De coureur amateur à quadruple champion du
monde. Si le destin se montre souvent impitoyable, de
magnifiques histoires se déroulent au sein du championnat du monde
moto. Celle de Kork Ballington est à la fois
heureuse, passionnante et motivante. Chevauchons la machine à
remonter le temps, direction 1961 et Pinetown, Afrique du Sud.
Le jeune Kork, né en Rhodésie du Sud, s’intéresse à la moto grâce à
Dozy, son frère. Il assiste, à dix ans seulement,
à la première course de sa vie : Il est chamboulé par le spectacle,
piqué au vif.
Depuis ce jour-là, courir à son tour hante le jeune adolescent.
Aidé de son frère, il réalise son premier rêve à 16 ans. Le monde
de la course s’ouvre enfin à lui. En 1972, soit quatre ans plus
tard, un évènement important est programmé sur un circuit non loin
de Durban. Les récompenses remises au vainqueur sont alléchantes,
surtout pour les deux comparses qui rêvent de plus grand.
Celui qui gagne la course recevra deux billets d’avion pour
l’Angleterre, un transport de deux motos par bateau ainsi que 200
livres pour l’entretien et la vie sur place. Sur une modeste
Kawasaki H1R, Kork remporte le gros lot.
Notre jeune passionné s’envole direction le vieux continent,
accompagné de sa copine Browny et de son frère
Dozy. Une fois arrivé, c’est la débrouille qui
prime. Les trois larrons pensaient revenir fin 1973 après s’être
amusés, loin de se douter des exploits futurs. Fauchés, les trois
vivent au jour le jour, virevoltant de courses en courses.
Rapidement, les européens découvrent un diamant brut. Ballington
tient d’ores et déjà la comparaison avec les pilotes d’usines lors
d’exhibitions. En 1976, toujours équipé de rustiques Yamaha, il
remporte son premier Grand Prix 350cc dans le cadre du mondial, sur
l’impardonnable circuit de Montjuich.
D’énormes résultats suivent, découlant sur la signature chez un
team usine. En 1976, Kork s’engage avec Kawasaki, la même firme sur
laquelle il remporta la course de Durban précédemment évoquée. À 25
ans, il n’en croit pas ses yeux. Ce qui devait être une
année sabbatique amusante se transforme en conte de
fées.
Sur les KR250 et KR350, Ballington écrase la concurrence dans les
deux catégories. Il colle 57 points dans la vue de Takazumi
Katayama en 350cc mais ne bat son coéquipier Gregg
Hansford que de quelques points en quart de litre.
L’ascension est absolument folle.
En 1979, il renouvelle le succès. Kork Ballington entre dans
l’histoire en réalisant de nouveau le doublé 250cc – 350cc avec la
manière. Kawasaki ne pouvait rêver mieux. La firme, convaincue du
talent de ses flèches, pense judicieux de se focaliser sur la
catégorie 500cc.
Choix stratégique désastreux. L’oubliable KR500
fut un échec cuisant, alors qu’Hansford arrive finalement à battre
Kork en 250cc. Après trois années de résultats moyens dans la plus
prestigieuse des catégories, Kawasaki se retire tout comme son
pilote phare : A la surprise générale, Ballington raccroche le
cuir. Une décision prématurée qu’il regrettera plus
tard.
Il réussit à battre Wayne Rainey par deux fois en
1986, au guidon d’une Honda NS500 prêtée pour l’occasion, le tout
au sein du championnat AMA. Une preuve de son immense talent,
reconnu par le Hall of Fame MotoGP en 2018.
Lunettes sous le casque et moto verte, Kork Ballington était
reconnaissable entre mille. Une histoire digne d’un film américain
pourtant bien réelle. Témoin d’un autre temps, où l’on pouvait
remporter des courses en mondial tout en dormant dans un Ford
Transit bien trop petit pour trois. Aujourd’hui loin des moteurs,
Ballington peut savourer une retraite bien
méritée.
Photo de couverture : Joel59