Cela fait longtemps que nous ne sommes pas revenus sur
l’histoire d’un pilote en particulier. Aujourd’hui,
penchons-nous sur la carrière de Shinya Nakano,
l’un des japonais les plus marquants de ce siècle.
Son début de carrière est somme toute classique. Né en 1977 à
Tokyo, il suit le parcours habituel de ses grands. D’abord en
minimoto, puis en championnat national All-Japan.
Comme souvent pour ces pilotes, le Grand Prix du
Japon (traditionnellement tenu à Suzuka et en ouverture du
mondial) était l’occasion rêvée pour se faire repérer. Ainsi,
chaque saison, des dizaines de pilotes aussi talentueux les uns que
les autres envahissaient les grilles des petites catégories afin de
se faire un nom. En 1998, Nakano est partant en
250cc.
À Suzuka,
les japonais sont rois : le pays du Soleil-Levant réalise un
quadruplé en quart de litre. Le regretté Daijiro
Kato s’impose, mais Shinya Nakano, pour
sa première apparition en mondial, est deuxième à moins d’une
seconde. Pour la petite histoire, l’obscur Naoki
Matsudo complète le podium, tandis que Tetsuya Harada
pointe quatrième. Cette saison 1998 est sienne. C’est lors
de cette année qu’il remporta le titre national en 250cc, lui
offrant une place en mondial pour 1999.
Hervé Poncharal et l’équipe Tech3 le prennent sous leur
aile. La formation était encore jeune, mais la relation
entre Poncharal et Nakano
dépassait le cadre du sport. En effet, ce dernier avoua en 2002 que
le team manager français l’avait beaucoup aidé à s’acclimater à
l’Europe, et avait joué un rôle clé dans son évolution.
Dotée de Yamaha YZR250, la paire débute 1999 en
trombe. Podium en Malaisie, puis victoire sensationnelle
au Japon, devant son public. Le retour sur le vieux continent est
tout aussi impressionnant, avec, instantanément, une pole à Jerez
suivie d’une deuxième place au Mans. Désormais dans la course au
titre, Shinya reste très régulier mais peine à suivre les Honda et
Aprilia. À la mi-saison, Valentino Rossi mène
confortablement suivi par Tohru Ukawa. Nakano est
derrière avec Loris Capirossi, sans démériter pour
autant. Malheureusement pour notre protagoniste du jour, une pole
et deux podiums en deuxième partie de saison ne suffirent pas à
contenir l’inévitable retour de « Capirex », qui lui souffle la
troisième place pour deux petits points.
Malgré tout, cette saison était très
encourageante. Pour sa première année à temps complet,
Shinya avait tenu les cadors. Il démarre la saison 2000 en trombe,
avec deux victoires sur les deux premières courses. Ses
compatriotes Ukawa et Kato ne sont pas loin, tandis que son
coéquipier Olivier Jacque, lui, est quelque peu
distancé.
Au Mans, tout change. Si Daijiro Kato s’impose pour un rien sur
Shinya, cette course marque le début du show
Jacque Attack. Troisième devant son public,
il ne quitta plus le podium jusqu’à Valence, soit neuf
courses plus tard. Une période bénie ponctuée par deux
victoires, et une série de cinq pole consécutives. Nakano
s’accroche. Dans le même temps, Kato, initialement favori au tiers
de la saison, connaît une mauvaise passe. La pression monte au fur
à mesure que les Grands Prix s’écoulent, mais un dénouement lors de
l’ultime manche est inéluctable. Cette
joute australienne, mythique, a déjà été contée dans l’article
consacré à Olivier Jacque, que nous vous invitons à lire en
cliquant sur ce lien en surbrillance.
Au terme d’une course historique, Jacque s’empare du titre mondial
et devient le troisième français à réaliser cet exploit, après
Jean-Louis Tournadre et Christian
Sarron. Nakano est battu, mais son accession en MotoGP est
déjà actée, toujours avec Tech3. Une fois de plus,
le Japonais s’en sort. Largement devant Olivier Jacque – toujours
son coéquipier – Nakano finit 5e du général avec
un podium acquis en Allemagne. Au cours de cette saison, il a
montré une régularité exemplaire qui laissait envisager de grandes
choses par la suite.
Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Doté d’une YZR500
deux-temps en 2001, Nakano avait beaucoup de mal contre
les nouvelles MotoGP quatre-temps. Pour le team français, le
passage à la YZR-M1 ne se fit qu’à trois courses
de la fin, bien trop tard pour espérer quoi que ce soit. Hervé
Poncharal et Shinya se séparent fin 2002, après cinq ans de
collaboration.
Une année de transition chez d’Antin Yamaha plus tard, une
opportunité s’offre à lui : devenir pilote d’usine
pour Kawasaki. Le challenge était de taille. Le
constructeur japonais faisait son grand retour en catégorie reine
avec la ZX-RR, mais la première saison d’exploitation n’avait pas
été glorieuse. Andrew Pitt et Gary
McCoy connurent toutes les difficultés du monde pour la
faire fonctionner. Le début d’année 2004 est beaucoup mieux. Cette
fois chaussée en Bridgestone, la Kawa’ avait de la performance,
sans pour autant se hisser aux avant-postes. Malgré une énorme
chute au Mugello en pleine ligne droite (sans doute l’une des plus
impressionnantes de toute l’histoire), Nakano domine
confortablement son coéquipier Alex Hofmann et s’adjuge même un
podium au Japon ! Un régal pour la
marque.
Seul problème : il stagne. Les Bridgestone,
moins performants en course, ne l’aident pas. Toujours est-il que
les années 2005 et 2006 se ressemblent, et les places les plus
prestigieuses sont lointaines. Certes, Nakano est toujours situé
aux alentours de la dixième place mais on ne l’imagine pas jouer
plus. Parfois, des opportunités se présentent comme à Assen en
2006. Colin Edwards, dans la dernière chicane,
chute et manque sa chance de remporter son premier Grand Prix, ce
qui offre la deuxième position à Shinya. Notre héros du jour quitte
Kawasaki fin 2006 pour rejoindre la formation Konica
Minolta Honda, mais sans plus de succès. Une signature
avec Gresini pour 2008 ne change rien, malgré une
année sous-cotée (9e avec onze top 10, soit son meilleur résultat
depuis 2001).
Aprilia, de retour en Superbike, signe le Japonais aux côtés de
Max Biaggi mais l’expérience tourne au vinaigre.
Entre grosses blessures et manque de performance, Nakano raccroche
le cuir fin 2009, mais ne s’éloigne pas des paddocks pour autant.
Son caractère, son style de pilotage et son casque à la décoration
atypique ont marqué toute une génération. Personne ne pourra lui
retirer son héritage. À coup sûr, il s’agit d’un des
derniers grands champions japonais, même sans titre
mondial.
Vous rappelez-vous de Nakano ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Oz