À vos ordres mon capitaine ! Il y a 72 ans,
Leslie Graham devenait le premier champion 500cc de l’histoire. Un
homme oublié, porteur d’une riche histoire. Le britannique, sur
AJS, est pourtant méconnu bien que sa carrière mérite amplement une
mention sur ces pages. Retour sur l’histoire du pilote militaire,
as parmi les as, Sir Leslie Graham.
Tout débute en 1929. Âgé de 18 ans, le jeune Leslie se passionne
pour les courses automobiles et motocyclistes. Téméraire, il
s’inscrit dans plusieurs épreuves différentes, à commencer par des
manches sur terre. De fil en aiguille, il tricote sa passion qui
l’emmènera sur les plus hauts sommets.
En 1936, il franchit un cap. Le Grand Prix
d’Ulster lui ouvre ses portes. Pour ceux qui ne
connaissent pas, le GP d’Ulster fait partie de la trinité des
courses sur route, avec le Tourist Trophy de l’île
de Man et la North West 200. Le Grand Prix de
Macao aimerait, lui aussi, discuter… Organisée depuis 1922 en
Irlande du Nord, l’Ulster est un mythe.
Sans grand succès et c’est bien normal sur ce type d’épreuve, il
n’abandonne pas et aura couru, avant le début de la Seconde Guerre
mondiale, les trois épreuves citées précédemment. Malheureusement,
pour lui et des millions d’autres, il est appelé au combat dans le
cadre du second conflit mondial.
Ses aptitudes de pilotes et son attrait pour les airs l’envoyèrent
dans la Royal Air Force dès 1940. À bord des légendaires
Avro Lancaster, il se fait un nom lors de survols
en Allemagne Nazie. Il accède au grade de capitaine (flight
lieutenant en anglais, il s’agit d’un faux-ami trompeur, par
équivalence, il serait capitaine dans l’armée française),
une très prestigieuse distinction.
Menant ses missions d’une main de maître, les autorités lui
décernèrent la Distinguished Flying Cross, haute
récompense remise pour « pour un ou des actes de vaillance, de
courage ou de dévouement accomplis en vol, au cours d’opérations
actives contre l’ennemi ». Nous parlons tout de même de la
troisième plus haute distinction militaire britannique;
définitivement, nous avons à faire à un monsieur.
Après sa démobilisation en 1946,
« Les’ », comme il se fait appeler,
retourne sur les circuits. Pour le compte d’AJS, il figure très
honnêtement à de différentes occasions jusqu’en 1949, date du
premier championnat du monde moto de l’histoire.
Graham est de nouveau appelé par l’escadron AJS pour représenter
la firme. Les twins « porcupine », ou «
porcs-épics » en français, espéraient tenir la cadence face au
redoutable quatre-en-ligne Gilera. Norton, portée par des pilotes
d’expérience tels que Johnny Locket ou Harold Daniell, espérera
faire triompher des machines vieillissantes.
La première saison s’ouvre à l’île de Man. Le TT, Leslie connaît
…mais il n’est pas le seul. En tête dans le dernier tour, le
vétéran de guerre pense enfin tenir sa première victoire le long de
la montagne. C’était sans compter sur un problème de magnéto,
apparu à quelques encablures de la ligne d’arrivée. Déterminé, il
décide de pousser afin de sécuriser la 10e place. Pas le début de
championnat rêvé.
En réalité, le reste de la saison sera moins sous tension. En
l’emportant à Bremgarten et sur l’Ulster, Graham s’impose en 500cc
une course avant la fin, alors qu’il comptait moins de points que
Nello Pagani, son rival. Sa victoire est dû à un archaïque
système de points, où seuls les meilleurs résultats comptent. Cela
permettait d’amortir les forfaits dus à des pannes mécaniques,
fréquents à l’époque. À 37 ans et 341 jours, il est encore,
à l’heure actuelle, le plus vieux champion de toute
l’histoire.
En 1952, Leslie termine deuxième derrière Umberto
Masetti, le génial rookie italien. Trop âgé, il ralentit un peu
son activité jusqu’à ce Tourist Trophy 1953. En 125cc, il s’adjuge
enfin, à 41 ans, sa première victoire sur le grandiose tracé de
l’île de Man. Quelques jours plus tard à peine, une violente chute
à Bray Hill l’éjecte de sa monture. L’infortuné décède sur
le coup.
L’histoire de Leslie Graham est avant tout celle d’un héros, d’un
pilote d’une autre époque. C’est pourquoi il faut insister sur ces
profils atypiques, importants pour l’histoire moto, mais pas que.
Que « Les’ » et tous les autres reposent en
paix.
Photo de couverture : Winterbergen / ANEFO Assen 1950