Giacomo Agostini et Jarno
Saarinen sont deux pilotes mythiques, vous en conviendrez.
Hideo Kanaya a accompagné les deux héros de la plus belle des
manières, parfois en s’illustrant au plus haut niveau. Retour sur
l’histoire d’un précurseur oublié.
Hideo naît à Kobe en 1945. À 20 ans, il commence à se faire un nom
en tant que pilote Kawasaki au Japon, jusqu’à sa
première wildcard en mondial, à Suzuka, comme beaucoup de ses
compatriotes. Ces manches spontanées étaient la parfaite occasion
de se faire remarquer au plus haut niveau.
En catégorie 125cc, il réussit l’exploit de terminer troisième
derrière des pointures. Son ascension en tant que pilote Kawa
continue jusqu’au titre 250cc national en 1969. Yamaha, se
développant considérablement sur les circuits, débauche Hideo pour
des essais.
Ce n’est qu’à partir de 1972 que la firme aux diapasons fait
intervenir son joker de luxe sur le sol européen.
Kanaya n’a aucune expérience des tortueux tracés
du vieux continent mais devra s’adapter. Manque de chance, la
première manche de la saison est prévue sur le
Nürburgring, l’un des circuits les plus techniques
au monde.
À la surprise générale, Kanaya s’impose en 250cc, le
tout au guidon d’une machine très peu préparée. Le
phénomène est lancé. Le Japonais dispute d’autres courses en cette
saison mais jamais de championnats complets : Yamaha le préserve et
l’envoie souvent au pays pour tester, sa principale fonction. Au vu
des excellentes performances en 250cc et en
350cc, la marque lui donne l’opportunité de
s’exprimer à nouveau en 1973.
Jarno Saarinen, épaulé de Kanaya, rafle tout au
guidon de la YZR250 0W17 en 250cc mais également en 500cc. Yamaha
avait considérablement évolué entre temps, mais malheureusement, la
mort du prodige finlandais à Monza provoque le retrait de la firme
pour cette année. Hideo, qui réalisait une année exceptionnelle –
bien que derrière son légendaire coéquipier – est donc renvoyé au
Japon.
Le plan était simple : Revenir plus fort avec Kanaya mais
également Agostini, fraîchement engagé. Malheureusement, notre
homme du jour se blesse lourdement au
Daytona 200, tenu traditionnellement avant le début de
saison. Ceci le contraint de manquer l’intégralité de l’exercice
1974. Ensuite, deux chemins existent. Renaître ou
disparaître. Hideo choisit la première option.
Il s’affirme, en 1975, comme l’un des meilleurs pilotes du monde.
Au Paul Ricard, lui et son coéquipier Agostini
s’envolent devant tous les autres. Jusqu’au bout, la bataille est
indécise mais le sort désigne l’italien pour une demi-seconde. Lors
du rendez-vous suivant, en Autriche, les rôles s’inversent. Kanaya
prend les commandes de la course quand Ago doit abandonner sur
problème moteur.
Ce jour-là, Hideo devient le premier japonais à triompher sur Grand
Prix 500cc, après s’être affranchi de la 350cc plus tôt dans la
journée. Deux autres beaux résultats suivront avant d’être
rapatrié, une fois de plus, pour développer les machines. En
seulement quatre courses, Hideo a scoré assez de points pour finir
troisième du championnat. Un véritable exploit. Le titre pilote
revient tout de même à la maison grâce au « roi Ago
».
Cette année marque un tournant. Il explose le record du tour sur le
circuit de Suzuka
en championnat japonais et gagne le prestigieux Grand Prix
de Macao. Malheureusement, nous ne verrons plus Kanaya sur
les circuits du mondial. À 31 ans seulement, Yamaha le relègue aux
essais et aux épreuves de moindre importance.
Malgré tout, nous avons affaire ici à l’un des plus grands talents
des années 1970, grand sous-estimé dans
l’histoire. Précurseur japonais et auteur d’un comeback
étonnant après une blessure, nous ne parlons pas assez de Kanaya et
de son importance pour Yamaha dans leur conquête du titre 500cc.
Aujourd’hui, nous lui rendons hommage : Hideo s’est éteint
en 2013, âgé de 68 ans.
Photo de couverture : Yamaha