux millièmes de
secondes, il s’agit bien de Toni Elías.
Cette course est historique à bien des égards. Tout d’abord, l’écart à l’arrivée est le plus faible jamais enregistré en MotoGP. C’est aussi la dernière victoire d’une équipe privée – en l’occurrence Fortuna Honda – avant une décennie ! Il faudra attendre l’ère de l’E.C.U unique et Jack Miller à Assen en 2016 pour revoir un tel accomplissement.
Le contrat de Toni Elías, en danger avant la
course, est renouvelé pour l’année suivante. Pourtant, rien ne se
passe comme prévu. Après un début de saison honnête, marqué par une
deuxième place en Turquie, c’est la dégringolade.
Pour couronner le tout, Toni se casse la jambe à
Assen. Forcé de manquer trois courses, il revient
en bonne forme. À Motegi, il monte de nouveau sur la boîte mais
c’est déjà trop tard.
L’équipe le remercie après une douzième place au général. Il essaye
de rebondir chez Ducati Alice Team en 2008, puis
chez San Carlo Gresini en 2009. Trois podiums en
deux ans ne peuvent masquer la flagrante irrégularité de
l’espagnol. Que faire ? Partir en WSBK ? Retraite
prématurée ? Continuer à sous-performer en MotoGP ? La
question se pose.
Le choix est tout autre. Il décide de redescendre en catégorie
intermédiaire, qui change d’identité pour 2010. Le Moto2, des 600cc
Honda 4 temps, remplace les 250cc. Au vu des innombrables châssis
disponibles, le principal enjeu est de faire le bon choix. Toni
Elías opte pour Moriwaki, historique
préparateur japonais.
Pari gagnant. Au cours d’une saison endeuillée par
la disparition de Shoya Tomizawa à Misano, Elías
démontre tout son talent en s’imposant en général. Un premier titre
de champion du monde bien mérité (7 victoires, 8 podiums et 3 pole)
pour un pilote au grand cœur.
Le retour en MotoGP pour 2011 – chez LCR Honda – ne fut pas une
bonne idée. L’année infructueuse laissa place à une nouvelle
descente en Moto2. Cette fois, la vitesse n’y était plus. Depuis,
Toni Elías s’est consacré au WSBK ainsi qu’au championnat de
Superbike américain, dont il fut sacré champion en 2017.
La fin de carrière de Toni Elías est assez triste, lui qui avait
tant de talent. Parfois, des rendez-vous sont manqués, c’est ainsi.
La MotoGP n’était pas faite pour lui, tout simplement. Pourtant, en
2006, il régala la terre entière (tout du moins une partie), en
délivrant une performance historique au Portugal. Toni Elías
représente le MotoGP Namco, le MotoGP de notre enfance. Le
n°24 continue de rayonner sur l’Amérique, tout comme son grand
sourire.
Sideways into the chicane is @ToniElias24 as he shows his incredible ability to control his fire-breathing HONOS Superbike and calmly set up for the turn. #OnTheEdge pic.twitter.com/OJ5A9uOAhl
— MotoAmerica (@MotoAmerica) February 2, 2021
Photo de couverture : Brundle